ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Troisième chambre

Audience publique du 09 mars 2017

Pourvoi :  n° 020/2011/PC du 11/02/2011 

Affaire :   Bank Of Africa-Côte d’Ivoire, dite BOA-CI SA

               (Conseil : Maître Jean François CHAUVEAU, Avocat à la Cour)

                                    contre

               Société Aminou Moussibaye industrie-Côte d’Ivoire, dite AMI-CI 

              

ARRET N° 031/2017 du 09 mars 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 09 mars 2017 où étaient présents :

 

Messieurs     Mamadou DEME,                                Président, rapporteur

Idrissa YAYE,                                        Juge

Fodé KANTE,                                        Juge

 

et  Maître    Alfred Koessy BADO,                          Greffier ;

 

Sur le recours  enregistré au greffe de cette cour le 11 février 2011 sous le numéro 020/2011/PC, formé par la Bank of Africa-Côte d’Ivoire, dite BOA-CI, société anonyme ayant son siège à Abidjan-Plateau, Avenue Terrasson de Fougère angle Gourgas, immeuble SERMED/BOA, 01 BP : 4132 Abidjan 01, ayant pour conseil Maître Jean François CHAUVEAU, avocat à la Cour à Abidjan, 01 B.P : 3586 Abidjan 01, dans l’affaire qui l’oppose à la Société Aminou Moussibaye Industrie-Côte d’Ivoire, dite AMI-CI, société à responsabilité limitée ayant son siège à Abidjan II plateaux la Djibi, lot n°80, 04 B.P : 1264 Abidjan 04, en cassation de l’arrêt n°450 rendu le 03 juillet 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan, dont le dispositif est le suivant:

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et civile et en dernier ressort ;

Reçoit la BOA-CI en son appel relevé du jugement n°032 rendu le 09 janvier 2008 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan –Plateau ;

L’y dit mal fondée ;

L’en déboute ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne la BOA-CI aux dépens » ;

La demanderesse invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à sa requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, 2nd Vice-Président ;

Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu que suivant correspondances n°s 289/2011/G2 du 03 août 2011 et 0373/2016/GC du 08 avril 2016, le Greffier en chef de cette cour a tenté en vain de signifier le pourvoi à la société AMI-CI à son adresse indiquée aussi bien dans la requête introductive que dans le jugement et l’arrêt entrepris ; que ces correspondances lui ont été retournées par la Poste avec la mention « non réclamée » ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il échet de statuer sur le recours ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué et des productions que la société AMI-CI a sollicité et obtenu de la BOA-CI l’émission d’une garantie bancaire à première demande d’un montant de 38.000 Euros au profit de son fournisseur suisse, la société VOCO DRAHT AG ; qu’à la suite de cet accord, la BOA-CI a sollicité et obtenu auprès de la NATEXIS BANQUES POPULAIRES, sous sa contre-garantie, l’émission d’une garantie bancaire à première demande pour le même montant, au profit de la société VOCO DRAHT AV, via la banque NEUE AARGAUER BANK, dite NAB ; qu’ultérieurement, les garanties et contre-garanties ont été mises et jeu, au motif que la Société AMI-CI n’a pas tenu ses engagements contractuels auprès de la société VOCO DRAHT,  et la BOA-CI a dû payer la somme garantie ; qu’elle a ensuite  assigné la société AMI-CI devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour réclamer le remboursement de ses débours ; que suivant jugement n°32  du 9 janvier 2008, le Tribunal l’a déboutée de cette prétention ; que statuant sur l’appel formé contre ce jugement, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu l’arrêt confirmatif frappé du pourvoi ;

Sur le moyen unique tiré du défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété de motifs :

Attendu que la BOA-CI reproche à la Cour d’appel d’avoir retenu que le paiement qu’elle a effectué n’est pas libératoire, pour être intervenu après l’expiration de la garantie et sans l’avis préalable de la société AMI-CI, alors que, s’agissant d’une garantie à première demande, elle n’avait pas à se référer au donneur d’ordre avant de s’exécuter, que le paiement a été fait au vu de l’attestation du bénéficiaire affirmant que la société AMI-CI n’a pas respecté ses engagements, conformément aux stipulations  de la lettre de garantie, et que l’appel de la garantie a été fait par la société VOCO DRAHT bien avant la date limite prévue par le lettre de garantie ;

Attendu qu’il résulte des motifs de l’arrêt attaqué que pour confirmer le jugement et rejeter la demande en paiement de la BOA-CI, la Cour d’appel a retenu contre celle-ci une faute d’imprudence et de négligence, en ce qu’elle a donné suite à l’appel de la garantie sans avoir pris l’avis préalable de la société AMI-CI, alors que la demande en paiement «n’a pas été authentifiée » par cette dernière, et qu’à la date du paiement, la période de validité de lettre de garantie lui servant de fondement avait expiré;

Mais attendu qu’aucune disposition de la lettre de garantie litigieuse, qui constitue la loi des parties, ne subordonne le paiement par le garant ou le contre-garant à l’avis préalable du donneur d’ordre ou à l’ « authentification » de la demande de paiement par ces derniers; que par ailleurs, l’appel de la garantie a été fait par la société VOCO DRAHT suivant courrier adressé à la NAB le 11 juin 2002, régulièrement produit aux débats, alors que la date limite de présentation de la demande de paiement par le bénéficiaire a été fixée par la convention liant les parties au 28 février 2003; qu’ainsi, ladite demande a été présentée dans les délais et en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision; qu’il échet de casser l’arrêt et d’évoquer;

Sur l’évocation :

Attendu que par exploit en date du 16 avril 2008, la BOA-CI a formé appel contre le jugement n°032/08 rendu le 09 janvier 2008 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi conçu :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;

Reçoit la BOA-CI en son action ;

L’y dit cependant mal fondée ;

L’en déboute ;

Met les dépens à la charge de la BOA-CI » ;

Attendu qu’il échet de déclarer l’appel recevable en la forme ;

Au fond :

Attendu qu’il résulte des motifs du jugement attaqué que le Tribunal a débouté la BOA-CI de sa demande en paiement, aux motifs qu’aux termes de la lettre de garantie, le paiement par le garant était subordonné à la production d’une attestation, alors que la BOA-CI a procédé audit paiement sur la foi d’une simple déclaration de la société VOCO DRAHT selon laquelle la société AMI-CI n’a pas respecté ses engagements, et que l’attestation prévue par la lettre de garantie ne saurait se confondre avec une simple déclaration émanant de surcroît de la société bénéficiaire de la garantie ;

Attendu qu’au soutien de son appel, la BOA-CI fait plaider qu’elle a payé conformément à ses engagements contractuels ; que la convention la liant à la société AMI-CI ne constitue pas un cautionnement, mais une garantie à première demande, soit un ordre de paiement soumis à la simple demande du bénéficiaire, indiquant que le donneur d’ordre n’a pas respecté ses engagements ;

Attendu qu’il résulte du télex de la BOA-CI en date du 17 mai 2002 qu’interpellée par la NETEXIS BANQUES POPULAIRES sur la signification du terme « Attestation » contenue dans sa lettre de contre-garantie, la BOA-CI a bien précisé : « Nous entendons par ce terme que la société VOCO DRAHT doit vous faire parvenir au plus tard le 28 février 2003 sa demande de paiement dans laquelle elle atteste que la société AMI-CI n’a pas honoré ses engagements. » ; que le reproche fait de ce chef par le Tribunal à la BOA-CI n’est donc pas fondé ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article 35 al 2 (ancien) de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés que « Avant tout paiement, le garant doit transmettre, sans retard, la demande du bénéficiaire et tous documents accompagnant celle-ci au donneur d’ordre pour information ou, le cas échéant, au contre-garant pour transmission au donneur d’ordre aux mêmes fins » ;

Attendu qu’en l’espèce la BOA ne prouve ni même ne soutient dans ses diverses écritures, devant le tribunal, en appel et devant cette Cour, avoir procédé à la transmission prescrite par les dispositions susvisées ; qu’en omettant cette formalité imposée par la loi, la BOA-CI a privé la société AMI-CI, donneur d’ordre, de la protection qui lui est offerte par l’article 36 du même Acte uniforme, lui permettant de s’opposer directement au paiement en cas d’abus ou de fraude ; que par ces motifs, il échet de dire que le paiement litigieux n’est pas libératoire, et de confirmer le jugement ;

Attendu que la BOA-CI qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

Casse l’arrêt numéro 450 rendu le 03 juillet 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Confirme le jugement n°032/08 rendu le 09 janvier 2008 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan

Condamne la BOA-CI aux entiers dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

 

Le Greffier