ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

Audience publique du 18 avril 2013

Pourvoi n° 019/2006/PC du 3 avril 2006

Affaire : Salématou KOUROUMA

               (Conseil : Maître Thierno Ibrahima BARRY, Avocat à la Cour)

 

                         contre

      La Compagnie Shell de Guinée SA

      (Conseil : Maître Sékou KOUNDIANO, Avocat à la Cour)

ARRET N° 028/2013 du 18 avril 2013

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 18 avril  2013,     où étaient présents :

 

Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE,                                      Président,

Doumssinrinmbaye BAHDJE,                                                  Juge,

Namuano F. DIAS GOMES,                                                     Juge,

Victoriano OBIANG ABOGO,                                                  Juge

Mamadou DEME,                                                                   Juge rapporteur

et   Maitre   BADO Koessy Alfred,       Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 3 avril 2006 sous le n°019/2006/PC et formé par Salématou KOUROUMA, domiciliée au quartier Ratoma, commune de Ratoma, représentée par Lansana KOUROUMA et ayant pour conseil Maître Thierno Ibrahima BARRY, Avocat à la cour, 8e Avenue,  Commune de Kaloum, quartier Kouléwondy, BP 851 Conakry, République de Guinée,  dans la cause qui l’oppose à la Compagnie Shell de Guinée SA, ayant son siège social au quartier  Gbéssia Aéroport, Commune de Matoto, Conakry, République de Guinée, BP 312, ayant pour Conseil Maître Sékou KOUNDIANO, Avocat au Barreau de Guinée, quartier Manquépas, BP 859 Commune de Kaloum, Conakry, République de Guinée ;  en cassation de l’ordonnance n°15/PP/CA/06 du 23 février 2006, rendue par le Premier président par intérim de la Cour d’appel de Conakry, dont le dispositif est ainsi conçu :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé ;

En la forme : recevons Mademoiselle Salématou KOUROUMA  en sa requête ;

Au fond : disons que cette requête n’est pas fondée et maintenons en conséquence

l’ordonnance querellée ;

Condamnons Mademoiselle Salématou KOUROUMA aux dépens » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête en cassation annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, Juge ;

Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que suivant ordonnance sur requête n°12 en date du 10 février 2006, le Premier président par intérim de la Cour d’appel de Conakry a rétracté l’Arrêt n°11 rendu le 27 janvier 2006 par ladite cour; que saisi en rétractation de cette ordonnance, le même juge, statuant en référé, a rendu l’ordonnance frappée de pourvoi ;

 

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l’article 14 al.3 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique

Attendu que le demandeur au pourvoi invoque la violation de l’article 14 al.3 du Traité du 17 octobre 1993, en ce que l’ordonnance entreprise a rejeté sa demande en rétractation de l’ordonnance n°12 du 10 février 2006, alors que celle-ci a rétracté un arrêt d’appel statuant sur des questions relatives à l’application des Actes uniformes, et qu’aux termes du texte visé au moyen, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage «.. est seule compétente à se prononcer sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales » ;

 

Vu les dispositions de l’article 14 al.3 du Traité du 17 octobre 1993 ;

 

Attendu que pour rejeter la demande de rétraction de l’ordonnance n°12 du 10 février 2006, le juge des référés s’est fondé sur les dispositions de l’article 886 du Code de procédure civile, économique et administrative de la République de Guinée (C.P.C.E.A), aux termes desquelles « Le premier président peut, au cours de l’instance d’appel, ordonner toutes mesures urgentes relativement à la sauvegarde des droits d’une partie…lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement » ;

 

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la Cour d’appel avait épuisé sa saisine en rendant l’Arrêt n°11 du 27 janvier 2006 et qu’en vertu des dispositions de l’article 14 al.3 du Traité du 17 octobre 1993, la Cour de céans était la seule juridiction compétente pour se prononcer sur l’arrêt attaqué, le juge des référés a violé le texte visé au moyen ;

 

Quil échet de casser l’ordonnance entreprise ;

 

Sur l’évocation

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure qu’agissant en exécution du Jugement n°15 rendu le 21 décembre 2005 par la Justice de Paix de Kissidougou, Salématou KOUROUMA a fait pratiquer une saisie attribution de créances sur les avoirs de la Compagnie Shell de Guinée SA, domiciliés à la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Guinée (BICIGUI) et à l’Union Internationale de Banque en Guinée (UIBG), à hauteur respective des sommes de 1.500.000.000 FG et 3.987.489.927 FG ; que le juge des référés du Tribunal de première instance de Kaloum-Conakry I, saisi par la Compagnie Shell, a ordonné la mainlevée de cette saisie, suivant Ordonnance n°8 du 16 janvier 2006 ; que par Arrêt n°11 du 27 janvier 2006, la Cour d’appel de Conakry a infirmé cette Ordonnance ; que sur requête de Salématou KOUROUMA, le Premier président par intérim de la Cour d’appel de Conakry a rétracté l’Arrêt susvisé, par Ordonnance n°12 du 10 février 2006;

 

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit à la cassation de l’Ordonnance n°05/PP/CA/06 du 23 février 2006, il échet d’infirmer l’Ordonnance n°12 du 10 février 2006 ;

 

Attendu, cela étant, que Salématou KOUROUMA a formé appel de l’Ordonnance n°8 rendue le 16 janvier 2006 par le juge des référés du Tribunal de première instance de Kaloum, dont le dispositif est ainsi conçu :

« Nous déclarons compétent ;

Déclarons l’exploit d’assignation en date du 13 janvier 2006 valable ;

 

Déclarons recevable l’intervention de l’Agent Judiciaire de l’Etat ;

 

Constatons que la Compagnie Shell SA a régulièrement relevé appel du jugement du 30 novembre 2005 rendu par la Justice de Paix de Kissidougou sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et qu’aucune décision n’a été rendue sur cet appel ;

 

Constatons que le Jugement n°15 du 21 décembre 2005 de la même Justice de Paix n’a pas été signifié à Shell ;

 

En conséquence, déclarons nulle la saisie pratiquée sur les avoirs de la Compagnie Shell entre les mains des établissements bancaires : l’UIBG, la SGBG et la BICIGUI en exécution du Jugement n°15 du 21 décembre 2005 de la Justice de Paix de Kissidougou et suivant PV en date du 12 janvier 2006 de Maître Albert Zogblémou huissier de justice et ordonnons la mainlevée de ladite saisie ;

Disons que cette ordonnance est exécutoire sur minute et avant enregistrement ;

Mettons les frais à la charge de Mlle Salématou KOUROUMA » ;

 

Attendu qu’au soutien de son appel, Salématou KOUROUMA a invoqué, entre autres, l’incompétence du juge des référés du Tribunal de Kaloum ;

 

 Sur l’incompétence du juge des référés 

Attendu que l’appelante a fait valoir que le siège social de la Compagnie Shell est situé à l’Aéroport GBESSIA, dans le ressort judiciaire du Tribunal de première instance de Mafanko et invoqué les dispositions de l’article 169 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, pour soutenir que le juge des référés du Tribunal de première instance de Kaloum est territorialement incompétent pour statuer en la cause ;

 

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 169 susvisé que les contestations  relatives à la saisie-attribution de créances « …sont portées devant la juridiction du domicile du débiteur. Si celui-ci n’a pas de domicile connu, elles sont portées devant la juridiction du domicile ou du lieu où demeure le débiteur » ;

 

Or attendu qu’il n’est pas discuté que le siège social de la Compagnie Shell est situé à l’Aeroport GBESSIA, dans le ressort judiciaire du Tribunal de première instance de Mafanko ;

 

Que pour se déclarer compétent, le  juge des référés du Tribunal de Kaloum s’est fondé sur les dispositions de l’article 159 alinéa 2 du Code de procédure civile, économique et administrative de la République de Guinée, qui ne sont pas applicables en l’espèce, pour avoir été abrogées en la matière par l’article 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Quil échet par suite d’infirmer l’ordonnance entreprise et d’ordonner la continuation des poursuites ;

 

Attendu que la Compagnie Shell qui a succombé doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Ordonnance n°15/PP/CA/06 rendue le 23 février 2006 par le Premier président par intérim de la Cour d’appel de Conakry ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme l’Ordonnance n°12 rendue le 10 février 2006 par le Premier président par intérim de la Cour d’appel de Conakry ;

Infirme l’Ordonnance n°8 rendue le 16 janvier 2006 par le juge des référés du Tribunal de première instance de Kaloum,

Déclare la contestation non fondée ;

Ordonne la continuation des poursuites ;

Condamne la Compagnie Shell de Guinée SA aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier