ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Assemblée plénière

Audience Publique du 25 avril 2014

Pourvoi :  n°072/2010/PC du 17/08/2010

Affaire :   Madame KONE née OUEDRAOGO Azéta

                (Conseil : Maître FARAMA Prosper, Avocat à la Cour)

                              contre

  1. La Banque Internationale pour le Commerce, l’Industrie

    et l’Agriculture du Burkina Faso dite BICIA-B

                   (Conseils : SCPA KARAMBIRI-NIAMBA, Avocats à la Cour)

 

  1. La Société MADOUA Sarl

 

  1. Monsieur OUEDRAOGO Joseph

 

ARRET N° 065/2014 du 25 avril 2014

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue le 25 avril 2014 à Porto-Novo-Bénin où étaient présents :

 

Messieurs     Marcel SEREKOISSE SAMBA,                Président

Abdoulaye Issoufi TOURE,                    Premier Vice-président

Madame      Flora DALMEIDA MELE,                       Second Vice-président

Namuano F. DIAS GOMES,                 Juge

Messieurs    Victoriano OBIANG ABOGO,               Juge, rapporteur

Mamadou DEME                                Juge

Idrissa YAYE,                                  Juge

Djimasna N’DONINGAR,                    Juge

 

et Maître     Paul LENDONGO,                             Greffier en chef,

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le                       n° 072/2010/PC du 17 août 2010 et formé par Maître FARAMA Prospère , Avocat à la Cour, Cité AN III, Avenue de l’Armée, face à l’Agence ONATEL, 01 BP 2962 Ouagadougou 01, agissant au nom et pour le compte de Mme KONE née OUEDRAOGO Azéta, dans la cause l’opposant à la BICIA-B SA au capital social de 5 milliards de F CFA, dont le siège social est au 479, Avenue KWAME N’KRUMAH, Ouagadougou Burkina-Faso, à la Société MADOUA SARL, au capital de 10 000 000 FCFA, Ouagadougou, Burkina-Faso ; et monsieur OUEDRAOGO Joseph, Syndic de la Société MADOUA SARL, expert comptable près les Cours et Tribunaux, demeurant à Ouagadougou 01 BP 1513,en cassation de l’Arrêt n°02/2010 rendu le 13 janvier 2010 par la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

 

En la forme :

Déclare les appels recevables en application des articles 530, 536, 550, 551, 554 du code de procédure civile ;

 

Au fond :

Annule le jugement attaqué  (n° 012/2007 du 20 avril 2007) en ce qu’il a omis de statuer sur la demande d’intérêts légaux de la BICIA-B ainsi que sur les frais exposés et non compris dans les dépens demandés par Mme KONE/OUEDRAOGO Azéta ;

 

Evoquant et statuant à nouveau ;

 

Déclare la BICIA-B recevable a sa demande, en conséquence, condamne Mme KONE/OUEDRAOGO Azéta à lui payer la somme de deux cent quatre vingt dix neuf millions quatre vingt dix huit mille huit cent soixante dix sept (299.098.877) francs CFA en principal, outre  les intérêts à compter du jour de la demande ; fixe à la somme de un million de (1 000 000) FCFA le montant des frais exposés et non compris dans les dépens ;

 

Déboute Mme KONE/OUEDRAOGO Azéta de sa demande de frais exposés et non compris dans les dépens ;

 

Condamne Mme KONE/OUEDRAOGO Azéta  aux dépens » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les cinq moyens de cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Victoriano OBIANG ABOGO ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il  ressort des pièces de la procédure que le 08 novembre 2004, Mme KONE OUEDRAOGO Azéta, gérante de la Société MADOUA signait avec la BICIA-B au profit de ladite  société, deux actes de cautionnement solidaire dont l’un portait sur la somme de deux cent quatre vingt dix millions (29 0000 000) FCFA et l’autre sur la somme de soixante sept millions (67 000 000) FCFA ; que par Jugement n°22 du 12 septembre 2005, la société MADOUA a été admise en redressement judiciaire ; que par acte d’huissier du 02 février 2006, la BICIA-B faisait assigner Madame KONE OUEDRAOGO Azéta par devant le Tribunal de grande instance de Banfora à l’effet de la voir condamner à lui payer la somme de deux cent quatre vingt dix neuf millions quatre vingt dix huit mille huit cent soixante dix sept (299.098.877)  FCFA en principal assortie des intérêts au taux de 12% l’an à compter du 21 septembre 2005, outre celle de vingt millions (20 000 000) FCFA au titre des frais exposés non compris dans le dépens ; que par Jugement n°12/07 du 20 avril 2007, le Tribunal déclarait la BICIA-B recevable en sa demande et condamnait Madame KONE OUEDRAOGO Azéta à lui payer la somme de deux cent quatre vingt dix neuf millions quatre vingt dix huit mille huit cent soixante dix sept (299.098.877) francs CFA au principal, et celle de deux cent cinquante (250.000) francs CFA au titre de frais exposés et non compris dans les dépens, la déboutait de tous les autres chefs de demande et condamnait Madame KONE OUEDRAOGO Azéta aux dépens ; que sur appel de Madame KONE OUEDRAOGO Azéta, la Cour d’appel de Bobo Dioulasso rendait le 13 janvier 2010, l’Arrêt n° 02/2010 dont pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 15-2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés en ce que le débiteur principal, la société MADOUA Sarl,  n’avait pas été mise  en cause ;

 

Mais attendu qu’aux termes de l’article 15-2 de l’Acte uniforme portant organisation de sûretés le créancier ne peut poursuivre la caution simple  ou solidaire  qu’en appelant en cause le  débiteur principal ; qu’il ressort des pièces du dossier que la BICIA-B a signifié au débiteur principal l’acte d’assignation en paiement par lequel elle sollicitait la condamnation de la caution et que, répondant à cette assignation en paiement, la société MADOUA et Monsieur OUEDRAOGO Joseph, syndic, représentant légal de la société MADOUA en redressement judiciaire ont par le biais de leur conseils  la SCPA TOU et SOME, conclu le 05 mai 2006 au bénéfice de l’article 75 l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif  qui interdit ou suspend toutes poursuites contre tout débiteur en redressement judiciaire ; que le moyen doit être rejeté ;

 

Sur le deuxième moyen

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé  l’article 43 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif  par  défaut d’enrôlement de l’exploit introductif d’instance signifié au syndic alors que selon le moyen seul celui-ci peut représenter la société en redressement judiciaire ;

Mais attendu qu’il ne ressort pas de l’énonciation de l’arrêt attaqué que ce moyen ait été invoqué devant le juge d’appel ; qu’il echet de le rejeter ;

 

Sur le troisième moyen

 

Attendu que la requérante fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait une mauvaise interprétation de l’article 91 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif aux motifs qu’il ne ressort nulle part de cette disposition que la suspension des poursuites à l’égard du débiteur principal ne profite pas à la caution ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 91 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « le créancier porteur d’engagements souscrits, endossés ou garantis solidairement par deux ou plusieurs coobligés qui ont cessé leurs paiements, peut produire dans toutes les masses, pour le montant intégral de sa créance et participer aux distributions jusqu’à parfait paiement s’il n’avait reçu aucun paiement partiel avant la cessation des paiements de ses coobligés. » ;

 

Mais attendu que les juges d’appel ont retenu qu’à l’analyse de l’article 91 de l’Acte uniforme précité, le créancier dont la créance est garantie par une ou plusieurs  cautions  peut produire le montant  total  de sa créance dans le redressement judicaire et demander paiement intégral  à la caution et que l’article 91 sus indiqué exclut le principe  de la suspension  des poursuites prévues à l’article 75 de l’Acte uniforme précité ; qu’en outre, ils ont retenu qu’au titre des stipulations contractuelles, le point I du contrat de cautionnement dispose que, « la caution solidaire est tenue de payer à la banque ce que doit et devra le cautionné au cas ou ce dernier ne ferait pas face à ce paiement pour un motif quelconque » ; que le point VI relatif à la mise en jeu de la caution spécifie que, « en cas de défaillance du cautionné pour quelque cause que ce soit, la caution sera tenue de payer à la banque ce que lui doit le cautionné y compris les sommes devenues exigibles par anticipation. » ; que les stipulations contractuelles qui font  la loi des parties, n’ont rien de contraire aux dispositions de l’Acte uniforme sus indiqué et  que la banque peut poursuivre la caution quelque soit la procédure collective ouverte ; qu’en se déterminant comme ils l’ont fait, les juges d’appel n’ont pas fait une mauvaise interprétation de la loi ; que le moyen doit être rejeté ;

 

Sur le quatrième moyen en ses deux branches réunies

 

Attendu que ce moyen en ses  deux branches réunies fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir  violé les articles 4 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés  et 77 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, en condamnant Madame KONE OUEDRAOGO Azéta à payer à la banque les intérêts de droit à compter  du jour  de la demande  sans autre référence au maximum  de son engagement ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 77 de l’Acte uniforme portant   organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « quelle que soit la procédure, la décision d’ouverture arrête, à l’égard de la masse seulement, le cours des intérêts légaux et conventionnels, de tous intérêts et majorations de retard de toutes les créances, qu’elles soient ou non garanties par une sûreté. Toutefois, s’agissant d’intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus, le cours des intérêts se poursuit si la décision a ouvert une procédure de redressement judicaire. » ; que l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés dispose en substance que : « le cautionnement  ne se présume pas, quelle que soit  la nature  de l’obligation garantie ; A peine de nullité,  il doit  être convenu  de façon expresse entre la caution  et le créancier. Le cautionnement doit être constaté  dans un acte  comportant  la signature  des deux  parties  et la mention, écrite de la main  de la caution,  de la somme maximale  garantie , en toutes  lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres ; … » ;

 

Mais attendu qu’en l’espèce, l’article 2 de la convention de compte courant conclu entre les parties le 1er mars 2004 relatif aux intérêts conventionnels stipule que, « jusqu’à la clôture du compte, les intérêts et commissions dus à la banque y seront portés et en deviendront des articles ; Après clôture du compte, les intérêts courront sur solde et sur tous les accessoires, aux derniers taux appliqués lors de la clôture majorés de trois points. Ils seront exigibles à tout instant et si, par suite de retard de paiement, ils sont dus pour une année entière, ils produiront eux-mêmes des intérêts au taux majoré conformément à l’article 1154 du code civil Burkinabé. » ; qu’il résulte de la stipulation conventionnelle que ce moyen ne peut non plus prospérer dans la mesure où la condamnation judiciaire prononcée n’excède pas les montants maximum  pour lesquels la caution s’est engagée ; qu’il échet de le rejeter ;

 

Sur le cinquième moyen

 

Attendu que la requérante reproche  à la Cour  d’appel d’avoir, en dépit de la clarté des clauses  contractuelles, rejeté  la demande d’annulation des actes de cautionnement, sans motifs, se contentant d’affirmer  que la créance de 80.000.000 FCFA est  contestée  et que la preuve  est faite  que le compte de la société  MADOUA a été crédité de ce montant ; qu’il échet de casser l’arrêt pour absence de motivation  et de constater  que les deux actes de caution ont été obtenus suivant  des manœuvres  dolosives et erreur ;

 

Attendu que ce moyen est imprécis, mélangé de fait et de droit ; qu’il échet de le rejeter ;

 

Attendu qu’ayant succombé, Madame  KONE OUEDRAOGO Azéta doit être condamnée aux dépens ;

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement après en avoir délibéré ;

 

Rejette le pourvoi formé par Madame KONE OUEDRAOGO Azéta;

 

La condamne aux dépens.

 

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

 

 

Le Greffier en Chef