ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

Audience Publique du 27 avril 2017

Pourvoi : n°075/2015/PC du 30/04/2015

Affaire : Société Civile Immobilière SAVING

               (Conseil : Maître FOJOU Pierre Robert et la SCPA KABA & Associés, Avocats à la Cour)

          Contre

  • Succession SUNJIO Justin

               (Conseil : Maître Debora ESSOH NGOH EWANE, Avocat à la Cour)

  • BICEC

(Conseil : Maître GUY NOAH, Avocat à la Cour)

ARRET N° 100/2017 du 27 avril 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 avril 2017 où étaient présents :

 

Messieurs    Abdoulaye Issoufi TOURE,                       Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,              Juge

Djimasna N’DONINGAR,                          Juge, Rapporteur

Diéhi Vincent KOUA                                   Juge,

César Apollinaire ONDO MVE                       Juge,

 

et Maître Jean Bosco MONBLE,                Greffier,

 

Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 avril 2015 sous le n°075/2015/PC et formé par Maître FOJOU Pierre Robert, Avocat à la Cour, demeurant à Yaoundé, BP 5141, agissant au nom et pour le compte de la Société Civile Immobilière SAVING dite « SCI SAVING » dont le siège est à Yaoundé-Cameroun, BP 14461, dans la cause qui l’oppose à :

  • La succession de feu SUNJIO Justin, représentée par le docteur Eric SUNJIO domicilié à Yaoundé, BP 195, ayant pour conseil Maître Debora ESSOH NGOH EWANE, Avocate à la Cour, cabinet sis à Yaoundé, BP 11251 ;
  • La Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit, ayant pour conseil Maître Guy NOAH, Avocat à la Cour, demeurant à Yaoundé, BP 1913 ; en tierce opposition contre l’arrêt n°116/2014 rendu le 04 novembre 2014 par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé le 06 novembre 2009 par la BICEC ;

Condamne la BICEC aux dépens. » ;

 

Attendu que la requérante invoque à l’appui de son recours le moyen unique, tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure  que le 14 mars 1988 et le 16 mars 1993, la BICEC accordait au sieur SUNJO Justin la somme de 139 976 214 francs à titre de crédit ; que le constituant affectait en garantie du paiement, ses titres fonciers n°119 et 1576 sis à Mfoundi ; qu’étant demeurée impayée à l’échéance, la BICEC entreprit la réalisation des hypothèques consenties ; que cette procédure arrivait à son terme avec l’adjudication de l’immeuble au profit de la SCI SAVING, par procès-verbal de notaire en date du 31 juillet 2000 ; que le 20 septembre 2004, la succession de SUNJO saisissait le Tribunal de grande instance de Mfoundi en annulation de cette adjudication ; que par Jugement n°198 du 21 décembre 2005, l’action a été déclarée irrecevable pour forclusion ; que sur appel la Cour d’appel de Yaoundé, par Arrêt n°286 du 05 août 2009, en application des dispositions nationales, infirmait ledit jugement et annulait l’adjudication ; que statuant sur le pourvoi formé par la BICEC contre ledit Arrêt, la Cour de céans a rendu le 04 novembre 2014 l’Arrêt n°116/2014,  objet de la tierce opposition ;

 

Sur la recevabilité du recours en tierce opposition

 

Attendu que la SCI SAVING expose dans son recours que sa tierce opposition est dirigée contre l’Arrêt n°116/2014 rendu le 04 novembre 2014 par la Cour de céans ; que ledit arrêt préjudicie à ses droits pour avoir rejeté le pourvoi formé contre l’Arrêt n°286 du 05 août 2009 rendu par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé ayant infirmé le jugement n°198 du 21 décembre 2005 qui a déclaré irrecevable la demande d’annulation de l’adjudication dont elle est la bénéficiaire ; qu’elle fait observer que le rejet du pourvoi de la BICEC confirme l’annulation de l’adjudication par la Cour d’appel et, par conséquent, la perte pour elle des immeubles ; qu’elle déplore enfin n’avoir pas été appelée à l’instance ayant abouti audit arrêt devant la Cour de céans, faute d’en avoir été informée ;

 

Attendu que la requête est conforme aux prescriptions de l’article 47-2 du Règlement de procédure de la Cour de céans ; qu’il s’ensuit que le recours en tierce opposition de la SCI SAVING doit être déclaré recevable ;

 

Sur le bien-fondé de la demande en tierce opposition

 

Attendu que la SCI SAVING demande à la Cour de céans de faire droit à son recours en tierce opposition et de modifier l’Arrêt n°116/2014 du 04 novembre 2014 en ce qui la concerne, aux motifs qu’en rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt n°286 rendu le 05 août 2009 par la cour d’appel du Centre, la Cour de céans n’a pas fait une juste appréciation des faits de la cause, ni une bonne interprétation des articles 117 et 150 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés et des articles 336 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que, selon le moyen, c’est l’article 117 précité, en son alinéa 2, qui renvoie aux « règles de la saisie immobilière » pour la réalisation de l’hypothèque ; que ces « règles de la saisie immobilière » qui doivent gouverner la procédure, dans le cas d’espèce, sont les dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui, aux termes de son article 337, sont « applicables aux (…)  mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur » ; qu’en se fondant sur l’article 150 susvisé pour décider que « les lois nationales en vigueur au moment de la constitution des sûretés antérieures à l’Acte uniforme doivent gouverner la procédure devant en résulter jusqu’à complet paiement » et rejeter le pourvoi formé par la BICEC, l’arrêt dont tierce opposition a violé les textes visés ; qu’il y a lieu dès lors de faire droit à la tierce opposition ;

 

Mais attendu que l’arrêt n°116/2014 du 04 novembre 2014 de la Cour de céans a justement retenu qu’en application de l’article 150 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés, « celui-ci n’est applicable qu’aux sûretés consenties après son entrée en vigueur » ; que cette exclusion expresse empêche qu’il soit fait application de son article 117 qui renvoie aux « règles de la saisie immobilière », les sûretés, en l’espèce, étant constituées antérieurement à sa prise d’effet ;  qu’en conséquence, le grief contre l’arrêt attaqué n’est pas avéré ; qu’il échet déclarer la demande en tierce opposition non fondée et la rejeter ;

 

Attendu que la SCI SAVING ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

En la forme :

 

Déclare recevable la tierce opposition formée contre l’Arrêt n°116/2014 rendu le 04 novembre 2014 par la Cour de céans ;

Au fond :

 

La déclare mal fondée et la rejette ;

 

Condamne la SCI SAVING aux dépens.

 

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

 

Le Greffier