ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première Chambre
Audience publique du 07 mars 2013
Pourvoi n° : 019/2010/PC du 04/3/2010
Affaire : Société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro (NSDA SARL)
(Conseils : SCPA DOGUE-ABBE YAO et ASSOCIES, Avcocat à la Cour)
contre
FLUTEC BOIS EN LIQUIDATION SARL
ARRET N°004/2013 du 07 mars 2013
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 mars 2013 où étaient présents :
- Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président, rapporteur
Mme Flora DALMEIDA MELE, Juge
- Idrissa YAYE, Juge
et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le pourvoi n°119/2009/PC enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 novembre 2009, formé par la SCPA DOGUE-ABBE YAO et ASSOCIES, Avocats à la Cour, y demeurant, 29 Boulevard CLOZEL, 01 BP 174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro dont le siège social est à Agnibilékro, BP 628, représentée par son Gérant Monsieur ABDUL WAHAB EL HINDI RACHID, demeurant audit siège social, dans la cause qui l’oppose à la Société FLUTEC BOIS en liquidation dont le siège social est à Abidjan, Boulevard Valérie Giscard D’ESTAING, 18 BP 1280 Abidjan 18,
en cassation de l’arrêt n° 487/Civ-3B rendu le 11 juillet 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi énoncé :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile, commerciale, administrative et en dernier ressort :
En la forme
Déclare la société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro dite NSDA recevable en son appel relevé du jugement civil n°07/2008 rendu le 17 janvier 2008 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou ;
Au fond
L’y dit mal fondée ;
L’en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement n°07/08 civ rendu le 17 janvier 2008 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou ;
Met les dépens à la charge de la société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro » ;
Attendu que la requérante NSDA invoque à l’appui de son pourvoi un moyen de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Premier Vice Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que bien qu’ayant reçu le 18 janvier 2010 notification du pourvoi par lettre du Greffier en chef en date du 22 décembre 2009, FLUTEC BOIS en liquidation n’a pas déposé de mémoire dans le délai de trois mois qui lui a été imparti ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il ya lieu d’examiner le présent recours ;
SUR Les Faits et procédure
Attendu qu’à la requête de la société FLUTEC BOIS en Liquidation dont le siège social est à Abidjan, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abengourou a rendu l’ordonnance d’injonction de payer n° 63/2007 du 28 juin 2007, enjoignant à la Société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro (NSDA) SARL, dont le siège social est à Agnibilékro de payer à la requérante la somme en principal de 22.421.628 FCFA ; que cette ordonnance ayant été signifiée le 29 juin 2007 à NSDA, celle-ci a formé opposition avec assignation à comparaître le 26 juillet 2007 ; que l’opposition a été signifiée à Abidjan à la société FLUTEC BOIS en Liquidation le 11 juillet 2007 et le 12 juillet 2007 à Abengourou au Greffier en Chef du Tribunal ;
Attendu que par jugement du 17 janvier 2008, le Tribunal de Première Instance d’Abengourou a déclaré irrecevable pour cause de déchéance l’opposition de NSDA, au motif que l’opposition a été faite par actes séparés ; que sur appel de la société NSDA, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu le 11 juillet 2009 l’Arrêt n°487/civ-3B confirmatif sus énoncé ; que ledit arrêt est frappé du présent pourvoi devant la Cour de céans ;
Sur le moyen unique
Attendu que le demandeur au pourvoi soulève un seul moyen, tiré de l’erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, notamment de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que, pour confirmer le jugement entrepris, la Cour d’appel d’Abidjan a retenu qu’il ressort des dispositions de l’article 11 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement que l’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l’opposition, de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer ; l’opposition de la société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro n’ayant pas été faite dans un acte unique comme le prescrivent les dispositions impératives de l’article 11 susvisé, c’est donc à juste titre que le Tribunal a déclaré l’opposition irrecevable pour cause de déchéance alors que, sans imposer à l’opposant de faire figurer obligatoirement sur la même copie les notifications faites aux parties, l’article 11 de l’Acte uniforme visé met seulement à la charge de l’opposant deux obligations à peine de déchéance : celle de la signification à toutes les parties et celle du respect d’un délai d’ajournement de trente (30) jours à compter de la signification ;
Attendu qu’aux termes de la jurisprudence bien établie de la Cour de céans depuis ses Arrêts n°011/2002 du 28 mars 2002 et n°016/2004 du 29 avril 2004 sur la question de la notification d’une opposition aux parties par actes séparés, la seule obligation à la charge de l’opposant est de signifier son recours et de servir assignation dans le même acte ; qu’en déclarant que l’acte d’opposition a été entrepris dans des exploits séparés, la Cour d’appel a commis une erreur dans l’application de l’article 11 alinéa 1er de l’Acte uniforme susindiqué ;
Attendu qu’en effet, en la présente espèce, la société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro, opposante, domiciliée à Agnibilékro, a formé opposition et assigné les parties dans un même acte dont elle a servi une copie le 11 juillet 2007 à FLUTEC BOIS en liquidation, domiciliée à Abidjan et une autre copie le 12 juillet 2007 au Greffier en chef, domicilié à Abengourou au siège du Tribunal qui a rendu la décision d’injonction de payer ; qu’il ne s’agit donc pas, dans ces circonstances, d’actes séparés ; que toutes les parties étant domiciliées dans des ressorts différents, il est évident que les destinataires des actes ne pouvaient pas les recevoir à la même date, d’autant que l’article 34 alinéa 2 du Code Ivoirien de procédure civile allonge le délai pour former l’opposition lorsque le destinataire de l’opposition se trouve dans un autre ressort que celui de l’opposant ;
Que les termes et l’esprit de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’étant susceptibles d’aucune équivoque, la société NSDA s’est bien conformée aux deux seules obligations cumulatives d’opposition et d’assignation dans le même acte que lui imposent ces dispositions ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel d’Abidjan s’est livrée à une mauvaise application de l’article 11 de l’Acte uniforme susindiqué; que son arrêt encourt la cassation de ce chef ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit du 12 février 2008 de maître Konan, Huissier de justice, la société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro a interjeté appel du Jugement n°07 du 17 janvier 2008 qui a déclaré irrecevable son opposition pour cause de déchéance; qu’elle soutient que prétendant être son créancier, FLUTEC BOIS a obtenu de la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abengourou, l’Ordonnance n°63/2007 du 28 juin 2007 la condamnant au paiement de la somme de 22.421.628 FCFA ; qu’elle conteste l’irrecevabilité de son opposition pour cause de déchéance et sa condamnation fondée uniquement sur la base de simples factures établies unilatéralement par FLUTEC BOIS ;
Attendu que FLUTEC BOIS, intimée, conclut à la confirmation du jugement entrepris en soutenant que l’opposition ayant été faite par actes séparés, c’est à bon droit que le premier juge l’a déclarée irrecevable ; au fond, elle estime que les pièces qu’elle a produites justifient à suffisance les sommes réclamées ;
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux qui ont prévalu à la cassation de l’arrêt, il ya lieu de déclarer recevable l’opposition ;
Sur le montant de la condamnation
Attendu que la créance dont se prévaut FLUTEC BOIS n’est fondée que sur des factures produites unilatéralement et qui sont contestées par la société Nouvelle Scierie d’Agnibilékro; qu’ainsi, la preuve de certitude de la créance n’étant pas rapportée , il ya lieu d’annuler l’ordonnance querellée qui a fait une mauvaise application de l’article 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et, en conséquence, de débouter FLUTEC BOIS de sa demande en condamnation ;
Attendu que la société FLUTEC BOIS en liquidation ayant succombé, elle doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
En la forme
Déclare le pourvoi recevable ;
Au fond
Casse l’arrêt n°487 rendu le 11 juillet 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant au fond,
Déclare l’opposition recevable ;
Annule l’Ordonnance d’injonction de payer n°63/2007 du 28 juin 2007 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abengourou ;
Déboute la société FLUTEC BOIS en liquidation de sa demande en condamnation de NSDA à lui payer la somme en principal de 22.421.628FCFA ;
Condamne la Société FLUTEC BOIS en liquidation aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier