ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 14 février 2007
POURVOI n° : 011/2006/PC du 1er mars 2006
AFFAIRE : Monsieur DAM SARR
(Conseils : Maîtres BONFIN et Associés, Avocats à la Cour)
contre
Société Civile Immobilière “7 M” dite SCI “7 M”
(Conseil : Maître TAPE Manakale Ernest, Avocat à la Cour)
ARRET N°006/2007 du 1er février 2007
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 1er février 2007 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Monsieur DAM SARR contre Société Civile Immobilière “7 M” dite SCI “7M”, par Arrêt n°547/05 du 10 novembre 2005 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre Judiciaire, Formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 06 mai 2004 par Monsieur DAM SARR, Directeur Général de la Société Alliance Africaine d’Assurances dite 3A, demeurant à Abidjan-Riviera, 17 BP 477 Abidjan 17, ayant pour conseils Maîtres BONFIN et Associés, Avocats à la Cour, demeurant 26, avenue Chardy, immeuble SIMI, 3ème étage, 08 BP 1848 Abidjan 08,
recours enregistré sous le n°011/2006 du 1er mars 2006, en cassation de l’Arrêt n° 202 rendu le 06 février 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan au profit de la Société Civile Immobilière “7 M” dite SCI “7 M” et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme :
- Reçoit Monsieur DAM SARR en son appel relevé du Jugement n°56 rendu le 28 mars 2002 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
- Dit qu’il n’y a lieu à surseoir à statuer ;
Au fond :
- Déclare Monsieur DAM SARR mal fondé ;
- L’en déboute ;
- Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
- Le condamne aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la « déclaration de pourvoi en cassation » annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la Société Civile Immobilière “7 M” dite SCI “7 M” qui poursuivait le recouvrement d’un prêt d’un montant de 225.000.000 francs CFA qu’elle avait consenti à Monsieur DAM SARR sollicitait et obtenait de la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan l’Ordonnance d’injonction de payer n°2480 en date du 21 mars 2001 condamnant le susnommé au paiement de ladite somme ; que cette ordonnance n’ayant, toutefois, pas été signifiée dans le délai légal de trois mois, la SCI “7M” y renonçait et sollicitait et obtenait, aux mêmes fins précitées, une autre ordonnance, en l’occurrence l’Ordonnance d’injonction de payer n°10879 en date du 18 octobre 2001 ; que Monsieur DAM SARR ayant formé opposition à l’exécution des deux ordonnances susvisées, par Jugement n°56 CIV-1 en date du 28 mars 2002, le Tribunal de première Instance d’Abidjan, après jonction des deux procédures, déboutait Monsieur DAM SARR de son opposition et le condamnait à payer à la SCI “7 M” la somme principale de 225.000.000 francs CFA ; que par exploit en date du 23 avril 2002, Monsieur DAM SARR relevait appel du jugement susvisé devant la Cour d’appel d’Abidjan laquelle prononçait l’Arrêt confirmatif n°202 en date du 06 février 2004 ; que par exploit de « déclaration de pourvoi » en date du 06 mai 2004, Monsieur DAM SARR saisissait la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE d’un pourvoi en cassation initié contre cet arrêt et ladite Cour, par Arrêt n°547/05 du 10 novembre 2005, se dessaisissait du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation des articles 3 et 4 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et ensemble des dispositions des articles 23, 24, 25 à 27 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, en ce que pour déclarer recevable la requête qui appuyait l’Ordonnance d’injonction de payer n°10.879 du 18 octobre 2001, la Cour d’appel d’Abidjan a affirmé qu’en indiquant Marcory comme étant son siège, la SCI “7 M”, qui ne pouvait faire autrement eu égard à l’adressage insuffisant en COTE D’IVOIRE, a parfaitement satisfait aux exigences de l’article 4 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’indication de Marcory permettant de situer géographiquement la SCI “7M” et de déterminer la juridiction compétente qui est le Tribunal de première instance d’Abidjan, alors qu’il est important, depuis l’avènement du nouveau droit communautaire, que soit géographiquement localisé le siège social d’une unité économique qui ne doit pas être fictif car il peut revêtir une grande importance si l’on considère que le lieu du siège social détermine le droit qui régit la société, et la compétence des juridictions en cas de litige ; qu’il est évident que la seule indication suivant laquelle la SCI “7 M” est « sise à Marcory » comme son directeur Monsieur DOUCOURE Vazoumana n’est pas suffisamment précise au sens des articles susvisés alors surtout que ne sont pas produits les statuts de la société pour permettre un minimum de contrôle de la conformité des indications qu’ils contiennent relativement au siège social et qu’en dehors de la seule localisation du siège à Marcory, il n’est indiqué ni une adresse postale, ni le nom ou le numéro de la rue ; que le motif selon lequel la SCI “7 M” ne pouvait faire autrement, eu égard à l’adressage insuffisant en « COTE d’IVOIRE », n’est pas pertinent puisque Marcory est une commune parfaitement « dressée » ayant ses rues, quartiers et sous quartiers bien identifiés : Marcory Résidentiel, Marcory zone 4, Marcory Sainte Thérèse, Marcory groupement foncier, Marcory Anoumanbo, Marcory Hibiscus, Marcory Rembais etc… ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les articles précités, visés au moyen ; que sa décision mérite cassation « car la requête du 04 octobre 2001 n’était pas recevable » ;
Attendu en effet que pour confirmer le Jugement querellé n°56 CIV-1 rendu le 28 mars 2002 par le Tribunal de première instance d’Abidjan, la Cour d’appel a notamment considéré « qu’en indiquant dans le cas d’espèce Marcory comme étant son siège social, la Société Civile Immobilière “7 M” qui ne pouvait faire autrement eu égard à l’adressage insuffisant en COTE D’IVOIRE, a parfaitement satisfait aux exigences de l’article 4 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’en effet l’indication Marcory permet de situer géographiquement la Société Civile Immobilière 7 M et de déterminer la juridiction compétente qui est le Tribunal de première instance d’Abidjan… » ; qu’en statuant ainsi alors que l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ayant prescrit que la requête d’injonction de payer « contient à peine d’irrecevabilité… pour les personnes morales, leur forme, dénomination et siège social », la seule mention de « Marcory » dans les requêtes formulées par le créancier poursuivant comme désignant le siège social de la SCI “7 M” est manifestement insuffisante en l’absence de précisions relatives à la ville, à la rue, à la boite postale et même au quartier puisqu’il n’est même pas spécifié que « Marcory » est situé dans le District d’Abidjan dont il constitue l’une des communes, elle-même subdivisée en nombreux sous-quartiers ; que faute d’avoir indiqué ces éléments qui étaient de nature à permettre de localiser le siège social de la SCI “7 M” par une adresse ou une indication suffisamment précise, l’arrêt attaqué encourt les reproches visés au moyen ; qu’il échet en conséquence d’en prononcer la cassation et d’évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner le deuxième moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit en date du 23 avril 2002, Monsieur DAM SARR a relevé appel du Jugement n°56 CIV-1 rendu le 28 mars 2002 par le Tribunal de première instance d’Abidjan et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort ;
- ordonne la jonction des procédures n°s 3145 et 4418 du Répertoire général 2001 ;
- Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Société “7 M” ;
- Déclare l’opposition recevable ;
- Dit DAM SARR mal fondé en son opposition ;
- Le condamne à payer à la Société “7M” la somme principale de 225 millions [francs CFA] ;
- Le condamne aux dépens. » ;
Attendu que dans son « acte appel valant premières conclusions » précité, l’appelant a, entre autres chefs de conclusions, présenté « in limine litis » une exception tendant à « l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer en date du 04 octobre 2001 » aux motifs que ladite requête se contente de déclarer « que la société Civile Immobilière “7 M”, Agence Immobilière est sise à Marcory … » indiquant ainsi que le siège social de la Société “7M” est à Marcory alors que le siège social s’entend soit du lieu du principal établissement de la société, soit de son centre de Direction Administrative et Financière ; que mieux, le siège social devant être localisé par une adresse ou une indication géographique précise, l’indication selon laquelle le siège de la Société “7M” serait à Marcory est insuffisante à le caractériser ; qu’il eût fallu indiquer l’adresse dudit siège ou donner des indications précises relatives à son implantation géographique ; que donc le premier Juge aurait dû déclarer irrecevable la requête susvisée et en conséquence rétracter l’ordonnance mise à pied de ladite requête ; qu’ainsi le jugement querellé mérite infirmation ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux relevés lors de l’examen du moyen de cassation retenu, il y a lieu de recevoir l’exception d’irrecevabilité susénoncée et en conséquence y faisant droit, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de déclarer la requête aux fins d’injonction de payer en date du 04 octobre 2001 irrecevable et d’ordonner la rétractation de l’Ordonnance d’injonction de payer n°10879/2001 rendue le 18 octobre 2001 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Attendu que la Société Civile Immobilière “7 M” ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°202 rendu le 06 février 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Reçoit l’exception d’irrecevabilité présentée par Monsieur DAM SARR, appelant ;
Infirme par suite en toutes ses dispositions le Jugement entrepris n°56 CIV-1 rendu le 28 mars 2002 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Ordonne en conséquence la rétractation de l’Ordonnance d’injonction de payer n°10879/2001, dont opposition, rendue le 18 octobre 2001 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Condamne la Société Civile Immobilière “7M” aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier