Le 27 avril 2022, la loi n° 2022/006 régissant le secret bancaire au Cameroun (la « Loi Sur Le Secret Bancaire ») a été promulguée. Cette récente loi a pour objectif principal de moderniser la précédente loi portant sur le secret bancaire datant de 18 ans[1], dont certaines dispositions sont devenues obsolètes. Le texte vise ainsi à revitaliser le secteur bancaire, confronté à l’émergence de nouveaux risques liés notamment à la cybercriminalité, à la criminalité financière, au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Ces risques nécessitaient la mise en place de solutions appropriées et adéquates pour faire face à ces défis en constante évolution.

À titre liminaire, il convient d’appréhender la notion de « secret bancaire ». Au regard des textes régissant spécifiquement cette matière, il est important de constater qu’il s’agit d’un aspect du droit bancaire récemment encadré par le droit positif interne camerounais[2]. En effet, c’est la loi n° 2003/004 du 21 avril 2003 relative au secret bancaire qui posa les bases du régime juridique encadrant cette notion au Cameroun. La Loi Sur Le Secret Bancaire la définit comme étant «l’obligation de confidentialité à laquelle sont tenus les établissements assujettis quant aux actes, faits et informations concernant leurs clients, dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur profession»[3].

L’activité bancaire étant fondamentale dans une économie de marché comme la nôtre, le banquier, dans sa fonction de collecte des dépôts du public, de financement de projets, de gestion de la liquidité, de gestion de risque et d’offre de services financiers divers, a accès à un certain nombre d’informations concernant non seulement l’activité de ses clients, mais aussi leur vie privée, leur situation financière ainsi que leurs rapports avec les tiers. Dans l’exercice de sa profession, le banquier a accès aux comptes de ses clients ; aux opérations qui s’y rapportent[4] ; à leurs identités complètes ainsi que celles de leurs mandataires. Il a également accès aux informations périphériques au compte telles que l’existence de prêts, de sûretés personnelles et de biens meubles ou immeubles pouvant être donnés en garantie. Ces informations sont par nature confidentielles, aussi bien pour protéger la vie privée de la clientèle de la banque que pour la préservation du secret des affaires[5]. Compte tenu de ce qui précède, il était donc crucial pour le législateur camerounais, dans un souci de moralisation de la vie des affaires, d’encadrer le secret bancaire.

La Loi Sur Le Secret Bancaire établit ainsi les règles concernant le secret bancaire pour les établissements assujettis, notamment les établissements de crédit, de microfinance et les prestataires de services de paiement. Cette loi impose une obligation de confidentialité à ces établissements sur les actes, faits et informations concernant leurs clients.

Cette obligation de confidentialité est néanmoins limitée dans certaines situations, notamment envers les autorités judiciaires, fiscales, douanières et les institutions en charge de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. L’objectif est de protéger les informations personnelles des clients, des établissements assujettis tout en permettant aux autorités publiques de lutter contre les activités illégales.

C’est fort de ce qui précède que nous analyserons ci-dessous (1) le champ d’application du secret bancaire et (2) la violation du secret bancaire en tant qu’infraction réprimée par la loi.

1.    CHAMP D’APPLICATION DU SECRET BANCAIRE

Présenter le champ d’application du secret bancaire au sens de la Loi Sur Le Secret Bancaire revient à déterminer dans un premier temps (1.1) les entités assujetties à cette loi ; et ensuite, à présenter (1.2) les cas d’inopposabilité du secret bancaire.

1.1   Les entités assujetties à la Loi Sur Le Secret Bancaire

Il convient de présenter d’une part (1.1.1) les débiteurs de l’obligation de secret bancaire et d’autre part (1.1.2) les créanciers de l’obligation de secret bancaire.

1.1.1    Les débiteurs de l’obligation de secret bancaire

Les personnes débitrices de l’obligation du secret bancaire sont définies à l’article 4 de la Loi Sur Le Secret Bancaire. Il s’agit de toutes les personnes qui, à quelque titre que ce soit, et pour quelque durée ou modalité que ce soit, participent à la direction, à la gestion, au contrôle ou à la liquidation d’un établissement assujetti ou celles employées par celui-ci. À ce premier cercle de débiteurs, s’ajoute un second qui comprend, les personnes qui, sans faire partie du personnel, ont eu connaissance ou accès de manière indue ou autorisée, aux informations d’un établissement assujetti par leur qualité, leurs aptitudes techniques et intellectuelles ou leur fonction.

Traditionnellement, le secret bancaire est présenté comme une obligation imposée aux seuls établissements de crédit. La Loi Sur Le Secret Bancaire étend cette obligation aux différents établissements assujettis : les établissements de microfinance, prestataires de service de paiement[6] et tout autre organisme dûment habilité, en vertu des dispositions des lois et règlements portant réglementation bancaire, à exercer les activités dédiées[7].

Par cette disposition, le législateur entend faire une extension de l’obligation de secret bancaire à différents types d’institutions financières, au-delà des seuls établissements de crédit. Cette extension de l’obligation de secret bancaire vise à renforcer la protection des informations confidentielles des clients de ces différentes institutions et à assurer un niveau équivalent de confidentialité pour l’ensemble du secteur financier. Notons que l’obligation de confidentialité est valable même après la cessation d’activités des débiteurs de cette obligation.

Concernant le second cercle de débiteurs, une incertitude se pose à l’égard des employés n’exerçant pas une activité bancaire à l’instar des agents d’entretien de la banque, agents de sécurité etc.

S’il ne fait pas de doute que ceux-ci sont tenus à une obligation contractuelle de discrétion dont la violation est réprimée civilement et disciplinairement, la solution est moins claire concernant leur éventuelle obligation de respecter le secret professionnel du banquier. Selon nous, ils ne sont pas soumis à cette obligation, et ce pour plusieurs raisons.

D’une part, et nous le verrons plus loin, l’information doit, pour pouvoir être qualifiée de confidentielle, avoir été communiquée au banquier ou découverte par ce dernier à l’occasion de son activité professionnelle. Cette condition écarte donc de l’obligation au secret les employés n’effectuant aucune opération réellement bancaire. D’autre part, et surtout, le secret bancaire ne s’impose qu’aux personnes dont l’activité nécessite, pour être correctement exercée, des révélations de la part de la clientèle : avocats, médecins, pharmaciens, commissaires aux comptes, etc.[8] On parle ainsi de « confidents nécessaires ». Or, ne relèvent pas de cette catégorie les professionnels susmentionnés.

1.1.2    Les créanciers de l’obligation de secret bancaire

Le secret bancaire vise à protéger le client contre la divulgation d’informations confidentielles. Il protège également l’ensemble des personnes à propos desquelles le banquier a, en raison de ses relations avec son client, des informations confidentielles : c’est par exemple le mandataire chargé de faire fonctionner le compte du client, le garant de ses obligations ou le bénéficiaire d’un chèque. Fondé sur le respect de la vie privée, le secret bancaire est une simple protection du client – plus généralement des personnes concernées par les informations confidentielles – de sorte que celles-ci peuvent y renoncer : elles peuvent lever le secret et donc autoriser le banquier à communiquer lesdites informations. À défaut d’une telle autorisation, le secret bancaire s’oppose à toute communication ; il est, dit-on, opposable aux tiers. L’opposabilité du secret bancaire au tiers commande ainsi à tout débiteur de cette obligation de confidentialité d’opposer une fin de non-recevoir aux demandes provenant de tiers portant sur une information de nature confidentielle[9].

La Loi Sur Le Secret Bancaire ne précise pas explicitement qui est le créancier de cette obligation de confidentialité, c’est-à-dire qui dispose du droit à ce que les informations de nature confidentielle qui le visent demeurent secrètes. Traditionnellement, la doctrine limite cette protection au bénéfice des clients de l’établissement de crédit concerné[10]. De notre analyse, cette approche demeure restrictive. En effet, le banquier est amené à détenir et à traiter de nombreux renseignements, données et informations relatives aux tiers dans le cadre de ses activités. Dès lors, tant les clients de la banque que les personnes non liées contractuellement avec cette dernière doivent pouvoir bénéficier de la protection du secret bancaire.

S’agissant particulièrement de sa relation avec les tiers, nous avons précisé plus haut que le banquier est amené, dans l’exercice de son activité, à recueillir des informations sur des personnes avec lesquelles il n’entretient pas de rapport contractuel. Or, rien n’empêche de leur accorder la protection du secret bancaire. Les tiers ont d’ailleurs tout autant besoin de discrétion que la clientèle des établissements de crédit. À titre d’exemple, un client peut confier à son banquier qu’il opère un virement important pour venir en aide à un ami (non-client de la même banque) dont les finances de la société sont au plus mal. Il est évident qu’une telle information à propos des affaires de ce tiers pourrait être exploitée par des concurrents si elle était dévoilée. Il convient donc de la garder secrète. Le cercle des personnes protégées doit par conséquent être étendu au-delà des partenaires contractuels de la banque.

Ayant déterminé les personnes assujetties à la Loi Sur Le Secret Bancaire, il convient de s’appesantir sur les cas d’inopposabilité du secret bancaire.

1.2  L’inopposabilité du secret bancaire

On entend par inopposabilité du secret bancaire, l’inefficience du secret bancaire à l’égard des tiers et permettant à ces tiers d’en ignorer les effets. Cette notion se fonde alors par le souci pour le législateur de protéger l’intérêt général (1.2.1) et l’intérêt des particuliers (1.2.2).

1.2.1    L’inopposabilité fondée sur la protection de l’intérêt général

Dans l’intérêt général, l’inopposabilité au secret bancaire se fonde entre autres sur l’impératif de surveillance et de contrôle de l’activité bancaire par les autorités et organismes publics. Les établissements assujettis sont ainsi traditionnellement tenus de fournir à toute réquisition de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), les renseignements, justifications et documents jugés utiles pour l’examen de leur situation, l’appréciation de leurs risques ; le secret bancaire ne peut donc lui être opposé. Bien plus, le secret bancaire ne peut être opposé aux agents assermentés du Trésor Public, à l’Autorité Monétaire (Ministère des Finances), au Comité National Économique et Financier (CNEF)[11], à la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), et à la Commission de Surveillance des Marchés financiers (COSUMAF)[12] agissant dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions[13].

Le secret bancaire n’est pas opposable à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale[14]. Par ailleurs, les impératifs de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme imposent une obligation de déclaration de toute opération que le banquier juge suspecte. En clair, la déclaration de suspicion oblige le banquier à signaler aux autorités compétentes toute opération effectuée par un client et sur laquelle pèse une simple présomption d’irrégularité ou de suspicion. Notons également que le secret bancaire ne peut être levé en matière civile, commerciale ou sociale que dans les cas prévus par les dispositions législatives et réglementaires régissant ces matières[15].

En outre, le secret bancaire est inopposable à l’administration fiscale[16] agissant dans le cadre d’une procédure de communication écrite telle que prévue par le Code Général des Impôts. Ils disposent en vertu de la loi, d’un droit de communication des fichiers des comptes tenus par les banquiers. Ces fichiers sont appelés « FICOBA ». Le même droit est reconnu aux fonctionnaires de l’administration des douanes qui disposent de pouvoirs plus étendus en vertu desquels, munis de leur commission d’emploi, ils peuvent procéder à la saisie des documents de toute nature, notamment les pièces comptables, les copies de lettres, les carnets de chèques et tout autre élément propre à faciliter l’accomplissement de leur mission[17].

Enfin, le secret bancaire ne peut être opposé à d’autres entités publiques telles que les Institutions Supérieures de Contrôle des Finances Publiques ; il est inopposable aux agents de poursuite de l’organisme national chargé de la prévoyance sociale (CNPS) agissant dans le cadre du recouvrement des cotisations dues par les employeurs, aux institutions en charge de la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, agissant dans le cadre des opérations relevant de leurs compétences et à l’institution publique en charge du recouvrement des créances, agissant dans le cadre des activités relevant de sa compétence.

Les cas d’inopposabilité du secret bancaire se fondant sur la protection de l’intérêt général ayant été déterminés, qu’en est-il de ceux ayant pour cause la protection des intérêts particuliers ?

1.2.2    L’inopposabilité fondée sur la protection des intérêts des particuliers

Dans le souci de protéger les intérêts des particuliers, des limitations sont apportées au secret bancaire. À ce titre, le secret bancaire est inopposable aux personnes ayant un pouvoir de représentation octroyé par la loi ou par une convention. Ainsi, il est inopposable au mandataire d’un client ayant reçu le pouvoir de faire les opérations sur un ou plusieurs comptes tenus par un établissement assujetti. Toutefois, le secret bancaire n’est levé que dans la limite du mandat. Il est également inopposable au conjoint muni des pouvoirs de représentation légale ou contractuelle,  au tuteur d’un mineur ou d’un majeur incapable et au curateur d’un majeur protégé[18].

En outre, le secret bancaire peut être levé dans plusieurs cas de figure en lien avec la continuité du patrimoine du de cujus, notamment devant les successeurs universels des clients des établissements assujettis, aux héritiers, aux ayants droit, aux exécuteurs testamentaires, aux liquidateurs et administrateurs de la succession. Bien plus, le secret bancaire peut être levé par l’établissement assujetti sur les biens faisant l’objet des droits réels de l’usufruitier, le nu-propriétaire et le créancier gagiste, en vertu de leurs droits relatifs à l’usage, à la jouissance, à la surveillance et à la réalisation éventuelle du gage. Ajoutons qu’il est inopposable aux titulaires d’un compte joint, au tiers dont le client de l’établissement a stipulé en sa faveur dans une opération, ainsi qu’à la caution dans le cadre de son information sur la défaillance du débiteur principal et sur le montant dû par ce dernier, en principal, intérêt et autres accessoires[19].

Enfin, en matière de sociétés, le secret bancaire est inopposable aux organes légaux de gestion ou de contrôle d’une société, notamment aux commissaires aux comptes. Ceux-ci ont droit aux informations nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Aussi, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation de biens, toutes les personnes ou tous les organes régulièrement habilités et intervenant dans le cadre de ces procédures peuvent se faire délivrer par l’établissement assujetti, tout document utile à l’accomplissement de leur mission[20].

A la lecture des points évoqués ci-dessus, la question qu’il serait légitime de se poser présentement est celle de savoir quelles seraient les conséquences de la violation du secret bancaire.

2.    LA VIOLATION DU SECRET BANCAIRE : INFRACTION RÉPRIMÉE PAR LA LOI

La violation du secret bancaire est une infraction réprimée par la loi. De ce fait, il convient dans un premier temps de faire ressortir (2.1) les éléments constitutifs de la violation du secret bancaire, avant de présenter (2.2) la répression de la violation du secret bancaire.

2.1  Éléments constitutifs de la violation du secret bancaire

On entend par éléments constitutifs d’une infraction, les conditions nécessaires pour qu’un comportement puisse être qualifié d’infraction pénale. La Loi Sur Le Secret Bancaire en ce sens prévoit des comportements des personnes débitrices de l’obligation de secret bancaire qui constitueraient une violation du secret bancaire[21] et d’autres qui ne sauraient être punissables[22]. Par conséquent, il est nécessaire de s’attarder dans un premier temps sur (2.1.1) les faits punissables, avant de présenter (2.1.2) les comportements tolérés.

2.1.1    Faits punissables (présentation des éléments matériels répréhensibles, ainsi que la place de l’élément moral dans la constitution de l’infraction)

La violation du secret bancaire constitue une infraction relevant du droit pénal des affaires. Étant entendu que le droit pénal des affaires est l’ensemble des règles de droit concernant les infractions susceptibles d’intervenir dans la vie des affaires. Les infractions relevant de cette matière sont traditionnellement consacrées par le Code pénal. Néanmoins la plupart des infractions y relatives restent à ce jour disséminées dans divers textes dont la Loi Sur Le Secret Bancaire. Ainsi, pour qu’une infraction soit constituée en droit pénal des affaires, il faut nécessairement la réunion d’un élément moral et d’un élément matériel.

Concernant l’élément moral, l’article 74 alinéa 2 du Code pénal camerounais dispose :

« Est pénalement responsable celui qui volontairement commet les faits caractérisant les éléments constitutifs d’une infraction avec l’intention que ces faits aient pour conséquence la réalisation de l’infraction».

Le législateur met par cette disposition, un accent sur l’intention qui conduit à la commission de l’infraction. La preuve d’une intention coupable apparaît ainsi comme un principe pour la constitution de toute infraction.

Quant à l’élément matériel, les infractions du droit pénal des affaires sont, soit des infractions de commission, soit des infractions d’omission. Ainsi pour la violation du secret bancaire, les faits seront tels que décrit ci-après :

  • Les faits punissables

Parmi les faits punissables, nous pouvons citer ceux liés à : la divulgation et à la communication, par quelque moyen que ce soit, des faits et informations sur les opérations bancaires, de microfinance ou de paiement, connus dans l’exercice de leurs fonctions par les employés, les administrateurs, les organes dirigeants ou de contrôle d’un établissement assujetti ; ou encore à la révélation, la divulgation, la communication par quelque moyen que ce soit par les tiers, des renseignements reçus ou obtenus d’un établissement assujetti par les tiers, des renseignements reçus ou obtenus d’un établissement assujetti.

D’autres faits punissables tiennent de l’exploitation à des fins personnelles, ainsi que la communication à des tiers par un établissement assujetti ou par son personnel des faits, études, projets et autres informations à lui confiées par un client ou un membre.

  • Les faits assimilés à la violation du secret bancaire

Le législateur consacre principalement comme fait pouvant constituer une violation du secret professionnel :

le fait de procéder, même par imprudence, à un traitement automatisé d’informations bancaires nominatives sans prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité des procédures et de nature à entraîner des dénaturations, dommages ou communications à des tiers ; le fait d’accéder ou de se maintenir frauduleusement dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé des données d’un établissement assujetti ; enfin, le fait d’introduire frauduleusement des données dans un système de traitement automatisé des données d’un établissement assujetti ou de supprimer, de modifier frauduleusement les données qu’il contient.

2.1.2    Comportements tolérés

Les comportements tolérés sont des actes susceptibles de violation du secret bancaire, mais qui par le concours de circonstances, des créanciers de l’obligation du secret bancaire ou encore des autorités nationales et sous-régionales, échappent à la répression de la loi. Il s’agit notamment de :

  • La communication, par quelque moyen que ce soit, d’informations à caractère général, notamment tout renseignement qu’il est d’usage de fournir à des tiers, clients, membres ou non de l’établissement assujetti ;
  • La communication, par quelque moyen que ce soit, d’informations ou de renseignements sur autorisation du client ou membre, de ses héritiers ou ayants-droit ;
  • L’échange d’informations à caractère confidentiel entre établissements assujettis dans l’exercice de leur profession ;
  • La communication par les institutions assujetties, sur réquisition, demande ou par obligation réglementaire, des informations bancaires au procureur de la république, à l’autorité monétaire, aux organes de supervision et à toutes autres entités auxquelles le secret bancaire ne peut être opposé ;
  • La déclaration faite à l’agence nationale d’investigation financière d’opérations ou informations portant sur des sommes d’argents qu’ils soupçonnent provenir notamment du trafic de stupéfiants, de l’activité d’organisations criminelles, du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, et toutes les autres infractions sous-jacentes ;
  • La déclaration faite lors d’une procédure judiciaire ou celle faite devant un officier de police judiciaire agissant sur réquisition du procureur de la république ou sur commission rogatoire du juge d’instruction par les dirigeants d’un établissement assujetti ;
  • Le fait pour un établissement assujetti de laisser examiner ses livres et bases de données sur injonction du tribunal, dans les conditions définies par l’acte uniforme de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) relatif au droit commercial général ;
  • La communication, par quelque moyen que ce soit, d’informations à l’administration fiscale dans le cadre du droit de communication tel que prévu par le Code Général des Impôts et les conventions internationales conclues par le Cameroun en matière fiscale ;
  • La communication, par quelque moyen que ce soit, à l’administration douanière dans le cadre du droit de communication tel que prévu par le Code des douanes de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), ainsi que les conventions et accords internationaux conclus par le Cameroun en matière douanière.

2.2  Répression

En cas de manquement au secret bancaire, le législateur a prévu des sanctions pénales à cet effet. L’action en justice peut être à l’initiative du Ministère Public, de l’Autorité monétaire en l’occurrence le Ministère des Finances et enfin à l’initiative de la victime[23]. Les sanctions de la violation du secret bancaire sont de deux ordres. Ainsi, le législateur consacre dans la loi (2.2.1) les peines principales et (2.2.2) les peines accessoires.

2.2.1    Les peines principales

La Loi Sur Le Secret Bancaire punit d’un emprisonnement allant de trois (03) mois à trois (03) ans et à une amende d’un million (1 000 000) à cinquante millions (50 000 000) de Francs CFA ou de l’une de ces deux peines toute personne qui se rend coupable de violation du secret bancaire[24].

Ces peines sont doublées lorsque les infractions sont commises par voie de presse écrite, de radio, de télévision par voie de communication électronique ou par tout autre moyen destiné à atteindre le public.

Si l’infraction est commise par une personne morale, celle-ci ne peut qu’être condamnée à une amende dont le montant ne peut excéder le quintuple des montants initialement prévus tels que cités ci-dessus.

2.2.2    Les peines accessoires

Le tribunal peut prononcer à l’encontre des personnes qui ont violé le secret bancaire, des peines accessoires en plus des peines principales susmentionnées.

Lorsque le secret bancaire a été violé par une personne physique, celle-ci est susceptible de se voir interdire l’exercice d’une fonction ou d’une activité dans un établissement assujetti. La décision prononcée sera publiée et diffusée par voie des médias[25].

Lorsque c’est une personne morale qui est en cause, celle-ci peut se voir prononcer à son encontre comme peines accessoires : la publication de la décision prononcée et sa diffusion par voie de médias. Le tribunal peut également ordonner la fermeture pour une durée déterminée de l’établissement ou des succursales qui ont participé à la commission des faits sanctionnés[26].

Auteurs :

Aurélie Chazai, Avocate aux Barreaux du Cameroun et de Paris, Managing Partner du Cabinet Chazai Wamba.

Paul Ariel Kombou, Avocat aux Barreaux du Cameroun et du Nigeria, Senior Associate au sein du Cabinet Chazai Wamba.

Kevin Donald Njock, Junior Associate au sein du Cabinet Chazai Wamba.

Thierry Henri Ngombono, Junior Associate au sein du Cabinet Chazai Wamba.

[1] Pour rappel, la Loi Sur Le Secret Bancaire en son article 29 abroge les dispositions de la précédente loi n° 2003/004 du 21 avril 2003 relative au secret bancaire.

[2] Pour rappel, l’article 42 de l’annexe 2 de la convention portant harmonisation de la réglementation bancaire dans les États de l’Afrique Centrale dispose : « tout membre du Conseil d’Administration ou du Conseil de Surveillance d’un établissement de crédit, toute personne qui à un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un tel établissement ou est employée par celui-ci, est tenu au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à cet égard par le Code pénal de l’État d’implantation. ». Par cette disposition, le législateur CEMAC laisse aux États membres, le soin de régir en profondeur le secret bancaire.

[3] Article 3, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[4] Nous pouvons citer à titre illustratif : le numéro de compte, les écritures en débit ou en crédit qu’il contient, son solde, etc.

[5] Richard ROUTIER, Obligations et responsabilités du banquier, Dalloz, 4e édition, 2017, P.644.

[6] A titre de rappel, le Règlement n° 04/18/CEMAC/UMAC/COBAC du 21 décembre 2018 insistait déjà à travers ses articles 46 et 64 sur le devoir de confidentialité du prestataire de service de paiement à l’égard des données de ses clients.

[7] Article 1-5, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[8] Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE, Le secret bancaire, approches nationale et internationale, REVUE BANQUE Édition-18, rue La Fayette, 75009-www.revue-banque.fr-2013 Diffusé par les Éditions d’Organisation – 1, rue Thénard – Paris, 2014, P. 25.

[9] Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE, op. Cit., P. 38.

[10] Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE, op. Cit., P. 29.

[11] Il s’agit d’une extension opérée par cette nouvelle loi. En effet, au-delà des bénéficiaires classiques (COBAC, BEAC, Trésor Public), la Loi Sur Le Secret Bancaire intègre désormais les CNEF et les institutions en charge de la lutte contre la corruption agissant dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

[12] Article 13, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[13] Article 12, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[14] Article 8, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[15] Article 8-2, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[16] Article 10, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[17] Article 11, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[18] Articles 17 à 20, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[19] Articles 21 à 24, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[20] Articles 25 & 26, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[21] Article 5, Loi sur le secret bancaire.

[22] Article 6, Loi sur le secret bancaire.

[23] Article 28, Loi Sur Le Secret Bancaire.

[24] Article 27 (1) de la Loi Sur Le Secret Bancaire.

[25] Article 27 (4) (a), Loi Sur Le Secret Bancaire.

[26] Article 27 (4) (b), Loi Sur Le Secret Bancaire.