ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

 Deuxième chambre

Audience publique du 22 mars 2012

Pourvoi : n°073/2008/ PC du 11 août 2008

Affaire : Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI

                (Conseils : SCPA DOGUE-Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour)

                                   contre

              Etablissements SYLLA et FRERES dits ESF S.A

                   (Conseils : Cabinet Oré et Associés, Avocats à la Cour)

                                          

ARRET N°032/2012 du 22 mars 2012

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 mars  2012 où étaient présents :

Messieurs : Maïnassara MAIDAGI,                                 Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                Juge

Madame      Flora DALMEIDA MELE,                    Juge, rapporteur

 

et Maître ASSIEHUE Acka,                         Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 11 août 2008  sous le n°073/2008/ PC et formé par la SCPA DOGUE-Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour, sise 29, Boulevard Clozel, 01 B.P.174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de  la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI, aux poursuites et diligences  de son Directeur général, Monsieur Bernard LABADENS, dans la cause l’opposant  aux  Etablissements SYLLA et FRERES dits ESF SA, représentés par leur Directeur général,  Monsieur Sylla Hassan, ayant pour conseils le cabinet Oré et Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan  y demeurant,  commune du Plateau, angle avenue Marchand-Boulevard Clozel, résidence GYAM,

 

en cassation de l’Arrêt n°142/08 rendu le 21 mars 2008 par la Cour d’appel d’Abidjan  et dont le dispositif est le suivant :

«Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Reçoit les sociétés SGBCI et Etablissements Sylla et Frères en leurs appels principal et incident ;

Les y dit partiellement fondées ;

Infirme la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la SGBCI à payer aux Etablissements SYLLA et Frères les causes de la saisie ;

Statuant à nouveau, déboute les Etablissements SYLLA et Frères de leur demande en paiement des causes de la saisie conservatoire ;

Condamne par contre la SGBCI à leur payer la somme de cinq millions (5.000.000) de francs à titre de  dommages et intérêts ;

Condamne la SGBCI  aux dépens… ; » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation  tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en vertu de l’Ordonnance présidentielle n° 4217/2007 du 04/09/2007, les Etablissements SYLLA et FRERES S.A pratiquaient le 12 septembre 2007, entre  les mains de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI, une saisie conservatoire de créances sur les avoirs de Monsieur Sylla Bakary ; qu’ au cours des opérations de saisie, la SGBCI a fait les déclarations suivantes : «concernant Monsieur SYLLA BAKARY, compte n° 128 40 24 22 85, créditeur  de 1 185 352 F CFA  sauf erreur ou omission de  notre part et sous réserves de nos droits en cours » ; que  le 25 octobre 2007, la société ESF servait une sommation interpellative à la SGBCI d’avoir à lui communiquer des informations sur le compte n° 01 228 402 422 appartenant à Monsieur Sylla Bakary ; que déférant à cette sommation, la SGBCI déclarait : «la nomenclature 001 clé 00228 n’existe pas dans le domaine des comptes de la SGBCI. Cependant en plus du compte 12840242285 et après recherche, Mr Bakary Sylla possède un compte crédimatic n° 12840242386 créditeur d’un montant de 658.519 F» ; qu’estimant que la SGBCI avait dissimulé des informations  lors de la  première opération de saisie faisant ainsi obstacle à celle-ci, la société  ESF a, sur le fondement de l’article 81 de l’Acte uniforme  portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, assigné la SGBCI au paiement des causes de la saisie et des dommages intérêts ; que le 19 février 2008, statuant en référé, le Président du tribunal de première instance d’Abidjan a, par Ordonnance   n°269/08, déclaré  les  Etablissements Sylla et frères recevables en leur action, les en a dit partiellement fondés et a condamné la SGBCI à leur payer la somme de 200 000 000 FCFA représentant les causes de la saisie conservatoire et  celle de 2 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts ;  que sur appel de la SGBCI, la Cour d’appel d’Abidjan rendait, le 21 mars 2008, l’Arrêt  n°142/08 dont pourvoi ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi incident

Attendu que la SGBCI a conclu à l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société ESF aux motifs qu’elle ne respecte pas les conditions de forme d’un pourvoi ;

Attendu que le pourvoi incident  formé par une partie,  en réponse au pourvoi de la partie adverse,  obéit aux mêmes règles qui gouvernent le pourvoi principal à savoir, la précision du cas d’ouverture allégué, les  moyens de cassation invoqués, la partie de la décision attaquée et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué ;

Attendu que la  demande reconventionnelle  de la ESF, qui n’est autre qu’un pourvoi incident,  a été faite dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 05 décembre 2008 à la suite de la  lettre de signification du recours en cassation du Greffier en chef en date du 02 octobre 2008 adressée à la ESF et reçue par cette dernière le 03 octobre 2008, lui impartissant un délai de trois mois à compter de la réception de l’acte pour présenter son mémoire en réponse ;

Attendu que le mémoire en réponse contenant le pourvoi incident a été déposé dans les délais impartis par le Greffier en chef ; que la ESF a exposé le moyen à l’appui de son pourvoi  fondé sur la violation de la loi par fausse interprétation de celle-ci ; que dès lors, le pourvoi incident qui est conforme aux conditions de forme  et de délai est  recevable ;

Sur le moyen unique

Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir  violé  l’alinéa 2 de l’article 81 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que, pour la condamner au paiement de dommages intérêts fixés à 5 000 000 francs CFA, la Cour d’appel a considéré que le fait pour elle d’affirmer ne détenir dans ses livres qu’un seul compte au nom de Monsieur Sylla  Bakary et d’en déclarer  plus tard un autre appartenant à la même personne est une déclaration mensongère constitutive de faute entrainant dédommagement alors, selon le moyen, que  la condamnation au paiement de dommages et  intérêts résultant des sanctions attachées à l’inexécution de l’obligation de renseignements doit obéir aux conditions de la responsabilité civile que sont la faute, le préjudice et le lien entre la faute et le préjudice que  la société ESF n’a pas prouvé, la SGBCI ayant déclaré tous les comptes de Sylla Bakary détenus dans ses livres  et qui ont  fait l’objet de saisie conservatoire ;

Mais attendu que  saisie d’une demande en  paiement des dommages et intérêts en vertu de l’article 81, l’alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution selon lequel : « Il [le tiers saisi]  peut aussi être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère. », et constatant que la SGBCI a, dans une première déclaration faite le 12 septembre 2007, reconnu détenir un compte ouvert dans ses livres dont Sylla Bakary  est titulaire et communiqué le solde dudit compte et que plus tard, sur sommation interpellative de la société Etablissements SYLLA  et FRERES en date du 25 octobre 2007,   déclaré que Sylla Bakary possède en plus du premier, un compte crédimatic crédité, la Cour d’appel qui a déduit qu’en ne révélant pas l’existence de tous les  comptes que Sylla Bakary  possède dans ses livres , la SGBCI a fait des  déclarations mensongères l’exposant  au paiement de dommages et  intérêts, a fait une juste application de la loi ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le moyen incident

Attendu que dans son pourvoi incident, la société Etablissements SYLLA et FRERES fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par application erronée, violé l’article 81,alinéa 1de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que, pour  infirmer  l’ordonnance de référé, la Cour d’appel d’Abidjan a subordonné le paiement des causes de la saisie à la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution alors, selon le moyen, que la loi n’a pas explicitement fait de la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution une condition sine qua non pour engager la responsabilité du tiers saisi, auteur d’une déclaration inexacte et que  le procès-verbal de saisie conservatoire peut à lui seul servir de base à la poursuite et à la condamnation du tiers saisi aux causes de la saisie pratiquée conformément à  l’article 156 du même Acte uniforme qui fait corps avec l’acte de saisie conservatoire ;

 

Mais attendu que l’article 81, alinéa 1de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution énonce : « le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s’expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si celle-ci est convertie en saisie-attribution, sauf son recours contre le débiteur. » ; qu’en infirmant  la décision des premiers juges qui avaient condamné la SGBCI au paiement des causes de la saisie aux motifs que l’article 81, alinéa 1 susénoncé subordonne le paiement des causes de la saisie à la conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution, la Cour d’appel a fait une bonne interprétation de la loi ; que le moyen incident n’est donc pas fondé  et doit être rejeté ;

 

Sur les dépens

Attendu que les deux parties ont  respectivement conclu sur les dépens sollicitant à ce titre la condamnation de l’une ou de l’autre ;

Attendu qu’ayant succombé, chaque partie supportera les dépens à hauteur de la part qui lui incombe ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Déclare recevable le pourvoi incident de la société Etablissements SYLLA et FRERES ;

Rejette les pourvois principal et incident  formés respectivement par la SGBCI  et par la société Etablissements SYLLA et FRERES ;

Les  condamne chacune  pour la part qui lui incombe aux dépens.

Ainsi fait,  jugé  et prononcé les  jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 Le Président

Le Greffier