ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première Chambre

Audience Publique du 24 février 2005

Pourvoi : n° 035/2002/PC du 04 juillet 2002

Affaire: – SEHIC HOLLYWOOD S.A.

              – KAMGANG Marcel

                   (Conseil : Maître WOAPPI Zacharie, Avocat à la Cour)

                                         Contre

              – SOCIETE COMMERCIALE DE BANQUES –

      CREDIT LYONNAIS CAMEROUN S.A. (SCB-CLC)

               (Conseils : AMADOU FADIKA et Associés, Avocats à la Cour)

              – STANDARD CHARTERED BANK S.A.

             – SUCCESSION PAUL SOPPO PRISO

                  (Conseils : Maîtres Pierre M. NTHEPE et Paul NGUELLY, Avocats à la Cour)                                             

ARRET N° 010/2005 du 24 février 2005

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 24 février 2005 où étaient présents :

 

  1. Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Biquezil NAMBAK, Juge

et  Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 04 juillet 2002 sous le numéro 035/2002/PC et formé par Maître Zacharie WOAPPI, Avocat au Barreau du Cameroun, B.P. 1215 Douala, agissant aux noms et pour les comptes de la Société d’Exploitation Hôtelière et Immobilière du Cameroun dite SEHIC HOLLYWOOD HOTEL, Société anonyme dont le siège social est à Douala (République du Cameroun), 663, Rue IVY, BONANJO, B.P. 13166 et de Monsieur KAMGANG Marcel, homme d’affaires, demeurant à Douala, B.P. 13166, dans la cause qui les oppose à la Société Commerciale de Banques Crédit Lyonnais Cameroun S.A. dont le siège est à Yaoundé, B.P. 700, ayant pour Conseil la SCP NGONGO-OTTOU et NDENGUE KAMENI, Avocats au Barreau du Cameroun, la Succession Paul SOPPO PRISO domiciliée à Douala et ayant pour Conseil Maître NTHEPE Pierre, Avocat au Barreau du Cameroun B.P. 3215 Douala et la STANDARD Chartered Bank Cameroun S.A. (SCBC S.A.) dont le siège social est à Douala B.P. 1784, ayant pour Conseil Maître Jean Paul NGALLE MIANO, Avocat au Barreau du Cameroun,en annulation de l’Ordonnance n° 391 rendue le 11 mars 2002 par le Président de la Cour Suprême du Cameroun et dont le dispositif est le suivant :

« Déclarons régulières et recevables en la forme les requêtes dont s’agit

Les joignons

Au fond, les déclarons sans objet et subsidiairement ordonnons la suspension de l’exécution de l’Arrêt n° 32/REF rendu le 22 janvier 2001 par la Cour d’appel du Littoral,

Disons que notre ordonnance sera exécutoire sur minute dès notification et avant enregistrement… »

Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’à la suite d’une première saisie-attribution de créances pratiquée par SEHIC HOLLYWOOD Hôtel S.A. et KAMGANG Marcel à son préjudice, la Succession Paul SOPPO PRISO a saisi le Juge des référés du Tribunal de première instance de Douala d’une demande de mainlevée de ladite saisie ; que statuant sur la cause, le juge précité a, par son Ordonnance n° 820 rendue le 31 mai 2000, rejeté ladite demande de mainlevée puis ordonné le paiement par la SGBC entre les mains des créanciers saisissants des causes desdites saisies sous astreinte de 500.000 F CFA par jour de retard à compter de la signification de l’Ordonnance ; que constatant pour leur part que la SGBC, tiers saisi, ne s’exécutait pas nonobstant la signification à lui faite de l’Ordonnance sus indiquée, SEHIC HOLLYWOOD Hôtel S.A. et KAMGANG Marcel ont interjeté partiellement appel de ladite Ordonnance, notamment contre la SGBC, la SCB-Crédit Lyonnais et la Standard Chartered Bank qui, selon les conclusions d’appel, « n’ont pas daigné se conformer aux dispositions de l’article 164 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur les voies d’exécution malgré la signification de l’Ordonnance n° 820 avec commandement de payer » ; que par appel incident interjeté contre l’Ordonnance précitée, la SGBC a notamment demandé à la Cour d’appel du Littoral à Douala d’une part et en la forme, de joindre tous les appels interjetés contre l’Ordonnance n° 820 pour y statuer par un seul et même Arrêt, d’autre part et au fond, de dire et juger qu’il ne saurait lui être reproché de s’être abstenue d’exécuter une décision attaquée par toutes les parties en cause et dont l’exécution était suspendue en attendant l’issue que connaîtraient les requêtes aux fins de défense à exécution introduites ; que statuant sur ces différents appels, la Cour d’appel du Littoral à Douala a rendu le 22 janvier 2001 l’Arrêt n° 32/REF par lequel elle a confirmé l’Ordonnance entreprise ; que le 04 juillet 2001 la Succession Paul SOPPO PRISO s’est, par le ministère de son conseil Maître N’THEPE, pourvue en cassation contre ledit Arrêt n° 32/REF alors que la SCB-Crédit Lyonnais et la Standard Chartered Bank se sont, par le ministère de leurs conseils la SCP d’avocats Martin D. NGONGO OTTOU et Viviane NDENGUE KAMENI, Avocats associés, pourvues également en cassation contre le même arrêt le 23 août 2001 ; que de même, par requêtes en date des 05 août 2001 et 11 septembre 2001 la SCB-Crédit Lyonnais et la Succession Paul SOPPO PRISO ont sollicité qu’il plaise à Monsieur le Président de la Cour Suprême de bien vouloir ordonner le sursis à l’exécution de l’Arrêt n° 32/REF du 22 janvier 2001 ; que malgré l’introduction de la procédure de sursis à l’exécution, SEHIC HOLLYWOOD et KAMGANG Marcel ont procédé les 14 et 16 août 2001 à la saisie-attribution des avoirs de la SCB-Crédit Lyonnais entre les mains de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) et de la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit dite BICEC ; que bien auparavant, soit les 24, 25 et 27 avril 2001, SEHIC HOLLYWOOD et KAMGANG Marcel avaient procédé à la saisie-attribution des avoirs de la Standard Chartered Bank entre les mains de plusieurs banques dont la BICEC, la CBC, AMITY BANK, CITIBANK, CCEI BANK et BEAC ; qu’après avoir ordonné la jonction des différentes procédures relatives à la demande de sursis à exécution de l’Arrêt n° 32/REF susmentionné, le Président de la Cour Suprême du Cameroun a rendu l’Ordonnance n° 391 du 11 mars 2002 dont pourvoi ;

Attendu que les défendeurs au pourvoi ont soulevé in limine litis des exceptions de procédure dont l’incompétence de la Cour de céans à connaître du présent pourvoi ;

SUR LA COMPETENCE DE LA COUR

Vu l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé ;

Vu l’article 5 de la loi camerounaise n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice et modifiée par l’Ordonnance n° 97/018 du 07 août 1997 ;

Attendu que la SCB-Crédit Lyonnais et la Succession SOPPO PRISO ont soulevé in limine litis l’exception d’incompétence de la Cour de céans à connaître du présent pourvoi au double motif qu’il ressort de la lecture, d’une part, de l’article 2 du Traité OHADA qui énumère les matières entrant dans le domaine du droit des affaires « que la procédure civile et partant l’exécution ou le sursis à exécution des décisions de justice afférentes ne ressortissent pas du domaine légiféré par l’OHADA » et, d’autre part, de l’article 14 alinéas 3 et 4 du même Traité que pour qu’une décision soit déférée à la censure de la Cour de céans, il faut qu’il s’agisse d’une « décision rendue par une Cour d’appel du Cameroun ou une décision rendue en premier et dernier ressort par une juridiction d’instance du Cameroun. Les décisions rendues par les juridictions d’appel (et les décisions non susceptibles d’appel) le sont en premier et dernier ressort alors que l’Ordonnance querellée est une décision définitive qui bénéficie de la force de chose jugée et n’est plus susceptible d’être réformée par une quelconque juridiction (interne ou externe au Cameroun) » ; qu’il s’ensuit, selon le moyen, « que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage n’est pas compétente pour connaître d’un arrêt rendu par la Cour Suprême ou une juridiction nationale statuant en cassation ; [que] dans le cas d’espèce, il ne saurait en être autrement dès lors que la décision consécutive à l’Ordonnance n° 391 du 11 mars 2002 ne relève pas au demeurant du champ des matières harmonisées par l’OHADA ; [qu’]il s’agit en l’occurrence d’un sursis à exécution ordonné par le Président de la Cour Suprême du Cameroun ; [que] le sursis à exécution participe de l’exécution des décisions de justice, domaine réservé et ressortissant de la souveraineté des Etats ; [que] par ailleurs et dans le même sens, aux termes de l’article 16 in fine du Traité OHADA qui dispose que la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage n’affecte pas les procédures d’exécution, celles-ci ne peuvent non plus ressortir de la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.

Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux. » ;

Attendu, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 5, (1) et (5) de la loi camerounaise n° 92/008 du 14 avril 1992 susvisée, « la partie qui succombe en appel ou devant une juridiction statuant en premier et dernier ressort et qui a formé un pourvoi devant la Cour Suprême peut, par simple requête au Président de ladite Cour, faire suspendre l’exécution de la décision attaquée

(…)

L’exécution de la décision querellée est suspendue dès présentation du certificat de dépôt [de la requête] jusqu’à l’intervention de l’ordonnance visée à l’alinéa 4, paragraphe 3 ci-dessus et, le cas échéant, jusqu’à l’expiration du délai de trente (30) jours visés aux mêmes alinéa et paragraphe » ;

Attendu, en l’espèce, que c’est parallèlement aux pourvois exercés devant la Cour Suprême du Cameroun simultanément par la SCB-Crédit Lyonnais, la Standard Chartered Bank et la Succession Paul SOPPO PRISO en cassation de l’Arrêt n° 32/REF du 22 janvier 2001 que des requêtes aux fins de sursis à exécution dudit Arrêt ont été adressées au Président de ladite Cour Suprême, lequel, statuant sur ces requêtes, a rendu le 11 mars 2002 conformément aux dispositions susénoncées de la loi camerounaise n° 92/008 susvisée, l’Ordonnance n° 391 attaquée ; qu’il apparaît, d’une part, que la procédure ayant abouti à l’ordonnance attaquée est prévue non pas par un Acte uniforme ou un règlement prévu au Traité institutif de l’OHADA, mais plutôt par la loi camerounaise précitée et, d’autre part, que ladite procédure n’avait pas pour objet de suspendre une exécution déjà engagée, la saisie attribution des 14 et 16 août 2001 entreprise par SEHIC HOLLYWOOD et KAMGANG Marcel au préjudice de la SCB-Crédit Lyonnais étant postérieure au 05 août 2001, date d’introduction par celle-ci de la requête aux fins de défense à exécution, mais d’empêcher qu’une telle exécution puisse avoir lieu ;

Attendu qu’il résulte de tout ce qui précède que l’Ordonnance n° 391 du 11 mars 2002 n’entre pas dans la catégorie des décisions spécifiées aux alinéas 3 et 4 susénoncés de l’article 14 susvisé et ne peut donc faire l’objet de recours en annulation devant la Cour de céans ; qu’il s’ensuit que ladite Cour doit se déclarer incompétente pour statuer sur le recours introduit par SEHIC HOLLYWOOD et KAMGANG Marcel ;

Attendu que SEHIC HOLLYWOOD S.A. et KAMGANG Marcel ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;

 

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ,

Se déclare incompétente ;

Condamne SEHIC HOLLYWOOD S.A. et KAMGANG Marcel aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé.

 

 

Le Président

Le Greffier