ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première Chambre
Audience Publique du 24 avril 2008
Pourvoi : n°086/2004/PC du 03 août 2004
Affaire : ECOBANK COTE D’IVOIRE dite ECOBANK-CI S.A
(Conseils : Maîtres AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la cour)
contre
1 – Mademoiselle Murielle Corinne Christel KOFFI
2 – Monsieur Sahouot Cédric KOFFI
(Conseils : – Maître SONTE Emile, Avocat à la Cour
– Cabinet MANGLE JIDAN, TIDOU-SANOGO et Associés,
Avocats à la Cour
– SCPA AKRE et KOUYATE, Avocats à la Cour)
ARRET N° 016/2008 du 24 avril 2008
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 24 avril 2008 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans de l’affaire ECOBANK contre Mademoiselle Murielle Corinne Christel KOFFI et Monsieur Sahouot Cédric KOFFI par Arrêt n°158/04 en date du 11 mars 2004 de la Cour Suprême de COTE d’IVOIRE, Chambre judiciaire, saisie d’un pourvoi initié le 06 septembre 2002 par Maîtres AHOUSSOU, KONAN et Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, boulevard Angoulvant, résidence Neuilly, 1er étage, 01 BP 1366 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n°1047 rendu le 09 août 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« En la forme : statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Reçoit les ayants droit de Victor Bergson KOFFI en leur appel interjeté de l’Ordonnance de référé n°3024 du 18 juin 2002, rendue par le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau
Au fond : les y déclare bien fondés ;
Infirme l’Ordonnance attaquée ;
Statuant à nouveau ;
Condamne la BICICI, la SIB et ECOBANK CI à payer aux ayants droit de KOFFI Victor Bergson les sommes qu’elles ont reconnu devoir sous astreinte de 20.000.000 francs par jour de retard à compter du prononcé de la présente décision ;
Condamne les intimés aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’exploit aux fins de pourvoi en cassation annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;
Vu les dispositions des articles 13, 14, et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que dans une cause l’opposant à la Société LOTENY TELECOM dont il était l’un des dirigeants, KOFFI Victor Bergson avait obtenu de la Cour d’appel d’Abidjan par Arrêt n° 1176 du 24 août 2001 la condamnation de ladite Société à lui payer la somme d’un milliard quatre cent millions (1.400.000.000) de francs CFA ; qu’en exécution dudit arrêt, KOFFI Victor Bergson avait fait pratiquer des saisies attributions de créances entre les mains de diverses banques dont la Société ECOBANK au préjudice de la Société LOTENY TELECOM ; que celle-ci, s’étant pourvue en cassation contre l’Arrêt n° 1176 précité, avait sollicité et obtenu de la juridiction présidentielle de la Cour Suprême l’Ordonnance n° 020/02 du 15 février 2002 suspendant l’exécution dudit arrêt et prescrivant mainlevée des saisies attributions pratiquées par KOFFI Victor Bergson ; qu’ayant donné mainlevée des premières saisies attributions suite à l’Ordonnance n° 020/02 du 15 février 2002 susindiquée, KOFFI Victor Bergson avait pratiqué une nouvelle saisie-attribution le 03 avril 2002 ; que réagissant à cette nouvelle saisie attribution, la Société LOTENY TELECOM avait à nouveau saisi le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire sur les difficultés en soutenant que l’exécution de l’Arrêt n° 1176 ayant été suspendue, KOFFI Victor Bergson ne pouvait pratiquer de nouvelles saisies en vertu dudit arrêt ; qu’accédant à cette demande de la Société LOTENY TELECOM par Ordonnance n° 040/02 du 28 juin 2002, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire donnait à nouveau mainlevée immédiate des saisies pratiquées le 03 avril 2002 ; qu’à la suite du décès de KOFFI Victor Bergson, certains de ses ayants droit avaient obtenu un certificat de non contestation et saisi le juge des référés du Tribunal d’Abidjan à l’effet de condamner les banques à leur payer les sommes saisies ; que par Ordonnance n° 3024/02 rendue le 18 juin 2002, ledit juge des référés déclarait irrecevable l’action entreprise pour défaut de qualité au motif que l’acte de notoriété produit par les ayants droit de KOFFI Victor Bergson attestant leur qualité d’héritiers n’avait pas été signé des témoins ; que sur appel relevé de ladite ordonnance, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n° 1047 du 09 août 2002, avait déclaré recevable l’action des ayants droit de KOFFI Victor Bergson et condamné la Société ECOBANK à payer à ceux-ci les causes de la saisie, soit 1.400.000.000 F CFA sous astreinte de 20 millions de francs CFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision ; que sur pourvoi formé contre cet arrêt devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, celle-ci, après avoir relevé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, s’était dessaisie du dossier au profit de la Cour de céans par Arrêt n° 158/04 du 11 mars 2004 ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Vu l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé ;
Attendu que la société ECOBANK Côte d’Ivoire a soulevé in limine litis dans son mémoire en réplique au mémoire en réponse des ayants droit de KOFFI Bergson reçu au greffe de la Cour de céans le 24 avril 2007, l’incompétence de celle-ci à connaître du pourvoi qu’elle a formé devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire et dont ladite Cour s’est dessaisie à son profit par Arrêt n° 158 du 11 mars 2004 en se déclarant incompétente en application de l’article 15 du Traité OHADA ; qu’elle soutient qu’en se déclarant incompétente, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a violé l’article 14 du Traité OHADA dans la mesure où tant les motivations de l’arrêt querellé que le moyen de cassation présenté ne soulèvent aucune question relative à l’Acte uniforme ; qu’en effet, le moyen de cassation invoqué vise la violation des dispositions du code de procédure civile ivoirien ainsi que la loi ivoirienne sur l’état civil ; que dans ces conditions la CCJA ne peut exercer son contrôle ou sa censure dès lors que les motivations de l’arrêt et le moyen de cassation sont étrangers aux actes uniformes dont elle est gardienne de l’interprétation ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;
Attendu que si le moyen unique de cassation en trois branches invoqué ne soulève aucune question relative à un Acte uniforme, il n’en demeure pas moins vrai que le litige qui oppose la société ECOBANK aux ayants droit de KOFFI Bergson concerne une saisie attribution de créance pratiquée, selon l’exploit de saisie-attribution de créance du 03 avril 2002, en vertu de l’article 32 de l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution au préjudice de LOTENY TELECOM entre les mains, entre autres, de ECOBANK par KOFFI Bergson en vue du recouvrement de sa créance suite à la condamnation prononcée dans ce sens par la Cour d’appel d’Abidjan par Arrêt n° 1176 du 24 août 2001 ; que le recouvrement des créances et les voies d’exécution sont désormais régis, en Côte d’Ivoire, depuis le 10 juillet 1998 par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que dès lors, la Cour de céans est compétente pour connaître du présent pourvoi et qu’il échet de se déclarer compétent ;
Sur l’objet du pourvoi
Attendu que la société ECOBANK Côte d’Ivoire demande que l’Arrêt n°1047 du 09 août 2002 par lequel la Cour d’appel d’Abidjan l’a condamnée à payer aux ayants droit de KOFFI Bergson les causes de la saisie attribution de créance pratiquée le 03 avril 2002 au préjudice de la société LOTENY TELECOM soit cassé pour diverses violations du droit interne ivoirien affectant la régularité de l’acte de notoriété en vertu duquel la Cour d’appel a rendu ledit arrêt ;
Mais attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que les causes de la saisie-attribution de créance au paiement desquelles la société ECOBANK a été condamnée par l’arrêt attaqué ont, entre temps, fait l’objet d’accord transactionnel entre la société LOTENY TELECOM au préjudice de laquelle la saisie a été pratiquée et les ayants droit de KOFFI Bergson ; qu’en effet, par deux attestations dûment signées les 14 avril 2003 et 22 février 2005 par les défendeurs au pourvoi, à savoir respectivement Murielle Corinne Christel KOFFI, née le 02 juillet 1974 à Paris, domiciliée à Paris 61/63, Avenue Danielle CASANOVA, 94200 IVRY sur SEINE et Cédric Sahouot KOFFI, né le 08 octobre 1977 à Paris, de nationalité ivoirienne, domicilié à Abidjan – Cocody deux plateaux les vallons, Immeuble Impala, appartement n°90, ceux-ci affirment avoir transigé avec la société LOTENY TELECOM relativement au litige, objet de l’Arrêt n° 1176 rendu le 24 août 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan ; qu’en raison desdits accords transactionnels, Murielle Corinne Christel KOFFI et Cédric Sahouot KOFFI ont respectivement déclaré dans leurs attestations précitées « en conséquence de quoi nous arrêtons toutes procédures d’exécution en vertu desdits arrêts et le cas échéant, nous engageons à radier toutes procédures d’exécution pendante et donnons mainlevée de toutes les saisies pratiquées à ce jour » et « en conséquence de quoi, je renonce expressément et irrévocablement à tous droits et actions liés directement ou indirectement aux décisions susvisées et / ou toutes décisions ultérieures rendues suite à un recours initié contre lesdites décisions et donne par conséquent mainlevée pleine, entière sans réserve à toutes les saisies pratiquées au préjudice de LOTENY TELECOM en vertu desdites décisions » ; que par lettres n° 440/2007/ADM/S1 et 441/2007ADM/S1 du 05 novembre 2007 reçues par les conseils des défendeurs les 06 et 08 novembre 2007, le Greffier en chef de la Cour de céans faisait savoir, qu’au vu des deux attestations individuelles par lesquelles Murielle Corinne Christel KOFFI et Sahouot Cédric KOFFI affirment « avoir transigé avec la Société LOTENY TELECOM relativement au litige, objet de l’Arrêt n° 1176 rendu le 24 août 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan » et renoncent en conséquence « expressément et irrévocablement à tous droits et actions liés directement ou indirectement aux décisions susvisées et/ou à toutes décisions ultérieures rendues suite à un recours initié contre lesdites décisions », la procédure actuellement en cours devant la CCJA est sans objet et aimerait recueillir leurs observations éventuelles sur ce point ; que lesdits conseils des défendeurs précités n’ont donné aucune réponse à ce point précis ; qu’ainsi et au regard de tout ce qui précède, il échet de dire et juger que le pourvoi formé par la société ECOBANK Côte d’Ivoire en vue d’obtenir la cassation de l’Arrêt n° 1047 du 09 août 2002 est devenu sans objet, motif pris des accords transactionnels intervenus entre la société LOTENY TELECOM et les défendeurs ;
Attendu qu’il y a lieu que chaque partie supporte ses propres dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Déclare sans objet le pourvoi formé le 03 août 2004 par ECOBANK-CI SA ;
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier