ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 28 avril 2016
Pourvoi : n°087/2014/PC du 16/05/2014
Affaire : Monsieur ZORKOT NABIL
(Conseil : maître Mawa FOFANA, avocat à la Cour)
contre
Madame SIDIBE SALIMATA épouse FABRE
(Conseils : SCPA KABA et Associés, avocats à la Cour)
Monsieur ADOUBE N’DAKA Luc
ARRET N° 085/2016 du 28 avril 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 28 avril 2016 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente
Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge, rapporteur
Jean Claude BONZI, Juge
Fodé KANTE, Juge
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire monsieur ZORKOT NABIL, photographe, domicilié à Abidjan Marcory résidentiel, 18 BP 2174 Abidjan 18, ayant pour conseil maître Mawa FOFANA, avocat à la cour, demeurant au Plateau, avenue Jean-Paul II, immeuble CCIA, 3ème étage, porte 16, dans la cause l’opposant à madame SIDIBE Salimata, épouse FABRE, ménagère, demeurant à Abidjan-Koumassi Remblais, ayant pour conseil la SCPA KABA et Associés, avocats à la cour, demeurant à Cocody Ambassades, rue Booker Washington, 2ème ruelle à droite après l’immeuble Ariane, villa n°500, 01 BP 4297 Abidjan 01, et monsieur ADOUBE N’DAKA LUC, ex-propriétaire immobilier des lots n°347 et 349 îlot 36, domicilié à la zone 4 Biétry, rue du canal, derrière SITCO, par Arrêt n°240/14 du 03 avril 2014 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie,en cassation de l’arrêt n°31 rendu le 08 janvier 2010 par la 4e chambre civile et commerciale B de la cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme
Déclare madame Sidibé Salimata épouse Fabre recevable en son appel ;
Au fond
L’y dit bien fondée ;
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :
Déboute M. Zorkot Nabil de sa demande ;
Le condamne aux dépens ; » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Idrissa YAYE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, par acte notarié en date des 04 et 08 juillet 2005, monsieur ZORKOT NABIL a acquis avec monsieur ADOUBA N’DAKA Luc, propriétaire immobilier, les lots n°347 et 349 îlot 36, d’une superficie de 1200 m2, sis à la zone 4C complémentaire, 3ème tranche, objet du titre foncier n° 27375 de la circonscription foncière de Bingerville, moyennant la somme de 15 000 000FCFA ; que par courrier en date du 20 janvier 2006, reçu le 28 février 2006, maître Angèle A. Kouassi, notaire, a transmis au conservateur de la propriété foncière et des hypothèques, les documents relatifs à ladite vente, en vue de l’accomplissement des formalités de publicité ; que cependant, cette publicité au livre foncier n’a été enregistrée que le 28 mars 2006 ; qu’avant, madame Sidibé Salimata, épouse FABRE, à laquelle une promesse de vente a été faite par le même propriétaire immobilier portant sur un terrain non bâti de 600 m2 sis à Abidjan zone 4 rue du canal, pour laquelle celle-ci a intégralement payé le prix de vente se chiffrant à la somme de 9 200 000FCFA, las d’attendre la concrétisation de cette promesse, a obtenu suivant ordonnance n°967 du 16 mars 2006, l’autorisation de faire inscrire une hypothèque conservatoire sur l’immeuble non bâti, objet du titre foncier n° 27375 appartenant à monsieur ADOUBE N’DAKA Luc, qu’elle a régulièrement signifiée au conservateur de la propriété foncière le 24 mars 2006 ; que par la suite, elle a assigné en paiement et en validité de l’inscription hypothécaire ; que suivant jugement n°1659 du 16 juillet 2007, le tribunal de première instance d’Abidjan a fait droit à sa requête ; que c’est alors que monsieur ZORKOT NABIL, nouveau propriétaire de l’immeuble hypothéqué, a assigné la dame le 22 février 2007, en radiation de ladite hypothèque ; que par jugement n° 2388 du 21 juillet 2007, le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau a fait droit à sa demande ; que sur appel de madame Sidibé Salimata, épouse FABRE, la cour d’appel d’Abidjan a rendu l’arrêt infirmatif n°31 CIV4/B du 08 janvier 2010, objet du présent pourvoi en cassation ;
Attendu que la lettre n°464/2014/G2 du 18 juin 2014 du greffier en chef, adressée par courrier recommandé avec accusé de réception à monsieur ADOUBE N’DAKA Luc, défendeur au pourvoi, conformément aux articles 24 et 30 du Règlement de procédure de la Cour de céans, reçue le 10 juillet 2014, est revenue avec la mention « non réclamée » ; que le principe du contradictoire ayant ainsi été respecté, il y a lieu d’examiner la cause ;
Sur le premier moyen
Attendu que le requérant fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions, d’une part, des articles 1582, 1583, 1604 et 1605 du code civil et d’autre part, de l’article 136 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ; qu’il estime en effet que, l’arrêt critiqué en infirmant le jugement aux motifs que le demandeur au pourvoi n’avait pas publié son droit de propriété, a fait fi non seulement de l’existence du contrat de vente passé entre lui et le vendeur, mais en plus, il a ignoré les effets dudit contrat ; qu’il estime que sa qualité de propriétaire n’est pas contestée et n’ayant aucun lien de créancier à débiteur entre eux, les conditions prescrites par l’article 136 de l’Acte uniforme susvisé ne sont pas réunies ; qu’il conteste enfin la promesse de vente qui selon des déclarations du vendeur porterait plutôt sur le lot 301 et conclut à la cassation dudit arrêt ;
Mais attendu que, d’une part, la violation alléguée des dispositions des articles 1582, 1583, 1604 et 1605 du code civil ivoirien, n’est pas fondée ; qu’en effet, les dispositions desdits articles ont plutôt trait au contrat de vente et à ses effets entre les parties audit contrat ; qu’elles ne régissent pas les relations entre l’acheteur et le tiers, comme c’est le cas en l’espèce et ne peuvent dès lors être violées ; que d’autre part, la violation alléguée de l’article 136 de l’Acte uniforme précité, n’est pas non plus fondée, le demandeur au pourvoi n’ayant publié son droit de propriété que le 28 mars 2006 et l’hypothèque conservatoire de madame Sidibé Salimata, épouse FABRE ayant été inscrite sur ledit livre foncier le 24 mars 2014 ; qu’en application de l’article 21 du décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation du régime de la propriété foncière en Afrique occidentale française, la propriété des biens immeubles ne produit d’effet à l’égard des tiers qu’autant qu’elle a été rendue publique dans les formes légales ; que dès lors, madame Sidibé Salimata, épouse FABRE, tiers audit contrat de vente, ne pouvait se voir opposé cette vente qu’à partir de sa publication au livre foncier soit le 28 mars 2006 ; que dès lors, la cour d’appel d’Abidjan qui ayant constaté : « Qu’ainsi madame Sidibé en faisant inscrire son hypothèque conservatoire le 24 mars 2006, l’a fait en toute régularité, la vente intervenue entre M. Zorkot et M. Aboudé ne lui étant pas, à cette date, opposable ; » n’a en rien enfreint les dispositions des articles dont la violation est alléguée ; qu’enfin, les allégations du requérant sur l’existence ou non de la promesse de vente sont nouvelles et mélangées de fait et de droit et ne peuvent être accueillies pour la première fois devant la Cour de céans ; qu’il échet dès lors de rejeter ce premier moyen comme étant non fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que le requérant reproche à l’arrêt critiqué le défaut de base légale résultant de l’insuffisance de motifs ; qu’il reproche en effet à l’arrêt attaqué de n’avoir pas tenu compte de l’accomplissement par lui des formalités de publicité de son droit de propriété, antérieures à l’inscription de l’hypothèque de dame Sidibé et d’avoir estimé qu’il n’avait pas encore accompli les formalités de publicité relatives à son droit, au moment où, dame Sidibé faisait inscrire son hypothèque conservatoire, le 24 mars 2006, de sorte que ledit droit ne lui était pas opposable à cette date ; qu’en plus, l’arrêt de la cour d’appel d’Abidjan, à l’instar de l’ordonnance autorisant l’inscription de l’hypothèque conservatoire, a été rendu sur la base d’un document entaché de faux et manque donc de base légale ;
Mais attendu qu’il résulte pourtant des pièces versées aux débats dont notamment l’état foncier n°190667/2008 du 07 mars 2008 que la propriété du requérant n’a été inscrite au livre foncier que le 28 mars 2006 et l’hypothèque conservatoire de madame Sidibé Salimata, épouse FABRE a été inscrite le 24 mars 2006 ; qu’en application de l’article 119 du décret du 26 juillet 1932 précité, la formalité de l’immatriculation d’un immeuble sur les livres fonciers, se fait notamment, par l’établissement d’une copie du titre foncier à remettre au propriétaire ; que dès lors, seule la date d’inscription matérielle au livre foncier doit être prise en compte et non les dates de transmission des documents comme l’allègue à tort le requérant ; qu’il en résulte que ladite cour d’appel, en retenant les dates mentionnées sur l’état foncier, a bien motivé sa décision ; qu’enfin, les arguments du requérant sur la valeur du document ayant servi à l’obtention de l’hypothèque conservatoire, intervenus pour la première fois en cassation et mélangés de fait et de droit, ne peuvent être accueillis ; qu’il échet de rejeter également ce moyen comme étant non fondé ;
Attendu que monsieur ZORKOT NABIL, ayant ainsi succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
Déclare recevable le pourvoi introduit par monsieur ZORKOT NABIL, en la forme ;
Au fond, le rejette comme non fondé ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier