ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 Deuxième Chambre       

AUDIENCE PUBLIQUE du : 21 juillet 2005

POURVOI N° : 019/2003/PC du 06/02/2003

AFFAIRE : 1°) Société Civile Particulière Brule MOUCHEL dite SCP B.M

                    2°) DIBY Irène

                            (Conseil : Maître N’GUETTA Gérard, Avocat à la Cour)

contre

               Société LOTENY TELECOM dite TELECEL

                       (Conseil : Maître Michel Henri KOKRA, Avocat à  la Cour)                          

ARRET N°048/2005 du 21 juillet 2005

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.)  de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 21 juillet 2005 où étaient  présents :

 

 

Messieurs       Antoine Joachim OLIVEIRA,            Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,          Juge

          Boubacar DICKO,                                  Juge, rapporteur

         

et  Maître ASSIEHUE Acka,                                   Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société Civile Particulière BRULE MOUCHEL dite SCP B.M et DIBY Irène, contre Société LOTENY TELECOM dite TELECEL, par Arrêt n°492/02 du 06 juin 2002 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié par exploit en date du 14 décembre 2001 de la SCP B.M prise en la personne de son représentant légal Monsieur BRULE MOUCHEL et dont le siège social est à Abidjan, BP V. 76 Abidjan 08, et de Madame DIBY Irène, demeurant à Abidjan, 16 BP 243 Abidjan 16, lesquels ont pour conseil Maître N’GUETTA N. J. Gérard, Avocat à la Cour, demeurant 55, Boulevard CLOZEL, immeuble SCI La Réserve, 16 BP 666 Abidjan 16, en cassation de l’Arrêt n°651 rendu le 25 mai 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

«  Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

  • Déclare la Société SCP B.M et DIBY Irène recevables en leur appel régulièrement relevé du Jugement civil n°691 rendu le 31 juillet 2000 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
  • Les y dit mal fondées ;
  • Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau

 

  • Les déclare recevables en leur opposition formée contre l’Ordonnance n°3306/2000 du 13 avril 2000 ;
  • Les y dit cependant mal fondées ;
  • Restitue à ladite ordonnance son plein et entier effet ;
  • Les condamne aux dépens. » ;

Les requérantes invoquent à l’appui de leur pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure dans « l’exploit de pourvoi en cassation » annexé au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par contrat en date du 14 octobre 1998 conclu entre la Société LOTENY TELECOM dite TELECEL et la Société Civile Particulière BRULE MOUCHEL dite SCP B.M, celle-ci a consenti à TELECEL un bail commercial sur trois locaux dans la Résidence Manouchka, sise rue du Canal-Biétri-Zone 4  à Abidjan ; qu’entre autres conditions et modalités dudit bail, il est notamment prévu, outre la fixation du prix du loyer et des charges y afférentes, que le « bail sera consenti à compter du 1er décembre 1998, les clefs étant remises à la Société TELECEL par la SCP B.M au plus tard le 30 novembre 1998 » nonobstant la réalisation également convenue de certains travaux que le bailleur devait instamment effectuer pour l’apprêtement des locaux, objet du bail ; que le délai ci-dessus spécifié n’ayant pas été respecté, TELECEL fit établir le 05 octobre 1999 un procès-verbal de constat d’huissier duquel il ressort que les travaux susévoqués n’étaient pas achevés ; que sur cette base, par exploit en date du 26 janvier 2000, TELECEL faisait sommation à la SCP B.M de lui restituer la somme de 7.500.000 francs CFA, outre les intérêts et frais, payée à cette dernière en différentes tranches depuis la conclusion du contrat de bail ; que ladite sommation n’ayant pas été suivie d’effet, par requête aux fins d’injonction de payer en date du 27 mars 2000, TELECEL saisissait le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan aux mêmes fins que la sommation précitée, laquelle requête était également dirigée contre la Société Civile Immobilière Manouchka et Madame DIBY Irène ; que par Ordonnance d’injonction de payer n°3306 en date du 13 avril 2000, il était fait droit à ladite requête ; que sur oppositions respectivement relevées par la SCP B.M et Madame DIBY Irène devant le Tribunal de première instance d’Abidjan, celui-ci les déclarait irrecevables par Jugement n°6991 en date du 31 juillet 2000 ; que par exploit en date du 30 août 2000, la SCP B.M et Madame DIBY Irène relevaient appel dudit jugement devant la Cour d’appel d’Abidjan, laquelle rendait l’Arrêt n°651 du 25 mai 2001, objet du présent pourvoi en cassation initié par les susnommées ;

 Sur le moyen unique

 Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 1er et 2 de l’Acte uniforme susvisé, motifs pris de ce que la procédure d’injonction de payer ne pouvant être exercée que conformément aux prescriptions desdits articles, en l’espèce, il ne s’agissait pas de recouvrer une créance, mais de déterminer la responsabilité des deux contractants dans la rupture du contrat de bail ; que dans ce cadre, la juridiction saisie devait préalablement répondre à cette question avant de condamner les demanderesses au pourvoi à payer la somme de 7.500.000 francs CFA ; que la voie de la procédure d’injonction de payer choisie par TELECEL ne permettait pas à la juridiction saisie de se prononcer sur la question susévoquée, celle-ci relevant de la compétence des juridictions de droit commun ; que par suite, les conditions d’application desdits articles n’étant pas réunies en l’espèce, la Cour d’appel d’Abidjan aurait dû rétracter l’Ordonnance d’injonction de payer n°3306/2000 du 13 avril 2000 ; que pour ne l’avoir pas fait, sa décision encourt la cassation ;

Mais attendu que les articles 1er et 2 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que : « Le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer. » et « La procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque :

 

  • la créance a une cause contractuelle ;
  • l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est avérée inexistante ou insuffisante. » ;

Attendu que les dispositions susénoncées fixent les conditions limitatives et impératives dans lesquelles, à l’initiative du créancier, doit s’exercer la procédure simplifiée de recouvrement de l’injonction de payer ; qu’il en résulte que seule l’existence de celles-ci détermine l’opportunité et la recevabilité de ladite procédure ;

Attendu, en l’espèce, qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que les requérantes, débitrices d’une obligation de livraison à date fixe et convenue de locaux par elles donnés à bail et n’ayant pu honorer cette obligation, ont cependant perçu du preneur diverses sommes d’argent d’un montant de 7.500.000 francs CFA que ce dernier leur avait payé conformément aux stipulations du contrat de bail en date du 14 octobre 1998 les liant et dont ledit preneur réclame le remboursement suivant la procédure d’injonction de payer ;

Attendu que les requérantes, qui relèvent au demeurant que cette procédure est dérogatoire du droit commun et en citent même les conditions telles que prévues aux articles 1er et 2 susénoncés de l’Acte uniforme susvisé, ne discutent point de l’existence ou non de celles-ci et se bornent à déclarer « qu’il ne s’agissait pas de recouvrer une créance, mais de déterminer la responsabilité des deux cocontractants dans la rupture du contrat de bail » et que « la voie choisie par TELECEL (l’injonction de payer) ne permettait pas à la juridiction saisie de se prononcer sur la question susévoquée, celle-ci relevant de la compétence des juridictions de droit commun », alors même que les deux voies par elles ainsi circonscrites, à savoir l’action en responsabilité exercée dans le cadre de la rupture d’un contrat de bail et la procédure simplifiée de recouvrement de l’injonction de payer, ressortissent de domaine et de mode d’exercice autonomes et différents ; que dès lors, en appréciant souverainement que les « contestations élevées [par les requérantes] ne sont pas sérieuses et que la créance de la Société LOTENY TELECOM est certaine, liquide et exigible » aux motifs que ces caractères de ladite créance résultent « en particulier des photocopies non contestées de chèques tirés au bénéfice desdites appelantes » et de ce que « les appelantes reconnaissent qu’après avoir reçu l’avance de 7.500.000 francs des mains de l’intimée elles n’ont pu mettre les locaux loués à la disposition de leur locataire », la Cour d’appel, en statuant ainsi , n’a pas violé les articles 1er et 2 de l’Acte uniforme susvisé ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

Attendu que les requérantes ayant succombé, doivent être condamnées aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la SCP B. M et Madame DIBY Irène aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier