ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique de vacation du 17 août 2012
Pourvoi n°001/2010/ PC du 07 janvier 2010
Affaire : Société des Mines d’ITY dite SMI
(Conseils : SCPA DOGUE-Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour)
contre
Monsieur KOUA KONAN Léopold
(Conseil : Maître AMANY KOUAME, Avocat à la Cour)
ARRET N°069/2012 du 17 août 2012
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique de vacation du 17 août 2012 où étaient présents :
Messieurs : Maïnassara MAIDAGI, Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 07 janvier 2010 sous le n°001/2010/ PC et formé par la SCPA DOGUE- Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour , sise 29, Boulevard Clozel, 01 B.P. 174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société des Mines d’ITY dite SMI dont le siège social est à Abidjan-Cocody, avenue Joseph Blohorn, Impasse des Chevaliers de Maltes, agissant aux poursuites et diligences de son Directeur général, Monsieur YAI Daniel demeurant au siège de la société, dans la cause l’opposant à Monsieur KOUA KONAN Léopold, demeurant à Zouan-Hounien, ayant pour conseil, Maître AMANY KOUAME, Avocat à la Cour, demeurant immeuble NANAN YAMOUSSO, 04 BP 454 Abidjan 04,
en cassation de Arrêt n°209 rendu le 24 avril 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare irrecevable l’appel de la société des Mines de Côtes ;
Met les dépens de la procédure à sa charge ;… »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par exploit du 27 octobre 2000, la COOPEC de DANANE a pratiqué entre les mains de la société des Mines d’ITY une saisie sur les rémunérations de Monsieur KOUA KONAN Léopold qui a, suivant exploit du 08 octobre 2007, saisi le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan pour voir prononcer la nullité de ladite saisie et ordonner la restitution de la somme de 6.473.150 FCFA ; que le 02 novembre 2007, le juge des référés a rendu l’Ordonnance n°1650 dont le dispositif suit : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référés d’heure à heure et en premier ressort ; au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais dès à présent vu l’urgence et par provision, rejetons l’exception soulevée par SMI-SA ; recevons Monsieur KOUA KONAN Léopold en son action ; l’y déclarons cependant partiellement fondée ; ordonnons la mainlevée de la saisie en date du 27 octobre 2000 ; ordonnons la restitution des sommes effectivement prélevées ; condamnons la COOPEC aux dépens. » ; que le 21 décembre 2007, Monsieur KOUA KONAN Léopold servait à la SMI un exploit de signification suivi d’un commandement d’avoir à lui payer la somme de 11. 207.891 FCFA ; que nonobstant la protestation de la SMI par exploit du 04 janvier 2008, Monsieur KOUA a fait pratiquer, le 28 janvier 2008, une saisie attribution de créances sur son compte domicilié à la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI et dénoncée le 04 février 2008 ; que suivant exploit du 07 février 2008, la SMI saisissait le juge des référés aux fins de voir déclarer nulle, pour nombreuses irrégularités, la saisie pratiquée ; que reconventionnellement, Monsieur KOUA KONAN sollicite le paiement par la SMI d’une certaine somme d’argent sous astreinte de 2.000.000 FCFA par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance ; que le 03 juin 2008, le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau a rendu l’ Ordonnance n°819 dont le dispositif suit : « recevons la Société des Mines d’or d’Ity dite SMI et Monsieur KOUA KONAN Léopold tant en leurs demandes principales et reconventionnelles ; déclarons la saisie attribution de créances sur le compte SGBCI irrégulière ; ordonnons la mainlevée de ladite saisie ; ordonnons cependant à la société SMI d’avoir à restituer, les sommes en sa qualité de tierce saisie dans la saisie rémunération pratiquée par la COOPEC, les sommes qu’elle détient pour le compte de cette dernière à Monsieur KOUA KONAN Léopold sous astreinte comminatoire de 500 000 F CFA [ par jour ] de retard à compter du prononcé de la décision ; » ; que sur appel de la SMI, la Cour d’appel d’Abidjan rendait, le 24 avril 2009, l’Arrêt n°209 dont pourvoi ;
Sur le moyen unique
Vu l’article 172 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, en violation de l’article 172 de l’Acte uniforme susvisé, pour déclarer irrecevable son appel formé contre l’Ordonnance n°819, fait application de l’article 49, alinéa 2 de l’Acte uniforme susindiqué qui fixe le délai d’appel à quinze (15) jours à compter du prononcé de la décision aux motifs que l’Ordonnance n°819 du 03 juin 2008 querellée est rendue en matière de contestation d’une saisie de rémunération dont l’appel n’est intervenu que le 26 septembre 2008 donc tardivement alors, selon le moyen, que ladite ordonnance dont appel, a statué sur une demande en contestation d’une saisie attribution de créances dont le délai d’appel, fixé à quinze jours, court à compter de la notification de la décision tranchant la contestation ;
Attendu que l’article 172 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose : « La décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.
Le délai pour faire appel ainsi que la déclaration d’appel sont suspensifs d’exécution sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction compétente » ;
Attendu qu’en exécution de l’Ordonnance de référé n°1650 du 02 novembre 2007, Monsieur KOUA KONAN Léopold a, par acte d’huissier du 28 janvier 2008, fait pratiquer une saisie-attribution de créances sur le compte de la SMI entre les mains de la SGBCI, dénoncée le 04 février 2008 à la SMI ; que contestant ladite saisie pour absence de titre exécutoire, la SMI a, par exploit du 27 février 2008, saisi le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan lequel rendait, le 03 juin 2008, l’Ordonnance n° 819 dont appel a été interjeté ; qu’il est constant que la décision querellée a statué sur une action en contestation de saisie-attribution de créances pratiquée le 28 janvier 2008 ; qu’en retenant, pour déclarer irrecevable l’appel, qu’ « aux termes de l’article 49, alinéa 2 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la décision rendue par la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé. En l’espèce, la décision querellée, rendue en matière de contestation d’une saisie de rémunération le 03 juin 2008, n’a été frappée d’appel que le 26 septembre 2008 ; L’appel intervenu, plus de trois mois après le prononcé de la décision étant manifestement tardif, il convient de le déclarer irrecevable », la Cour d’appel qui s’est fondée sur l’article 49 de l’Acte uniforme sus indiqué au motif que l’Ordonnance n° 819 déférée devant elle par la SMI est rendue en contestation d’une saisie rémunération de sorte que le délai d’appel court à compter du prononcé de la décision a, par mauvaise interprétation, violé l’article 172 de l’Acte uniforme susénoncé aux termes duquel la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification et que l’appel interjeté le 26 septembre 2008 contre la décision de contestation, avant même la notification de celle-ci intervenue le 07 novembre 2008, est recevable ; que dès lors, il convient de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit du 26 septembre 2008, la Société des Mines d’Ity a déclaré interjeter appel de l’Ordonnance n° 819 rendue le 03 juin 2008 par le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière d’urgence et en premier ressort ;
- Recevons la société des mines d’or d’ITY dite SMI et monsieur KOUA KONAN Léopold tant en leurs demandes principales que reconventionnelles ;
- Déclarons la saisie attribution de créances sur le compte SGBCI irrégulière ;
- Ordonnons la mainlevée de ladite saisie ;
- Ordonnons cependant à la société SMI d’avoir à restituer, les sommes en sa qualité de tierce saisie dans la saisie rémunération pratiquée par la COOPEC, les sommes qu’elle détient pour le compte de cette dernière à Monsieur KOUA KONAN Léopold sous astreinte comminatoire de 500 000 F CFA de retard à compter du prononcé de la décision ;
- Faisons masse des dépens et disons qu’ils devront être supportés par les parties à concurrence de moitié pour chacune ; » ;
Qu’au soutien de son appel, la SMI conclut à l’infirmation de l’Ordonnance n°819 rendue le 03 juin 2008 en ce qu’elle a fait droit à la demande reconventionnelle de Monsieur KOUA KONAN Léopold en ordonnant à la SMI à restituer des sommes prélevées sous astreinte de 500 000 FCFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision ; qu’elle demande que soit rejetée comme étant mal fondée la demande de Monsieur KOUA KONAN Léopold tendant à la restitution de sommes d’argent sous astreinte ; que ladite demande de restitution fondée sur l’Ordonnance n°1650 du 02 novembre 2007 dont le dispositif suit : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référés d’heure à heure et en premier ressort ; au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais dès à présent vu l’urgence et par provision, rejetons l’exception soulevée par SMI-SA ; recevons Monsieur KOUA KONAN Léopold en son action ; l’y déclarons cependant partiellement fondée ; ordonnons la mainlevée de la saisie en date du 27 octobre 2000 ; ordonnons la restitution des sommes effectivement prélevées ; condamnons la COOPEC aux dépens » ne comportait aucune obligation de restitution d’argent à son encontre et que c’est à tort que la restitution par elle d’une somme d’argent qu’elle ne détient pas a été ordonnée ;
Attendu que Monsieur KOUA KONAN Léopold soulève l’irrecevabilité de l’appel en ce que s’agissant d’une décision rendue en matière de saisie-attribution de créance, l’appel doit intervenir dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de la décision, de sorte que l’appel intervenu le 26 septembre 2008, soit plus de deux mois après le prononcé de la décision, est tardif ; que sur le fond, il conclut à la confirmation de l’ordonnance attaquée en soutenant que la restitution ordonnée par le premier juge se justifie puisque les sommes d’argent prélevées par la SMI restent détenues par elle pour n’avoir jamais été transférées à la COOPEC ;
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant prévalu à la cassation de l’arrêt, l’appel formé le 26 septembre 2008 par la Société des Mines d’Ity contre l’Ordonnance n° 819 rendue le 03 juin 2008 par la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan doit être déclaré recevable ;
Sur la demande reconventionnelle de Monsieur KOUA KONAN Léopold tendant à la restitution de sommes d’argent
Attendu que le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée ; que, selon le principe de l’intangibilité du titre exécutoire, le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites sous couvert d’interprétation ; qu’ en l’espèce l’Ordonnance n°1650 sur le fondement de laquelle la saisie attribution a été pratiquée n’a précisé ni le montant à restituer, ni la personne qui doit procéder à ladite restitution ; que c’est à la suite de la demande de la SMI en mainlevée de saisie-attribution pratiquée en vertu de l’Ordonnance n°1650 pour défaut de titre exécutoire que Monsieur KOUA KONAN Léopold a, par demande reconventionnelle, sollicité que la SMI soit ordonnée à lui restituer les sommes qu’elle détient pour le compte de la COOPEC sous astreinte de 2.000.000 FCFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision ; que par Ordonnance n°819 rendue le 03 juin 2008 ordonnant la mainlevée sollicitée, le juge de l’exécution a par ailleurs fait droit à la demande reconventionnelle de Monsieur KOUA KONAN Léopold modifiant ainsi le titre à exécuter à savoir l’Ordonnance 1650 alors que son rôle n’est pas de délivrer, directement ou indirectement, un titre exécutoire complémentaire au titre à exécuter au risque de le modifier ; qu’en statuant ainsi, le juge des référés, juge de l’exécution, a outrepassé sa compétence et sa décision doit être annulée sur ce point ; qu’il s’ensuit que la Cour de céans doit également se déclarer incompétente à statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur KOUA KONAN Léopold ;
Sur la demande d’astreintes
Attendu la Cour s’étant déclarée incompétente pour statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur KOUA KONAN Léopold tendant à la restitution de sommes d’argent prélevées, la demande d’astreintes formulée par ce dernier est sans objet ;
Attendu qu’ayant succombé, Monsieur KOUA KONAN Léopold doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°209 rendu le 24 avril 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Déclare recevable l’appel formé le 26 septembre 2008 par la Société des Mines d’Ity contre l’Ordonnance n° 819 rendue le 03 juin 2008 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Annule l’Ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné à la SMI de restituer les sommes qu’elle détient pour le compte de COOPEC à Monsieur KOUA KONAN Léopold ;
Evoquant,
Dit que le juge de référés, statuant comme juge de l’exécution, est incompétent pour statuer sur une demande tendant à la délivrance d’un titre exécutoire complémentaire au titre à exécuter ;
Se déclare en conséquence incompétente pour statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur KOUA KONAN Léopold tendant à la restitution de sommes d’argent ;
Dit que la demande d’astreintes est sans objet ;
Condamne Monsieur KOUA KONAN Léopold aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Président
Le Greffier