ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Audience Publique du 18 avril 2002

Affaire :  BANQUE INTERNATIONALE POUR LE COMMERCE

              ET L’INDUSTRIE DE COTE D’IVOIRE (BICICI)

              (Conseils : Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés,

                 Avocats à la Cour)

     Contre

       1°/ DIOUM M’BANDY

       2°/ Boucherie Moderne de Côte d’Ivoire dite Boucherie

  DIOUM M’BANDY et Fils

      (Conseil : Maître Kadidia TOURE, Avocat à la Cour)                              

 ARRET N° 013/2002 du  18 avril 2002

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 18 avril 2002 où étaient présents :

 

Messieurs  Seydou BA,          Président

Jacques M’BOSSO,              Premier Vice-président, rapporteur

Antoine Joachim OLIVEIRA,    Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,     Juge

Maïnassara MAIDAGI,             Juge

Boubacar DICKO,               Juge

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans de l’affaire Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de COTE D’IVOIRE dite BICICI contre DIOUM M’BANDY par Arrêt n° 018/2001/PC du 09 octobre 2001 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE saisie d’un pourvoi formé le 06 décembre 1999 par la BICICI, Société anonyme au capital de 15 milliards CFA, sise à l’Avenue Franchet d’Esperey, 01 B.P. 1298 Abidjan, ayant pour Conseils Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour à Abidjan y demeurant 29, boulevard Clozel 01 B.P. 174 Abidjan,en cassation de l’Arrêt n°1010 rendu le 24 septembre 1999 par la Cour d’Appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;

 

  • Déclare recevable l’appel de la Société Boucherie Moderne de Côte d’Ivoire dite « Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils »
  • L’y dit bien fondée ;
  • Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

  • Ordonne la main-levée du commandement à fin de saisie réelle en date du 16 avril 1999 ;
  • Ordonne le sursis à la vente ;
  • Condamne la BICICI aux dépens ; »

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation, tels qu’ils figurent à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Premier Vice-Président ;

Vu les articles 14,15 et 16 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, qu’en date du 05 janvier 1982, la BICICI avait conclu par devant notaire, Maître Marcelle DENISE RICHMOND à Abidjan, une convention de compte courant avec d’une part Monsieur DIOUM M’BANDY, en sa qualité d’administrateur unique de la société dénommée « Boucherie Moderne de Côte d’Ivoire – Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils »et, d’autre part, le même susnommé en son nom personnel pour le cautionnement hypothécaire par lui fourni à ladite Banque en garantie du paiement des sommes que la Société, dont il est l’administrateur unique, pourrait devoir à celle-ci à quelque titre que ce soit à hauteur de la somme principale de cent cinquante millions de francs CFA (150.000.000 FCFA) en principal outre les intérêts et accessoires relatifs à cette somme ; que durant la première période de fonctionnement dudit compte courant, soit de janvier 1982 à juin 1984, la dette de la société « Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils » s’était considérablement accrue et avait rendu dérisoires les premières sûretés fournies à la Banque et par elle-même et par la caution ; que dès lors, celles-ci devaient fournir à la Banque de nouvelles sûretés en rapport avec le nouveau niveau d’endettement de la Boucherie ; qu’ainsi, une seconde convention de compte courant fut conclue les 29 août et 04 septembre 1984 par devant le même notaire et entre les mêmes parties que lors de la première ; que cette seconde convention a réitéré les engagements de la première et mentionné expressément « qu’à la date du trente juin mil neuf cent quatre vingt quatre, la créance, en principal et intérêts de la Banque sur le débiteur s’élevait à la somme de neuf cent vingt et un million deux cent soixante quatorze mille neuf cent cinquante quatre francs CFA(921.274.954 FCFA) » et qu’«à la sûreté et garantie de toutes les sommes en principal, intérêts, frais et accessoires qui sont ou pourront être dues à la Banque en vertu de la convention de compte courant (…), Monsieur DIOUM M’BANDY ès qualité déclare donner en gage et affecter à titre de nantissement au profit de la Banque, ce qui est accepté par le comparant, d’une part le fonds de commerce (…) sur lequel Monsieur DIOUM M’BANDY ès qualité consent qu’il soit pris contre le bénéficiaire et à ses frais, inscription de nantissement complémentaire à celui inscrit le quatorze janvier mil neuf cent quatre vingt deux pour sûreté d’une somme de huit cent un million deux cent soixante quatorze mille neuf cent cinquante quatre francs CFA, formant avec celle de cent vingt millions de francs CFA, (…) le montant de la créance de la Banque sur le bénéficiaire au trente juin mil neuf cent quatre vingt quatre, auxquels s’ajouteraient 34.038.248 d’indemnité forfaitaire et frais éventuels faisant porter ainsi le total à 835.313.202 francs CFA ; que par ailleurs Monsieur DIOUM M’BANDY en son nom personnel a consenti et accepté dans ladite seconde convention (5ème p.) d’affecter et d’hypothéquer en second rang et sans concurrence au profit de la Banque, ce qui est accepté par celle-ci, un ensemble d’immeubles faisant l’objet des titres fonciers n° 12.262, 12.263, 26.670 et 26.680 à Bingerville, n° 24.698 à Koumassi, n° 26.666 et 26.667 à Marcory et sur lesquels Monsieur DIOUM M’BANDY a consenti qu’il soit pris contre le débiteur dans ces conditions toutes inscriptions utiles pour sûreté :

 

1°/ de la somme de 770.000.000 F CFA formant une partie des sommes dues ou pouvant être dues dans le cadre de la convention de compte courant ;

 

2°/ des intérêts, dont la loi conserve le rang ;

 

3°/ enfin tous frais éventuels de poursuites mises à exécution et autres accessoires, le tout évalué, sauf à parfaire ou diminuer, à dix millions de francs, soit un total à inscrire de 780.000.000 F CFA » ; qu’à la fin de l’année 1989 et au début de l’année 1990, constatant que la dette de la Boucherie DIOUM M’BANDY continuait de s’alourdir, la BICICI entreprit de réaliser les hypothèques dont elle était bénéficiaire ; que l’action entreprise dans ce sens par la BICICI a abouti au jugement des contestations rendu le 05 mars 1990 et aux termes duquel les dires de contestation aux fins d’annulation de la procédure initiée par la BICICI furent rejetés et la procédure renvoyée au 26 mars 1990 pour la vente par adjudication à la barre des biens donnés en garantie à la BICICI par Monsieur DIOUM M’BANDY ; qu’après le prononcé de ce jugement, Monsieur DIOUM M’BANDY entra, par l’entremise de son avocat, en pourparlers avec la BICICI pour s’acquitter à l’amiable de sa dette ; que la BICICI accéda à cette demande de sorte qu’advenue l’audience du 26 mars 1990, la procédure de saisie immobilière fut radiée et commença alors la phase de règlement à l’amiable de la dette au cours de laquelle 129.200.000 F CFA furent versés à la BICICI ; qu’après le paiement de cette somme, plus aucun versement n’eut lieu jusqu’au 29 octobre 1998 de sorte que la BICICI, par le ministère de Maître Christophe KOFFI, huissier de justice à Abidjan, notifia à  cette dernière date à Monsieur DIOUM M’BANDY une sommation d’avoir à payer la somme de 1.261.771.605 francs à laquelle elle avait provisoirement arrêté sa créance, sous réserve des intérêts conventionnels et des frais ; qu’en réponse écrite à cette sommation, Monsieur DIOUM M’BANDY fit savoir :  « cet arrêt dans le versement est dû à mon état de santé qui s’est dégradé pendant cette période. Je m’engage à reprendre le paiement à partir de janvier 1999 » ; que par la suite, aucun paiement ne vint concrétiser cet engagement de sorte que la BICICI reprit la procédure là où elle était suspendue en vue de la réalisation de ses hypothèques ; que c’est alors que Monsieur DIOUM M’BANDY saisit d’un recours en annulation de la procédure entamée le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui se prononça par jugement en date du 12 juillet 1999 par lequel il confirma les termes du commandement à fin de saisie réelle du 16 avril 1999 ; qu’à la suite de ce jugement, Monsieur DIOUM M’BANDY et la Société Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils relevèrent appel devant la Cour d’appel d’Abidjan, laquelle infirma le jugement querellé par l’Arrêt n° 1010 du 24 septembre 1999, objet du présent pourvoi ;

 

SUR LE PREMIER MOYEN

Vu les articles 49, 300 et 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’Arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou d’avoir commis une erreur dans l’interprétation ou l’application de la loi en particulier des dispositions des articles 403 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative et 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que la Cour d’appel d’Abidjan, aux termes de l’Arrêt attaqué, a déclaré recevable l’appel interjeté conjointement par la Société « Boucherie moderne de COTE D’IVOIRE, Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils » et Monsieur DIOUM M’BANDY par exploit d’huissier en date du 03 août 1999, alors qu’en réalité, selon la requérante, s’il est vrai que l’article 300 de l’Acte uniforme susvisé prévoit que les décisions judiciaires rendues en matière  de saisie immobilière peuvent être frappées d’appel sous certaines conditions « dans les conditions de droit commun », il ne saurait être perdu de vue, qu’en COTE D’IVOIRE et en matière de saisie immobilière, l’appel des décisions rendues à l’audience éventuelle (ex audience des contestations) doit être interjeté dans le délai de 15 jours à compter du prononcé du jugement ; d’où il suit qu’en considérant que l’appel relevé le 03 août 1999 du jugement contradictoire rendu le 12 juillet 1999 et non signifié à la Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils et Monsieur DIOUM M’BANDY est intervenu dans le délai légal, la Cour d’appel d’Abidjan a incontestablement mal jugé et c’est pourquoi l’Arrêt attaqué mérite cassation ;

 

Attendu qu’aux termes de son article 336, l’Acte uniforme susvisé « abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties » au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique de sorte que depuis son entrée en vigueur, les règles de forme et de fond qu’il prescrit ont seules vocation à s’appliquer en la matière dans lesdits Etats parties ;

 

Attendu que l’article 300 de l’Acte uniforme susvisé prescrit que les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière peuvent être frappées d’appel dans certains cas, mais ne  précise pas le délai d’appel ni son point de départ, indiquant simplement que les voies de recours sont exercées dans les conditions de droit commun ;

 

Attendu qu’en l’absence de dispositions particulières, le délai d’appel pour tout litige relatif à une mesure d’exécution est celui prévu à l’article 49 des dispositions générales du Livre II de l’Acte uniforme susvisé qui précise que la décision rendue par la juridiction compétente pour statuer sur tout litige relatif à une mesure d’exécution est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé ;

 

Attendu qu’en l’espèce, la décision querellée devant la Cour d’appel d’Abidjan est le Jugement civil contradictoire n° 463/ADD/Civ4 ; que ledit jugement a été prononcé le 12 juillet 1999 ; qu’en application des dispositions susénoncées de l’article 49 de l’Acte uniforme précité, l’appel interjeté contre ledit jugement devait intervenir dans un délai de 15 jours à compter du 13 juillet 1999, les délais prévus par l’Acte uniforme étant francs, soit au plus tard le 27 juillet 1999 ; que c’est seulement le 03 août 1999 que la Cour d’appel d’Abidjan a été saisie dudit appel ; qu’en déclarant celui-ci recevable, la Cour d’appel d’Abidjan a violé les dispositions susénoncées de l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il échet en conséquence, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi, de casser l’Arrêt attaqué pour violation de la loi et d’évoquer ;

SUR L’EVOCATION

Attendu que l’appel interjeté hors du délai prévu par l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé était tardif, et qu’il y a lieu dès lors de le déclarer irrecevable ;

 

Attendu que Monsieur DIOUM M’BANDY et la Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

  • casse l’Arrêt n°1010 rendu le 24 septembre 1999 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant,

  • déclare irrecevable l’appel interjeté le 3 août 1999 par Monsieur DIOUM M’BANDY et la Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils ;

 

  • condamne Monsieur DIOUM M’BANDY  et la Boucherie DIOUM M’BANDY et Fils aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier en chef