ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

Audience publique de vacation du 17 août 2012

Pourvoi : n° 024/2009/PC du 05 mars 2009

Affaire :   Société Générale de Banques au Sénégal dite SGBS

                  (Conseil : Maître Sadel NDIAYE, Avocat à la Cour)

                        contre

       Compagnie Africaine Forestière des Allumettes dite CAFAL

                (Conseil : Maître Aïssatou BA, Avocat à la Cour)                                             

ARRET N°066/2012 du 17 août 2012

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique de vacation du 17 août 2012 où étaient présents :

 

Messieurs : Maïnassara MAIDAGI,                                Président, rapporteur

Namuano Francisco DIAS GOMES,             Juge

Madame :      Flora DALMEIDA MELE,                          Juge

et  Maître ASSIEHUE Acka,                         Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 05 mars 2009 sous le n°024/2009/PC et formé par Maître Sadel NDIAYE, Avocat à la Cour, demeurant à Dakar (SENEGAL), 47, Boulevard de la République, immeuble SORANO, agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques au Sénégal dite SGBS S.A, ayant son siège social à Dakar, 19, Avenue Léopold SENGHOR, dans la cause l’opposant à la Compagnie Africaine Forestière des Allumettes dite CAFAL, ayant pour conseil Maître Aïssatou BA, Avocat à la Cour, 850, SICAP Baobab, Dakar, en cassation de l’Arrêt n°71 rendu le 11 février 2008 par la Cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement contradictoirement en matière de criée et en dernier ressort ;

En la forme

Vu l’ordonnance de clôture déclarant la procédure régulière ;

Au fond

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Met les dépens à la charge de la SGBS. » ;

 

La requérante  invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Premier Vice-Président Maïnassara MAÏDAGI ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, qu’en vue de recouvrer sa créance née d’une convention d’ouverture de crédit avec affectation hypothécaire la liant à la Compagnie Africaine Forestière des Allumettes (CAFAL), la Société Générale de Banques au Sénégal dite SGBS avait sollicité et obtenu de Monsieur le Président du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar l’Ordonnance d’injonction de payer n°216/03 rendue le 16 avril 2003 enjoignant à la CAFAL de lui payer la somme de F CFA 317.526.654 ; que l’Ordonnance ainsi rendue et signifiée n’a fait l’objet d’aucun recours de la part de la CAFAL qui n’a pas non plus offert de payer amiablement, ce qui a déterminé la SGBS à procéder au recouvrement forcée ; qu’ainsi, la SGBS, munie désormais de l’ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire, et décidant de réaliser l’hypothèque conventionnelle précédemment conclue sur le titre Foncier n°201/DP appartenant à la CAFAL en garantie du paiement de la dette, engageait une procédure de saisie immobilière par un « commandement valant saisie réelle » servi à la CAFAL le 20 juin 2006 ; que la procédure a régulièrement suivi son cours et l’audience d’adjudication a été fixée au 14 août 2007 lorsque le 07 août, la CAFAL déposait  des dires aux fins d’ordonner la suspension des poursuites jusqu’au prononcé de la Cour d’appel aux motifs que l’ordonnance d’irrecevabilité rendue le 29 mars 2007 par le conseiller de la mise en état a été rétractée et les parties autorisées à comparaître à nouveau devant la Cour d’appel ; que le 13 août 2007 la CAFAL déposait de nouvelles écritures intitulées « Réponse à dires » aux fins d’ordonner la suspension des poursuites aux motifs que l’Ordonnance n°590/2007 en date du 23 avril 2007 a ordonné l’ouverture d’une procédure de règlement préventif à son encontre ; que par  Jugement n°1511 rendu le 14 août 2007, le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ordonnait la suspension des poursuites engagée par la SGBS pour obtenir la vente de l’immeuble objet du titre foncier n°201/DP, en application de l’article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ; que sur appel, la Cour d’appel de Dakar rendait le 11 février 2008 l’Arrêt confirmatif n°71 dont pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

Vu l’article 299 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 299 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel de Dakar a confirmé le jugement entrepris aux motifs que « la demande présentée le 07 août a été bel et bien introduite au 8ème jour avant l’adjudication, le texte ne disant pas huit jours avant mais bien au 8è jour » alors que la CAFAL avait produit le 13 août 2007, pour une audience du 14 août 2007, une décision l’admettant au bénéfice du règlement préventif, décision sur laquelle le juge s’est fondé pour ordonner la suspension des poursuites à son encontre ; qu’aux termes du texte susvisé, tout acte ou fait nouveau révélé ou survenu postérieurement à l’audience éventuelle doit être présenté à peine de déchéance jusqu’au huitième jour avant l’adjudication ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 299 de l’Acte uniforme susvisé,  « les contestations ou demandes incidentes doivent, à peine de déchéance, être soulevées avant l’audience éventuelle.

Toutefois, les demandes fondées sur un fait ou un acte survenu  ou révélé postérieurement à cette audience et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle ou la radiation de la saisie, peuvent encore être présentée après l’audience éventuelle, mais seulement, à peine de déchéance, jusqu’au huitième jour avant l’adjudication. » ;

 

Attendu, en l’espèce, que la CAFAL a déposé, dans un premier temps, le 07 août 2007, des dires aux fins d’ordonner la suspension des poursuites jusqu’au prononcé de la Cour d’appel aux motifs que l’Ordonnance d’irrecevabilité rendue le 29 mars 2007 par le conseiller de la mise en état a été rétractée et les parties autorisées à comparaître à nouveau devant la Cour d’appel ; que le 13 août 2007 la CAFAL a déposé de nouvelles écritures intitulées « Réponse à dires » aux fins d’ordonner la suspension des poursuites en y joignant l’Ordonnance n°590/2007 en date du 23 avril 2007 ordonnant l’ouverture d’une procédure de règlement préventif à son encontre ; qu’il ressort de ce qui précède que ce n’est que le 13 août 2007, soit la veille de l’audience d’adjudication fixée au 14 août 2007, que la CAFAL a en réalité déposé des dires aux fins d’ordonner la suspension des poursuites au motif que l’Ordonnance n°590/2007 du 23 avril 2007 l’admet au bénéfice du règlement préventif avec pour conséquence, en application de l’article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, la suspension ou l’interdiction de toute poursuite individuelle ; qu’en déclarant les dires de la CAFAL recevable pour avoir été déposés dans le délai prescrit alors qu’ils n’ont été déposés que la veille de la date fixée pour l’adjudication de l’immeuble saisi, la Cour d’appel de Dakar a violé, par mauvaise application, les dispositions susénoncées de l’article 299 susvisé ; qu’il y a lieu, en conséquence, de casser son Arrêt n°71 rendu le 11 février 2008 et d’évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen de cassation ;

 

Sur évocation

Attendu que par exploit en date du 20 août 2007 de Maître Ndèye Tègue FALL LO, Huissier de justice à Dakar, la SGBS a relevé appel du Jugement n°1511 rendu le 18 août 2007 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de saisie immobilière et en premier ressort ;

Déclare les dires déposés par la CAFAL recevables ;

Ordonne la suspension des poursuites engagées par la SGBS pour obtenir la vente de l’immeuble objet du TF.201/DG par application de l’article 9 de l’AU sur les procédures collectives » ;

 

Qu’à l’appui de son appel, elle demande l’infirmation du jugement entrepris et statuant à nouveau, déclarer irrecevable les dires déposés par CAFAL, mal fondée la demande en sursis et ordonner la continuation des poursuites ; que selon elle, le Tribunal a violé l’article 299 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, pour avoir déclaré les dires de la CAFAL recevables alors qu’ils ont été déposés le 07 août 2007 pour une audience du 14 août 2007 soit moins de 08 jours avant l’audience ; qu’au surplus, les dires sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour ordonner la suspension des poursuites ont été déposés la veille de l’audience au moment où le délai était expiré ; qu’en outre, le premier juge a fait preuve d’une légèreté inadmissible en ordonnant la suspension des poursuites sur la base d’une simple ordonnance du Président du Tribunal Régional Hors Classe du 23 avril 2007 autorisant l’ouverture d’une procédure de règlement  préventif contre la CAFAL, alors que le Président du tribunal n’a pas ce pouvoir dévolu à la compétence exclusive du Tribunal Régional statuant en audience non publique, aux termes des articles 14 et 15 de l’Acte uniforme ; que s’y ajoute que l’ordonnance du 23 avril 2007 n’édicte aucune mesure de suspension ou d’interdiction des poursuites ;

 

Attendu que la CAFAL, intimée, soutient que les délais en matière de criées ne sont pas francs et que par conséquent  ses dires sont donc recevables ; qu’ayant été admise au bénéfice de règlement préventif, c’est à bon droit que le jugement des criées, en application des dispositions de l’article 9 de l’Acte uniforme, a ordonné la suspension des poursuites ; qu’elle conclut à la confirmation du jugement entrepris ;

 

Sur la recevabilité des dires déposés par la CAFAL avant l’audience d’adjudication

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu de déclarer hors délai les dires déposés par la CAFAL ; qu’en conséquence il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris, de déclarer irrecevables lesdits dires et d’ordonner la continuation des poursuites et de la procédure de vente à une nouvelle date d’adjudication et ce, sur la base du cahier des charges déposé le 12 juillet 2006 par la SGBS ;

 

Attendu que la CAFAL ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°71 rendu le 11 février 2008 par la Cour d’appel de Dakar ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Déclare les dires déposés par la CAFAL irrecevables pour cause de tardiveté ;

Ordonne la continuation des poursuites et de la procédure de vente à une nouvelle date d’adjudication et ce, sur la base du cahier des charges déposé le 12 juillet 2006 par la SGBS ;

Condamne la CAFAL aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

   Le Greffier