ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre                       

Audience Publique du 30 mars 2006

Pourvoi : n°001/2004/PC du 07 janvier 2004

Affaire : Société INDUS-CHIMIE

 (Conseils : Maîtres Théodore HOEGAH & Michel ETTE,  Avocats à la cour)

 Contre

 Madame MERMOZ Roche Pauline et Autres

(Conseils: SCPA COFFI & Associés, Avocats à la cour)

  ARRET N° 006/2006 du 30 mars 2006          

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 mars 2006 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                        Président

Maïnassara MAIDAGI,                  Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK,                     Juge

et Maître ASSIEHUE Acka,  Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré le 07 janvier 2004 au greffe de la Cour de céans sous le n°001/2004/PC et formé par Maîtres Théodore HOEGAH & Michel ETTE, Avocats associés à la Cour, demeurant au Plateau, rue A7 Pierre Semer, villa NA2, 01 BP 4053 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société INDUS-CHIMIE dont le siège est à Abidjan-Koumassi, zone industrielle, 10 BP 1304 Abidjan 10, prise en la personne de son représentant légal Monsieur HIJAZI SAMIH, Directeur demeurant es-qualité audit siège social, dans la cause qui l’oppose à Madame MERMOZ Roche Pauline et autres, ayant pour conseils la SCPA COFFIE & Associés, Avocats à la Cour, demeurant au Plateau, 8 boulevard Carde, Immeuble Borg, 1er étage, 01 BP 725 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n°1049/03 rendu le 25 juillet 2003 par la 1ère chambre civile et commerciale de la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement et contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort ;

 

En la forme

Déclare la Société INDUSCHIMIE recevable en son appel ;

 

Au fond

L’y dit mal fondée, l’en déboute ;

Confirme le jugement attaqué ;

La condamne aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution du Jugement n°1836/CS3/99 en date du 14 juillet 1999 du Tribunal du travail d’Abidjan ayant condamné la Société SOTRIPA à payer à Madame MERMOZ Roche Pauline et autres la somme de 25.259.382 F CFA représentant les droits de rupture de leur contrat de travail, Madame MERMOZ Roche Pauline et autres entendaient pratiquer une saisie-attribution de créance entre les mains de la Société INDUS-CHIMIE qui détiendrait des sommes d’argent pour le compte de la Société SOTRIPA ; que devant les difficultés rencontrées, l’huissier instrumentaire s’était vu contraint, d’une part, de signifier l’exploit de saisie-attribution à mairie et, d’autre part, de dresser un procès-verbal de difficultés d’exécution ; que sur assignation en dommages-intérêts et en paiement de la somme représentant les causes de la saisie, le Tribunal de première instance d’Abidjan condamnait la Société INDUS-CHIMIE à payer à Madame MERMOZ Roche Pauline et autres la somme de 27.514.313 F CFA représentant les causes de la saisie y compris les frais et celle de 1.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts ; que sur appel interjeté par la société INDUS-CHIMIE dudit jugement, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°1049/03 en date du 25 juillet 2003 dont pourvoi, confirmait le jugement entrepris ;

 

Sur le premier moyen

Vu l’article 38 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 38 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel, tout comme le Tribunal, avait condamné la Société INDUS-CHIMIE, sur la base dudit article 38 de l’Acte uniforme susindiqué, au paiement des causes de la saisie alors que, selon le moyen, les motifs de l’exploit d’assignation délivré sollicitaient du Tribunal la condamnation de la société INDUS-CHIMIE à payer la somme de 25.259.383 F CFA en principal outre celle de 20.000.000 F CFA à titre de dommages et intérêts ; que  la Cour d’appel, tout comme le Tribunal, statuant sur la demande en paiement des causes de la saisie, avait condamné au versement de la somme de 27.514.313 FCFA en principal ; qu’en accordant à Madame MERMOZ Roche Pauline et consorts la somme de 27.514.313 F CFA alors que ceux-ci ne réclamaient que celle de 25.513.313 F CFA, les juges ont statué ultra petita en accordant aux demandeurs plus que ce qu’ils ont demandé ; qu’une telle décision qui viole la loi, encourt la censure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage qui en prononcera la cassation ;

Attendu qu’aux termes de l’article 38 de l’Acte uniforme susvisé, « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommages-intérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur » ;

Attendu, en l’espèce, que si le dispositif de l’exploit d’assignation en paiement en date du 22 janvier 2002 indique que Madame MERMOZ Roche Pauline et autres demandaient au Tribunal de « condamner en outre la Société INDUS-CHIMIE au paiement des causes de la saisie, soit la somme de 25.259.383 francs CFA en principal et celle de [non précisée] représentant les frais ; condamner la Société INDUS-CHIMIE à leur payer la somme 20.000.000 de francs CFA, à titre de dommages-intérêts, conformément à l’article 38 de l’Acte uniforme OHADA », il ressort cependant des motifs du même exploit d’assignation que Madame MERMOZ Roche Pauline et autres demandaient plutôt « qu’il plaise par conséquent au tribunal condamner la Société INDUS-CHIMIE à leur payer la somme de 27.514.313 FCFA représentant le principal et frais ; en outre, conformément à l’article 38 susvisé, les requérants sollicitent la condamnation de la société INDUS-CHIMIE à leur verser la somme de 20.000.000 CFA à titre de dommages et intérêts » ; que le dispositif de l’exploit d’assignation en paiement, loin de contredire les motifs, dit plutôt la même chose, l’huissier instrumentaire ayant seulement omis de préciser le montant des frais dans le dispositif ; qu’en tout état de cause, il est de principe qu’en cas de contrariété entre le dispositif et les motifs, ce sont ces derniers qui priment ;

Attendu que de tout ce qui précède, en condamnant la Société INDUS-CHIMIE au paiement de la somme de 27.514.313 F CFA correspondant aux causes de la saisie plus les frais et de la somme de 1.000.000 de F CFA à titre de dommages-intérêts, la Cour d’appel n’a pas, contrairement à ce que soutient la requérante, accordé plus que ce qu’ont demandé Madame MERMOZ Roche Pauline et consorts ; que la Cour d’appel n’a donc pas jugé ultra petita et n’a, par conséquent, pas violé les dispositions susénoncées de l’article 38 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il s’ensuit que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Sur le second moyen

Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs en ce que la Cour d’appel, pour prendre sa décision de confirmation, s’est fondée sur le procès-verbal de difficultés d’exécution et sur une prétendue ordonnance de référé en ces termes : « en l’espèce, le procès-verbal de difficultés d’exécution et l’ordonnance de référé enjoignant à la Société INDUS-CHIMIE de recevoir l’acte de saisie-attribution sous astreinte établissent indiscutablement que l’appelante a bien fait obstacle à la procédure d’exécution », sans rechercher si la société INDUS-CHIMIE tombait effectivement sous le coup de l’article 38 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que s’agissant du procès-verbal de difficultés d’exécution et bien que l’article 38 soit clair, en l’espèce il n’est pas prouvé de manière incontestable que la Société INDUS-CHIMIE a fait obstacle à la délivrance du procès-verbal de saisie-attribution de créance en date du 16 novembre 1999 ; que pour preuve, les dates mentionnées sur les procès-verbaux de saisie-attribution (16 novembre 1999) et de difficultés d’exécution (15 octobre 1999) nous convainquent du grossier montage orchestré par l’huissier, autrement dit la résistance de la requérante étant postérieure à la constatation de cette résistance par l’huissier ; que s’agissant de la prétendue ordonnance de référé, elle n’a jamais été communiquée à la requérante et au surplus la date de ladite ordonnance est totalement ignorée ainsi que la juridiction qui l’aurait rendue, de même qu’il n’en a jamais été fait mention en première instance ;

Attendu que contrairement à ce que soutient la Société INDUS-CHIMIE, il y a lieu de relever, d’une part, que la chronologie des actes tels que dressés par l’huissier instrumentaire s’explique par le fait que c’est après avoir vainement tenté de délivrer le procès-verbal de saisie-attribution au siège de ladite société durant toute la période indiquée dans le procès-verbal de difficultés d’exécution qu’il a été contraint de dresser ledit procès-verbal de difficultés d’exécution dans lequel il a précisé avec fort détail les difficultés rencontrées dans l’exercice de sa mission et ce n’est que par la suite, pour faire face aux dites difficultés, qu’il s’est résolu à délivrer le procès-verbal de saisie-attribution à mairie ; que d’autre part, l’Ordonnance de référé n°5443 en date du 1er décembre 1999 ne peut être ignorée par la Société INDUS-CHIMIE puisqu’elle a été signifiée à son siège par acte d’huissier en date du 13 décembre 1999 ; qu’ainsi, c’est après avoir souverainement apprécié le procès-verbal de difficultés d’exécution et l’ordonnance de référé versés au dossier que la Cour d’appel, pour confirmer le jugement entrepris,  a retenu qu’ « en l’espèce, le procès –verbal de difficultés et l’ordonnance de référé enjoignant à la Société INDUS-CHIMIE de recevoir l’acte de saisie-attribution sous astreinte, établissent indiscutablement que l’appelante a bien fait obstacle à la procédure d’exécution ; en conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a statué comme il l’a fait… » ; qu’il n’y a donc ni absence, ni insuffisance, ni obscurité, ni contrariété des motifs ; qu’il s’ensuit que le second moyen doit également être rejeté ;

Attendu que la Société INDUS-CHIMIE ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par la Société INDUS-CHIMIE ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président                                                                  

Le Greffier