ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 22 mars 2012
Pourvoi : n°081/2008/ PC du 21 août 2008
Affaire : Monsieur Bomisso Gbayoro Mathias
(Conseil : Maître AKRE-TCHAKRE, Avocat à la Cour)
contre
Société Internationale de Linguistique dite SIL
(Conseil : Maître ANDJEMIAN Serge Eric, Avocat à la Cour)
ARRET N°033/2012 du 22 mars 2012
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 mars 2012 où étaient présents :
Messieurs : Maïnassara MAIDAGI Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 21 août 2008 sous le n°081/2008/ PC et formé par Maître AKRE-TCHAKRE, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan Plateau, avenue Crossons Duplessis, résidence Diana, 01 BP 2228 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Bomisso Gbayoro Mathias, domicilié à Yopougon, cité Mami Adjoua, villa A- 161, Abidjan, dans la cause l’opposant à la Société Internationale de Linguistique dite SIL, ayant son siège social à Abidjan-Cocody-Riviera Golf, 08 BP 857 Abidjan 08, agissant aux poursuites de son Directeur général, Monsieur Timothy TILLINGHAST, ayant pour conseil, Maître ANDJEMIAN Serge Eric, Avocat à la Cour, demeurant à Cocody les II Plateaux, boulevard des Marthyrs, rue J. 35, appartement Chanterelles n°432 bis, 06 BP 1450 Abidjan 06,en cassation de l’Ordonnance n°323/08 rendue le 09 juillet 2008 par Madame le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan en ces termes :
« Nous,Premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan ;
Vu la requête qui précède, les motifs y exposés et les pièces à l’appui ;
Vu les dispositions de l’article 181 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative ;
Vu les réquisitions de Monsieur le Procureur Général ;
L’exécution provisoire risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives.
Ordonnons en conséquence la suspension de l’exécution du jugement social N°1425/CV4/2007 rendu le 26/09/2007 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau jusqu’à ce que la Cour d’Appel vide sa saisine. »
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’à la suite de son licenciement par la Société Internationale de Linguistique dite SIL , Monsieur Bomisso Gbayoro Mathias saisissait le Tribunal du travail d’Abidjan qui rendait le 26 septembre 2007 le Jugement social par défaut n°1425/CS4/2007 assorti de l’exécution provisoire sur les droits acquis, lequel condamnait SIL à lui payer diverses sommes d’argent ; que le 27 septembre 2007, SIL formait opposition audit jugement et sollicitait la suspension de la mesure provisoire ; que le 21 décembre 2007, Monsieur Bomisso Gbayoro Mathias pratiquait sur les biens meubles corporels de SIL, une saisie conservatoire convertie le même jour en saisie vente ; que le 24 décembre 2007, il faisait pratiquer une saisie attribution de créances sur les comptes de SIL qu’il fit dénoncer le 02 janvier 2008 ; que par jugement avant dire droit du 10 janvier 2008 contre lequel Bomissso a interjeté appel, le tribunal du travail ordonnait la suspension de l’exécution provisoire découlant du jugement par défaut ; que par décision du 27 février 2008, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau, statuant en référés d’heure à heure, déboutait SIL de sa demande en mainlevée des différentes saisies pratiquées à son préjudice ; que par jugement du 15 mai 2008, le tribunal du travail déclarait irrecevable l’opposition de SIL pour défaut de capacité juridique, redonnant ainsi plein effet au jugement social par défaut sur la base duquel l’exécution avait été entreprise ; que SIL relevait appel dudit jugement et présentait, sur le fondement des articles 180 et 181 du code ivoirien de procédure civile commerciale et administrative, une requête aux fins de suspension de l’exécution du jugement à Madame le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan qui, par Ordonnance n°323/08 du 09 juillet 2008 dont pourvoi, suspendait l’exécution du Jugement social n°1425/CS4/2007 du 26 septembre 2007 ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que la Société Internationale de Linguistique soulève l’incompétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage au motif que l’Ordonnance présidentielle n°323/08 du 09 juillet 2008 querellée rendue non pas en cause d’appel mais plutôt à la suite d’une procédure gracieuse, n’est ni une décision de premier et dernier ressort ni un arrêt de la Cour d’appel mais, une décision rendue dans le cadre des fonctions administratives du Premier Président de la Cour d’appel en vertu des articles 180 et 181 du code ivoirien de procédure civile commerciale et administrative et n’entre pas dans le champ de saisine de la Cour de céans dont la compétence matérielle est fixée par les alinéas 3 et 4 de l’article 14 du traité OHADA selon lesquels « saisie par la voie du recours en cassation, la cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties… » et « elle [la Cour] se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux. » ;
Mais attendu que le code ivoirien de procédure civile n’a prévu aucune voie de recours ordinaire contre les ordonnances rendues en vertu des articles 180 et 181 par le Premier Président de la Cour d’appel ; qu’en saisissant la Cour de céans d’un recours contre une décision suspendant l’exécution du jugement social susindiqué dont l’exécution est entreprise par application des dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, celle-ci doit se déclarer compétente ;
Sur le premier moyen en ses deux branches réunies
Vu l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir, en violation de l’article 32 de l’Acte uniforme sus visé, suspendu, sur le fondement des articles 180 et 181 du code ivoirien de procédure civile commerciale et administrative, l’exécution du jugement social rendu le 26 septembre 2007 assorti de l’exécution provisoire pour les droits acquis condamnant SIL au paiement, à Monsieur Bomisso Gbayoro Mathias, de diverses sommes d’argent et alors, selon le moyen, qu’une exécution entamée en vertu d’un titre par provision doit être poursuivie jusqu’à son terme aux risques du créancier ;
Attendu que l’article 32 de l’Acte uniforme sus visé dispose « A l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision.
L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part. » ;
Attendu que les articles 180 et 181 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative sur le fondement duquel le Président de la Cour d’appel d’Abidjan a ordonné la mesure de suspension d’une exécution de jugement par provision déjà entamée et lesquels disposent que «Sauf disposition contraire de la loi, l’appel interjeté dans le délai légal est suspensif, à moins que l’exécution provisoire ait été ordonnée », « Le premier Président saisi peut….., décider dans les huit jours qu’il soit sursis ou non à l’exécution des jugements frappés d’appel ou des ordonnances de référé lorsque ladite décision est de nature à troubler l’ordre public ou doit entrainer un préjudice irréparable ou des conséquences manifestement excessives», sont des dispositions de droit interne applicables au cas où l’exécution n’est pas encore entamée ; qu’au sens de l’article 32 de l’Acte uniforme suscité, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme aux risques du créancier ; qu’en l’espèce, Monsieur Bomisso Gbayoro Mathias a engagé l’exécution forcée de la décision en pratiquant le 21 décembre 2007, une saisie conservatoire des biens meubles corporels de SIL convertie le même jour en saisie vente et, le 24 décembre 2007, une saisie attribution de créances sur les comptes de SIL ; qu’en ordonnant la suspension de l’exécution entamée du jugement social , le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan a violé l’article 32 de l’Acte uniforme visé au moyen ; qu’en conséquence sa décision doit être annulée et l’exécution du jugement doit être poursuivie sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen ;
Attendu qu’ayant succombé, la SIL doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare la Cour de céans compétente ;
Annule l’Ordonnance n°323/08 rendue le 09 juillet 2008 par Madame le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan ;
Dit et juge que l’exécution du Jugement social n°1425/CS4/2007 rendu le 26 septembre 2007 par le Tribunal du travail d’Abidjan entamée par Monsieur Bomisso Gbayoro Mathias doit être poursuivie jusqu’à son terme ;
Condamne la SIL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé
Le Président
Le Greffier