ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Troisième chambre

Audience publique du 08 juin 2017

Pourvoi :  n° 231/2016/PC du 25/10/2016

Affaire :   FEDERALE D’ASSURANCES Côte D’Ivoire

               dite FEDAS-CI

                (Conseils :  SCPA DOGUE, Abbé YAO & Associés, avocats à la Cour)

 

                                 contre

                 

  • Administration des Douanes de Côte d’Ivoire

  

  • Monsieur le Receveur Principal des Douanes

 

  • Etat de Côte d’Ivoire

                  (Conseils : SCPA HOUPHOUET-SORO-KONE & Associés, avocats à la Cour)

                  

Arrêt N° 139/2017 du 08 juin 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 juin 2017 où étaient présents :

 

Messieurs    Mamadou DEME,                                Président

Victoriano OBIANG ABOGO,                 Juge

Idrissa YAYE,                                        Juge, rapporteur

Birika Jean Claude BONZI,                       Juge

Fodé KANTE,                                          Juge

 

et Maître   Alfred Koessy BADO,                                      Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 25  octobre 2016 sous le n°231/2016/PC et formé par la SCPA DOGUE’ Abbé YAO & Associés, avocats à la cour, 29, Boulevard CLOZEL, 01 BP 174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la FEDERALE D’ASSURANCES Côte d’Ivoire dite FEDAS-CI dont le siège social est à Abidjan-Plateau, Rue du Commerce, 4ème étage, Immeuble Amiral, 26 BP 1333 Abidjan 26, représentée par monsieur Bernard BARTOSEK, directeur général,  dans la cause l’opposant à l’Administration des Douanes de Côte d’Ivoire, dont le siège social est sis à Abidjan-Plateau, Place de la République, BP V 25 Abidjan, au Receveur Principal des Douanes, dont les bureaux sont sis au Port Autonome d’Abidjan et à l’Etat de Côte d’Ivoire, pris en la personne de monsieur le Ministre de l’Economie et  des Finances, représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor, ayant tous pour conseils la SCPA HOUPHOUET-SORO-KONE & Associés, avocats à la cour, 20-22, Boulevard CLOZEL, Immeuble « Les acacias », 2ème étage, porte 204, 01 BP 11931 Abidjan 01,

 

en cassation de l’arrêt n°382 rendu le 27 mai 2016 par la première chambre civile de la cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort ;

 

EN LA FORME ;

Déclare l’Administration des Douanes de Côte d’Ivoire, le Receveur principal des Douanes et l’Etat de Côte d’Ivoire recevables en leur appel ;

 

AU FOND

Les y dit bien fondés ;

Infirme le jugement attaqué ;

 

Statuant à nouveau :

 

Dit que l’acte de cautionnement dénommé « soumission cautionnée pour l’obtention de crédit d’enlèvement en Douane en 2010 » est régulier ;

 

Condamne la Fédérale d’Assurances Côte d’Ivoire dite FEDAS-CI à payer à l’Administration des Douanes les sommes suivantes :

 

– Deux cent vingt-cinq millions (225.000.000) FCFA au titre du cautionnement dû ;

– Cent millions (100.000.000) FCFA à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

La condamne en outre aux dépens. » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Idrissa YAYE, Juge ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 03 février 2010, l’Administration des Douanes recevait de la société Hyssand Transit Côte d’Ivoire une soumission pour l’obtention du crédit d’enlèvement en douane pour l’année 2010 ; que sur cette soumission enregistrée le 03 février 2010 la FEDAS-CI cautionnait les engagements de la société Hyssand Transit Côte d’Ivoire à concurrence de la somme de FCFA 225.000.000 (Deux cent vingt-cinq millions de  de francs CFA), plus les intérêts et remises légalement exigibles pour les opérations effectuées dans l’année 2010 ; que la société Hyssand Transit Côte d’Ivoire ayant été admise en liquidation judiciaire par jugement n° 2297/1ère du 22 décembre 2011, restait redevable de l’Administration des Douanes au titre des crédits accordés en exécution de cet acte de soumission cautionné par la FEDAS-CI de la somme de 246.739.559 francs CFA ; que requise d’exécuter ses engagements de caution par l’Administration des Douanes suivant lettre en date du 20 juin 2011, la FEDAS-CI, par lettre en date du 18 juillet 2011, informait la créancière de ce que le cautionnement n’avait pu prendre effet en raison du non-paiement de la prime d’assurance dans le délai de 90 jours requis par l’article 13 du code CIMA ; que par exploit en date du 07 février 2012, la caution assignait l’Administration des Douanes, le Receveur principal des Douanes, l’Etat de Côte d’Ivoire et la débitrice cautionnée en annulation de l’acte de cautionnement ; qu’en ripostant l’Administration des Douanes concluait au rejet du recours et à la condamnation de la caution à titre reconventionnel  à lui payer la somme de 246.739.559 francs CFA au titre de la dette de la société Hyssand Transit et à celle de 240.000.000 de francs CFA à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; que par jugement n° 786 du 02 mai 2013, le tribunal de première instance d’Abidjan  faisait droit à l’action de la caution ; que sur appel de l’Administration des Douanes, du Receveur principal des Douanes et de l’Etat de Côte d’Ivoire, la première chambre civile de la cour d’appel d’Abidjan rendait le 27 mai 2016 l’arrêt infirmatif dont pourvoi ;

 

 

Sur la recevabilité du recours

 

Attendu que les défendeurs au pourvoi ont soulevé dans leur mémoire en réponse, in limine litis, l’exception d’irrecevabilité du pourvoi en cassation, motifs pris de ce qu’en violation des dispositions de l’article 28-1 du Règlement de procédure de la Cour de céans les noms et domiciles de l’Etat de Côte d’Ivoire, partie à l’instance devant la cour d’appel ont été omis dans le recours en cassation ;

 

Mais attendu que l’omission de l’Etat de Côte d’Ivoire a pu être spontanément régularisée dans le mémoire en réponse, l’Etat de Côte d’Ivoire ayant pu présenter ses moyens de défense à travers les mêmes conseils constitués par les défendeurs tant devant les juridictions de fond que devant la juridiction de cassation ; qu’il échet de déclarer ladite exception sans objet ; qu’il s’ensuit que le pourvoi intervenu dans les conditions de délai et de forme de la loi doit-être déclaré recevable en la forme ;

 

Sur le premier moyen pris en sa première branche 

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 3, 4   de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997 en ce qu’il a déclaré valable l’acte de cautionnement malgré qu’il ne comportât pas la signature de l’Administration des Douanes, créancière ;

 

Mais attendu que les juges du fond, en appréciant les faits soumis à leur appréciation, ont pu déduire, souverainement, des éléments de preuve qui leur sont soumis, notamment, de l’acte de cautionnement : « Qu’en outre, la signature de l’Administration des Douanes apparaît bien sur l’acte de cautionnement querellé, …» ;   que cette appréciation souveraine des faits échappe au contrôle du juge de la cassation et il échet dès lors de rejeter cette branche du moyen  comme étant non fondée ;

 

Sur le premier moyen pris en sa deuxième branche  

 

Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés en estimant que « contrairement aux allégations de la FEDAS, la société HYSSAND Transit, débiteur principal, ayant été attraite à l’instance en nullité du supposé acte de cautionnement, la demande reconventionnelle présentée par l’Administration des Douanes était bien recevable ; », sans tenir compte des exigences requises pour poursuivre la caution ; que selon le moyen, le créancier qui poursuit la caution doit actionner en paiement le débiteur principal ;

 

Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés « Toutefois, le créancier ne peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu’en appelant en cause le débiteur principal. » ; que lesdites dispositions ne précisent pas les formes dans lesquelles le débiteur doit-être mis en cause ;

 

Attendu, en l’espèce, que le recours en nullité de l’acte de cautionnement a été initié par la caution, laquelle a assigné aussi bien les défendeurs que le débiteur principal également partie à l’instance devant la cour d’appel ; que dès lors c’est à tort que la caution reproche à l’arrêt attaqué la violation de l’article 15, le débiteur principal ayant ainsi été mis en cause par la caution dans son recours en annulation ; que dès lors la cour d’appel qui a reçu la demande reconventionnelle de l’Administration des Douanes n’a en rien commis le grief allégué ; qu’il échet de rejeter cette branche du moyen comme étant non fondée ;

 

Sur le premier moyen pris en sa troisième branche

 

Attendu que la FEDAS-CI fait également grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 1149 du code civil ivoirien en la condamnant à payer à l’administration des Douanes la somme de 100.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts sans préciser les éléments constitutifs de cette somme ;

 

Mais attendu que la recourante n’articule pas suffisamment en quoi la cour d’appel, en répondant à la demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive   en ces termes « Considérant en effet, que la FEDAS-CI, bien qu’ayant cautionné la société HYSSAND Transit, qui a été incapable d’honorer sa dette à l’égard de l’Administration des Douanes, a néanmoins opposé une résistance quant au paiement de cette dette ;

 

Qu’une telle situation étant préjudiciable pour l’Administration des Douanes, il y a lieu de faire droit aux prétentions de cette dernière en condamnant la société FEDAS-CI à lui payer la somme de cent millions (100.000.000) de francs CFA à titre de dommages-intérêts ; », a violé l’article 1149 invoqué ; qu’ainsi la troisième branche du moyen vague et imprécise doit également être rejetée ;

 

Sur le second moyen

 

Attendu que la FEDAS-CI reproche enfin à l’arrêt attaqué un défaut de base légale, résultant de l’insuffisance des motifs pour avoir affirmé que « Considérant cependant qu’il ressort de l’acte critiqué que la FEDAS-CI avait parfaitement pris lecture dudit acte et l’a signé de la main de son Représentant légal, Monsieur AKA Frédérique, le Directeur général ;

Qu’en outre la signature de l’Administration des Douanes apparaît bien sur l’acte de cautionnement querellé, de même que le montant maximum garanti ;

 

Qu’alors, l’article 4 susvisé ayant été édicté dans l’intérêt des parties, notamment la caution et le créancier, c’est à tort que la FEDAS-CI sollicite la nullité dudit acte pour absence de mention manuscrite de la caution ; », alors que selon le moyen, la signature de l’Administration  des Douanes, créancière, ne figurait pas sur l’acte de cautionnement, mais figurait plutôt sur une page distincte de l’acte de cautionnement, dans la mesure où il s’agit d’une signature isolée, apposée sur une page de légalisation de signature, à une date ultérieure à celle de l’acte principal, que la cour dans sa motivation à laisser croire qu’il existait un acte régulier qui ne souffrait d’aucune contestation ; que de même la cour d’appel a cru devoir affirmer que l’article 4 a été édicté dans l’intérêt des parties, alors que selon le moyen, l’Acte uniforme du 17 avril 1997 précité faisait du cautionnement un contrat formaliste ;

 

Mais attendu que les critiques faites à l’arrêt relatives à la non signature de l’acte de cautionnement par l’Administration ayant été ci-dessus rejetées, le moyen fondé sur le défaut de base légale ne peut non plus prospérer malgré l’affirmation surabondante de la cour d’appel selon laquelle : « l’article 4 ayant été édicté dans l’intérêt des parties, notamment la caution et le créancier, c’est à tort que la FEDAS-CI sollicite la nullité dudit acte pour absence de mention manuscrite ; » ; qu’une telle assertion même fausse n’ayant eu aucun effet sur la solution retenue du litige ; qu’il convient de rejeter cette seconde branche du moyen et de rejeter conséquemment le recours comme étant non fondé ;

 

Attendu qu’ayant succombé, la FEDAS-CI doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

 

En la forme :

Déclare le recours recevable ;

 

Au fond :

Le Rejette ;

Condamne la FEDAS-CI aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

 Le Président

        

  Le Greffier