Le 11 juillet 2018, le Président de la République du Cameroun a promulgué la loi n°2018/011 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun (le « Code »). De l’avis du Ministre des Finances, ce Code « traduit la détermination du gouvernement à poursuivre la modernisation du système budgétaire […] et à s’arrimer aux standard internationaux en la matière »[1].

C’est en application de la Directive de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) n°06/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 relative au Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques (la « Directive ») que les instances nationales camerounaises ont procédé, conformément aux exigences formulées par les Traités révisés de la CEMAC[2] et de la Convention régissant l’Union Economique de l’Afrique Centrale (UEAC)[3], à l’adoption du Code. Il aura fallu exactement six (6) ans et sept (7) mois à l’Etat du Cameroun pour emboîter le pas au Gabon[4], au Tchad[5] et au Congo Brazzaville[6], dans la transposition de la Directive au sein de son ordre juridique interne.

Rédigé en cinquante-neuf (59) articles enfermés dans dix (10) chapitres, le nouveau bourgeon du dispositif juridique dont le style emprunte beaucoup à l’économie générale de la Directive se donne pour objectif de « définir les principes et les règles que l’Etat doit respecter dans sa législation et ses pratiques, aussi bien en matière de gestion des fonds publics, qu’en ce qui concerne les financements octroyés par les institutions internationales ou les Etats étrangers »[7].

Sa vision innovante de la gouvernance des finances publiques lui permet ainsi de poser l’intégrité, la compétence et la performance, comme critères de choix du personnel managérial au chapitre IX du Code. Est nettement rappelée l’obligation de déclaration des biens et avoir, qui incombe à tous les détenteurs de l’autorité publique, élus, membres du gouvernement et hauts fonctionnaires, en début et en fin de mandat ou de fonction[8]. L’on peut interroger la pertinence de ce énième rappel du législateur eu égard au fait qu’initialement prévue dans la loi n°003/2006 du 25 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs, l’obligation de déclaration des biens et avoir est à la recherche de son introuvable décret d’application.

Au rang des avancées louables, figurent en bonne place l’obligation de compétence technique, la détention d’aptitudes professionnelles et de sérieuses garanties déontologiques qui conditionnent la nomination ou l’affectation à un poste comportant des responsabilités financières[9].

De la lecture de l’économie générale du Code, il ressort que dans une approche pédagogique originale, le législateur a entendu consacrer les moyens de la transparence (1) et fixer les méthodes de contrôle (2) de son effectivité

1. LES MOYENS DE LA TRANSPARENCE

Le Code fixe un certain nombre de moyens permettant d’assurer la transparence et la bonne gouvernance des finances publiques. Au rang de ceux-ci figurent l’information du public (1.1) et l’encadrement de l’activité de l’administration (1.2).

1.1 L’information du public

L’information du public suppose satisfaites les conditions de clarté et l’intelligibilité des textes (1.1.1), ainsi que celle de l’accessibilité au public (1.1.2).

1.1.1 L’exigence de clarté et d’intelligibilité des textes

La clarté et l’intelligibilité sont des qualités que doivent revêtir les textes, qu’ils soient législatifs, réglementaires ou contractuels. Il est demandé au législateur, à l’occasion du travail de codification, de privilégier la rédaction dans un langage clair et accessible à l’Homme raisonnable.

L’écriture des stipulations contractuelles entre l’administration et les entreprises publiques ou privées, notamment les entreprises d’exploitation de ressources naturelles et celles exploitant des concessions de services publics, se doit d’être claire[10].

Le Code porte une singulière attention aux textes relatifs à la fiscalité, qui doivent être « facilement lisibles, accessibles et intelligibles pour le contribuable »[11]. Cette focalisation sur les dispositions fiscales se justifie par la place fondamentale de la fiscalité dans le financement des ressources publiques et le foisonnant contentieux sur l’interprétation des dispositions contenues dans les textes fiscaux. On décèle dans cela l’intention du législateur de canaliser la prééminence de la doctrine administrative dans la compréhension et l’application de la loi fiscale, dont l’intervention de plus en plus fréquente n’est pas à l’abri de toute critique.

En effet, la reconnaissance au Ministre des Finances et au Directeur Général des Impôts, d’un pouvoir d’interprétation qui s’apparente davantage à un véritable pouvoir réglementaire n’a pas été accompagnée de garde-fous ; c’est de la sorte qu’a été ouverte la brèche d’une hypothétique interprétation débridée des dispositions fiscales. L’application rigoureuse du principe de l’opposabilité à l’administration de la doctrine fiscale favorable au contribuable a généré une situation anormale dans laquelle, « les circulaires ou les instructions ministérielles, notamment, l’emportent sur les dispositions législatives ou réglementaires et que le juge administratif est tenu d’appliquer ces circulaires et instructions même – et même surtout – si elles ajoutent à la loi ou si elles la contredisent »[12], permettant ainsi aux contribuables de « se prévaloir d’une interprétation illégale »[13] de la loi fiscale dès lors qu’elle a été admise antérieurement et formellement par l’administration et que le contribuable était de bonne foi.

En s’imposant cette rigueur légistique dans la formalisation et l’adoption des textes relatifs à la fiscalité, le législateur a posé les jalons d’une fiscalité plus accessible et mieux lisible qui doit, comme plusieurs autres textes, être rendue publique.

1.1.2 La publicité des informations

Si l’on considère l’information comme le pouvoir, c’est bien en raison de l’impact décisif qu’elle a sur la prise de décision. Il n’est plus contesté aujourd’hui que l’accès à celle-ci conditionne la participation éclairée des citoyens à la vie publique, à telle enseigne que certains Etats en ont fait un « droit quasi constitutionnel »[14]. Pour la Cour Suprême du Canada par exemple, « la loi en matière d’accès à l’information a donc pour objet général de favoriser la démocratie, ce qu’elle fait de deux manières connexes. Elle aide à garantir, en premier lieu, que les citoyens possèdent l’information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique, et, en second lieu, que les politiciens et démocrates demeurent comptables envers l’ensemble de la population »[15].

Constitutionnalisée dans le Préambule de la loi fondamentale camerounaise, le principe de l’information du public est désormais un levier de la gouvernance des ressources publiques au Cameroun. L’obligation d’information est érigée en impératif en matière de fiscalité, dans le cadre de l’accès à l’aide publique, au niveau des marchés de la commande publique et en matière d’endettement public.

S’agissant de la fiscalité, et ses évolutions, « une information large, régulière et approfondie »[16] doit être produite au bénéfice de l’ensemble des contribuables. Cette information suppose que les contribuables aient accès à la loi fiscale et à la doctrine administrative. Or, cette liberté d’accès n’est pas une sinécure, dans un contexte où la parution du Journal Officiel se raréfie depuis bientôt vingt-cinq (25) ans.

L’aide publique à laquelle le Code fait référence s’entend des aides, subventions et transferts au bénéfice de toute personne privée. Les règles et critères auxquels elle s’attache pour l’attribution de celle-ci doivent être rendus publics[17]. La préoccupation majeure à laquelle répond cette nouvelle exigence est le respect du principe constitutionnel de l’égalité des citoyens et de non-discrimination[18], gravé dans la Constitution et réaffirmé par la jurisprudence[19].

Le mérite de cette disposition législative est d’autoriser dorénavant les administrés victimes de discrimination dans l’attribution de l’aide publique, à saisir le juge administratif d’un recours fondé sur la rupture d’égalité des citoyens, afin d’obtenir réparation.

La véritable révolution se situe au niveau de l’incursion de l’obligation d’information dans les processus de négociation, de conclusion ou d’attribution des contrats d’envergure entre l’Etat et les entreprises publiques ou privées, notamment celles exploitant les ressources naturelles et les concessions de services publics.

Pendant longtemps, la gestion des circuits de conclusion, d’exécution des contrats publics et la gouvernance des recettes produites a été frappée d’ésotérisme[20]. Cette opacité a favorisé le développement d’une gestion calamiteuse de la rente pétrolière, minière et gazière, laquelle a impacté négativement les perspectives de croissance de la plupart des Etats au sud du Sahara dont le Cameroun, rendant hypothétique le développement durable. Désormais, l’Etat est tenu de rendre publics les contrats qu’il conclut avec ses partenaires publics et privés, notamment avec les secteurs de l’exploitation des ressources naturelles[21], des concessions de services publics. Cette obligation de publicité et de transparence dépasse le cadre de l’attribution du contrat pour en innerver le contenu, dont les clauses doivent être accessibles à tous.

Rappelons qu’au Cameroun, l’économie des contrats public d’envergure n’est divulguée ni au Parlement, ni au public, que l’on se situe antérieurement ou postérieurement à leur signature. Pourtant, ces contrats contiennent des clauses susceptibles d’impacter les intérêts des citoyens, en ceci qu’elles « portent sur un ensemble de questions, allant des clauses fiscales déterminant la part de la richesse issue des ressources naturelles qui restera dans le pays, jusqu’à celles touchant aux mesures environnementales qui devront être prises dans le cadre d’un projet »[22]. Le cas de la convention conclue le 17 septembre 2009 entre SG Sustainable Oils Cameroon PLC (SGSOC) et le gouvernement camerounais pour la mise sur pied d’une grande plantation industrielle de palmiers à huile et d’une raffinerie de 73.086 hectares de terres dans les départements du Ndian et du Koupe-Manengouba au sud-ouest du Cameroun par un bail foncier de 99 ans est l’exemple le plus représentatif des conséquences de l’opacité contractuelle[23].

La publication du contenu des conventions portant sur des ressources naturelles constitue indéniablement un outil important pour la conduite des fonctions de suivi et permet de s’assurer que la législation est respectée, que les avantages tirés par le pays sont maximisés, et que les communautés concernées aient l’assurance que le gouvernement agit dans l’intérêt supérieur du pays.

Cette nouvelle obligation se trouve être en harmonie avec la loi n°2016/017 du 14 décembre 2016[24] portant Code minier qui, imbibée de la philosophie des principes issus de la norme ITIE[25], encourageait déjà les acteurs de la chaîne de valeur des ressources naturelles à plus de transparence et de responsabilité afin de permettre que les richesses générées bénéficient à tous les citoyens.

L’endettement de l’Etat n’échappe pas à l’obligation de publicité. L’information exigée porte alors sur « le niveau et la composition de son endettement, interne comme externe, de ses actifs financiers et de ses principales obligations financières, notamment les droits acquis concernant les retraites de la fonction publique, les garanties accordées aux entités publiques comme privées et les avoirs en ressources naturelles »[26]. L’impact de la santé financière de l’Etat sur le train de vie des citoyens justifie largement que ceux qui incarnent l’administration soit astreint à l’obligation de rendre publics ces éléments, afin de susciter le débat public et rendre possible la détection des signaux d’éventuelles mesures d’austérité à l’horizon.

Néanmoins, l’on ne saurait occulter l’importante lacune que recèle le mécanisme de la communication au public. Le Code s’est en effet gardé d’élaborer les formes et d’indiquer le canal de cette publication du contenu des contrats. Un texte réglementaire d’application permettrait de rattraper ce manquement.

L’administration chargée d’exécuter ces obligations doit elle-même être encadrée.

1.2 L’encadrement de l’activité de l’administration

Le respect de la légalité (1.2.1) et la discipline budgétaire (1.2.2), en même temps qu’ils contribuent à la performance et à l’efficacité de l’activité de l’administration, assurent son déploiement mois opaque.

1.2.1 La soumission au principe de légalité

Le principe de légalité administrative est consubstantiel à l’Etat de droit. Il postule la soumission de l’administration active au droit, en tant qu’elle est sujet de droit au même titre que les personnes de droit privé, physiques ou morales. Cet assujettissement au respect du droit embrasse son activité normative et contractuelle.

S’agissant de l’activité contractuelle, le Code[27] recommande que l’octroi des concessions et de tout droit d’utilisation ou d’exploitation d’actifs publics, ainsi que les partenariats publics-privés s’appuie sur des bases juridiques formelles et explicites. Le rappeler expressément n’est pas vain. Le contrat fut-il de droit public, est un acte juridique et comme tel, il est soumis au respect des normes juridiques. Tout comme les contrats de droit privé, il ne peut déroger aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs.

De prime abord, l’on peut assimiler cette disposition à un élément de pure forme pourtant, il est des conventions entre l’Etat et des entités qui dérogent aux dispositions légales et réglementaires. La question s’est alors posée de savoir s’il était possible pour l’Etat d’écarter l’application des règles qu’il a édicté en tant que législateur, dans la structuration de ses relations contractuelles : c’est la problématique des clauses de stabilisation qui participent, selon Pierre Mayer, à la « neutralisation du pouvoir normatif de l’Etat »[28] par le recours à la technique contractuelle.

Dans son déploiement contractuel, l’Etat doit demeurer dans les sentiers de la légalité. C’est elle qui permet de désigner et d’habiliter les personnes compétentes pour l’engager, de fixer le régime juridique applicable à la convention, et surtout de le protéger par les immunités dont il est bénéficiaire.

Relativement à son activité normative, elle est également soumise au respect de la légalité. Il est écrit dans le Code que « les relations entre l’administration publique et les entreprises publiques ou d’autres entités publiques sont régies par des dispositions claires et accessibles au public »[29]. La protection des droits des administrés est davantage garantie lorsqu’un cadre juridique clair et précis est précisé et connu de tous. Du côté des citoyens, ils ont la connaissance certaine des droits dont ils peuvent se prévoir et de celui de l’administration, le consensus est trouvé sur les obligations qui lui incombent et les limites à l’exercice de son autorité.

1.2.2 L’instauration de la discipline budgétaire

Par discipline budgétaire il faut entendre l’ensemble coordonné des procédures, étapes et règles que doivent suivre et respecter les autorités dans l’élaboration, la présentation et l’exécution du budget de l’Etat. Le Code construit, à l’attention de l’exécutif et des parlementaires, une sorte de manuel de procédure à respecter. La discipline est exigée à deux étapes : celle précédant l’adoption du budget et celle de son exécution.

Pendant l’étape de la préparation du budget, le législateur requiert le respect non seulement un scrupuleux d’une ligne chronologique au cours son élaboration, mais également que soient explicitées et justifiées les grandes options économiques.

Le cadre d’élaboration du budget est fixé par un « calendrier annuel qui prévoit notamment, dans un délai raisonnable précédant le dépôt des projets de loi de finances, la publication par le gouvernement d’un rapport sur ses hypothèses économiques, ses grandes orientations et priorités budgétaires sur le moyen terme, ainsi que ses principaux choix fiscaux et les principaux risques budgétaires pour l’année à venir »[30] accessible au public. Ce document de procédure permet ainsi aux parlementaires, médias, partis politiques et membres de la société civile, de n’être pas pris au dépourvu relativement aux délais. Le mérite de cette prévisibilité est d’améliorer qualitativement le débat sur l’élaboration du budget.

Outre l’information sur le calendrier de la procédure d’élaboration du budget que le Code introduit, on relève l’obligation pour l’exécutif d’expliciter et de justifier les hypothèses économiques retenues dans le cadre global des politiques macroéconomiques, budgétaires et financières[31]. Le souci d’efficacité a justifié que soit imposé le contradictoire. Le Code précise que « ces hypothèses sont, le cas échéant, comparées avec les autres projections disponibles établies par des sources compétentes et indépendantes différentes de celles du Gouvernement »[32]. C’est là une invitation du gouvernement à diversifier les sources produisant les données qui lui permettent de se déterminer au plan budgétaire, l’enjeu pour la collectivité étant l’amélioration qualitative du travail budgétaire

Le budget élaboré dans le respect des principes de réalité et de sincérité[33], en conformité avec les règles et pratiques internationalement reconnus en matière de statistiques de finances publiques[34], doit être exécuté avec rigueur.

C’est dans ce sens que le Code[35] a posé l’exigence de la budgétisation préalable des dépenses. Il dispose qu’aucune dépense ne peut être engagée et payée si, d’une part elle n’est pas préalablement définie dans un texte législatif ou réglementaires régulièrement publié et, d’autre part, autorisé par une loi de finances. L’objectif de cette exigence est de réduire à leur plus simple expression des dépenses hors budget, qui contribuent à entraver l’équilibre budgétaire global. Elle respect les deux premières fonctions du budget que sont la fonction d’autorisation et la fonction d’affectation ou de redistribution. En effet, tout argent dépensé par le trésor public doit être soumis à autorisation législative. Bien plus, les autorités d’exécution doivent être à même de comparer et d’arbitrer tous les changements dans les dépenses et les recettes[36].

Cette exigence de programmation de la dépense matérialise la volonté de l’Etat de se poser en partenaire fiable, au moment où les adjudicataires de marchés publics exprimaient déjà la frustration résultant des impayés après l’exécution des marchés publics, justifiée par l’argument de l’indisponibilité des fonds. En cela, le Code entérine les dispositions[37] du décret N°2018/366 du 20 juin 2018 portant Code des marchés publics, qui astreignent les maîtres d’ouvrages et maîtres d’ouvrages délégués à l’obligation « (…) de s’assurer de la disponibilité du financement (…) d’attester, selon le cas, de l’inscription budgétaire, de l’effectivité de l’autorisation de dépense, de l’entrée en vigueur de l’accord de financement ».

La performance est attendue de l’administration qui est tenue de rendre publique « une comparaison des résultats et des objectifs, tant financiers que physiques, des principaux programmes budgétaires représentatifs des politiques publiques »[38].

2. Le contrôle de la transparence

Conscient du défi que représente la mise en œuvre des mesures édictées et considérant la capacité de résistance au changement des acteurs, il apparaissait nécessaire d’en assurer le contrôle. Avant que d’y arriver la déterminante question préalable de la répartition des compétences doit être évacuée.

Afin de conjurer définitivement la cacophonie résultant du conflit de compétences respectives entre les acteurs étatiques, le Code[39] renforce la séparation entre l’exécutif et le législatif en réaffirmant la nécessité de définir clairement les compétences et responsabilités respectives entre les pouvoirs exécutifs et législatif, en matière de conduite de la politique budgétaire, des choix de dépenses et de recettes, ainsi qu’en matière d’exécution et de contrôle budgétaire.

A l’intérieur de l’exécutif, le Ministère des Finances se positionne comme le tendon d’Achille de tout le système de gestion des finances publiques puisqu’à en croire l’article 10 du Code, aucun financement de dépenses publiques par un partenaire extérieur ne peut être mis en place sans qu’il ne soit préalablement informé.

Quant à lui, le contrôle de la transparence dans la gouvernance des finances publiques est assuré en amont (2.1) et en aval (2.2) de l’adoption du budget de l’Etat.

2.1 Les contrôle ex-ante

L’analyse de la technique de contrôle (2.1.2) présuppose l’identification des organes de contrôle (2.1.1).

2.1.1 Le fondement du contrôle et l’identification de son organe

Le Code identifie nommément le Parlement comme organe chargé du contrôle de l’action gouvernementale, sans pour autant préciser le fondement de cette prérogative. Il importe donc de s’y atteler à titre liminaire

Le contrôle parlementaire de l’action budgétaire repose sur un double fondement. Le premier, de nature constitutionnelle, dispose que « le Parlement contrôle l’action gouvernementale par voie des questions orales ou écrites et par la constitution des commissions d’enquêtes sur des objets déterminés »[40]. Sous réserve des impératifs de la défense nationale, de la sécurité de l’Etat ou du secret de l’information judiciaire, le gouvernement est tenu de fournir des renseignements au Parlement, à titre prioritaire lors de chaque session ordinaire. Le second fondement gît dans la loi n°73/1 du 08 juin 1973, modifiée par la loi n° 2014/016 du 09 septembre 2014 portant règlement intérieur de l’Assemblée Nationale[41].

La référence faite au Parlement permet d’englober tant l’Assemblée Nationale que le Sénat. A la Chambre basse, cette mission est principalement dévolue à la Commission des Finances et du Budget[42]. Elle se déploie après avoir désigné, à l’ouverture de la première session ordinaire de l’année législative, un rapporteur général pour les recettes et plusieurs rapporteurs spéciaux chargés des dépenses publiques et du contrôle de l’usage des fonds publics[43].

L’examen du projet de loi de finances est effectué en deux (2) temps. La première partie de ce projet de loi est discutée et votée article par article. La deuxième partie de la loi de finances ne peut être discutée par le Parlement qu’après l’adoption de la première partie. Le vote des dépenses s’effectue par chapitre, après examen en deux (02) temps : l’ensemble de programmes d’une part, les moyens détaillés par section et par paragraphe, d’autre part[44].

Le rôle résiduel du Sénat ne justifie pas que l’on s’y attarde. Il faut désormais considérer la technique au service du contrôle.

2.1.2 La technique de contrôle

L’efficacité du contrôle parlementaire dépend de la qualité de l’information dont ces derniers disposent. Afin d’assurer l’efficience de ce contrôle, le Code consacre au bénéfice des parlementaires « un droit d’information et de communication sans réserve et sur tous les aspects relatifs à la gestion des deniers publics ». La lecture de la lettre du texte incline à penser qu’aucune restriction ne peut être imposée aux parlementaires au cours des délibérations annuelles sur le projet de budget et son exécution pourtant. La Constitution[45] reconnaît à l’exécutif le droit d’opposer aux parlementaires l’impératif de la défense nationale, de la sécurité de l’Etat et le secret de l’information judiciaire.

Au vrai, il ne s’agit pas d’un problème insoluble, mais d’une propension récurrente du législateur camerounais à se contredire dans ses multiples textes. Le respect de la hiérarchie des normes plaide pour une mise en hibernation de l’approche extensive du droit d’information des parlementaires prônée par le Code, au profit de celle plus circonspecte de la loi fondamentale.

Pour l’exercice de leur contrôle, les parlementaires peuvent individuellement poser aux membres du gouvernement des questions orales ou écrites relatives aux affaires relevant de leur compétence[46]. La question posée est préalablement transmise au Président de l’Assemblée Nationale qui se charge alors de les faire tenir au membre du gouvernement interpellé. Ce dernier est obligé de répondre dans un délai général de quinze (15) jours[47].

Le débat éclairé sur les dispositions budgétaires recèle d’indéniables mérites. Il contribue à une plus grande responsabilisation de l’exécutif. Conscient de ce qu’il aura à faire face à des parlementaires consciencieux, le gouvernement améliorera la qualité du budget en n’y faisant apparaître que les dépenses nécessaires et les projections de ressources sérieuses. C’est là un pertinent levier de performance des finances publiques.

L’adoption du budget ne l’immunise pas contre d’éventuels contrôles postérieurs.

2.2 Le contrôle ex-post

Ne se suffisant pas à lui-même, le contrôle précédant l’adoption du budget est complété d’un contrôle à postériori, lequel est exercé par des organes précis (2.2.1) au moyen d’une technique dont les linéaments sont élaborés (2.2.2).

2.2.1 L’identification des organes de contrôle

Il faut se référer aux dispositions[48] du Code pour reconnaître les organes en charge de ce contrôle ex-post. Il dispose que « les finances publiques et les politiques qu’elles soutiennent sont soumises au contrôle de la juridiction des comptes ».

Au Cameroun, la juridiction administrative comprend les Tribunaux régionaux des comptes organisés par la loi N°2006/017 du 29 décembre 2006 et une Chambre des Comptes de la Cour Suprême encadrée par la loi N°2006/016 du 27 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême complétée par la loi N°2017/014 du 12 juillet 2017. Tandis que les Tribunaux régionaux des comptes sont compétents pour « contrôler et statuer sur les comptes publics des collectivités territoriales décentralisées (…) »[49], la Chambre des Comptes des comptes de la Cour Suprême a pleine compétence pour contrôler et juger les comptes de l’Etat et des entreprises publiques et parapubliques et statuer souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures des comptes.

Il faut noter pour le regretter, l’absence effective des Tribunaux régionaux des comptes dans le paysage institutionnel judiciaire. Cet état de fait n’est pas de nature à rendre possible l’exercice de cette mission de contrôle.

Quid de la technique au service de ce contrôle ?

2.2.2 La technique de contrôle

Le Code s’illustre par son laconisme sur la technique mobilisable dans le cadre du contrôle, préférant renvoyer à l’exécutif et au législatif le soin de fixer le programme ainsi que les méthodes de travail de la juridiction des comptes[50]. Il s’est en réalité contenté d’assigner aux juridictions des comptes la mission de produite un rapport à destination du public, du Président de la République, du Parlement et du gouvernement.

Il faut se référer aux lois de formes qui règlent la procédure devant ces juridictions. Devant les Tribunaux régionaux, obligation est faite aux comptables publics patents de déposer leurs comptes au Tribunal en vue de leur jugement, dans les trois (3) mois suivant la clôture de l’exercice . Un juge rapporteur est alors désigné par le Président de la section concernée afin de procéder à l’examen des comptes et à la vérification de l’existence de la valeur probante des pièces justificatives prévues par la réglementaire[51].

Le Tribunal statue définitivement par examen des observations présentées par le rapporteur et au vu des conclusions du ministère public. Il tâche de certifier la ligne de compte s’il n’y a pas d’observations. Le régime juridique en cas contraire est celui prévu par la loi de forme.

Une fois contrôlés, les comptes définitifs et accompagnés des rapports de contrôle serviront de référence pour la vérification du respect des autorisations budgétaires, ainsi que l’évolution du patrimoine des administrations publiques[52].

Le Code intervient pour fixer le cadre de l’élaboration, de la présentation et de l’exécution du budget à travers :

  • L’encouragement des gouvernants à donner davantage d’informations pertinentes aux citoyens en vue de susciter et d’améliorer le débat public ;
  • L’option pour une rédaction des textes dans un langage intelligible et clair ;
  • La soumission de l’administration au respect de la loi donc son déploiement contractuel et normatif ;
  • La précision des organes et procédures de contrôle de l’activité budgétaire ;

Il se positionne assurément comme un tremplin pour la performance des finances publiques. On peut cependant regretter le fait que l’implémentation de la plupart des exigences légitimes qu’il forge demeure suspendue à une série d’autres mesures à intervenir à une échéance incertaine.

Auteurs :

Aurélie CHAZAI, Avocate aux Barreaux du Cameroun et de Paris, managing partner du Cabinet Chazai Wamba.

Aurélien Patrick DJOUFAIN TOGUEU, Juriste.

  1. Communique à l’issue du Conseil de cabinet du jeudi 26 juillet 2018.

  2. Article 41 alinéa 3

  3. Article 49 alinéa 2 : « Ces réglementations peuvent prendre la forme de règlements, de règlements cadres ou de directives. Dans ces deux derniers cas, les Etats membres complètent leurs dispositions et prennent les actes d’application nécessaires, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ».

  4. Loi n°021/2014 du 30 janvier 2015 relative à la transparence et à la bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques.

  5. Loi n° 018/PR/2016 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques.

  6. Loi n°10-2017 du 09 mars 2017 portant Code relatif à la transparence et à la responsabilité dans la gestion des finances publiques.

  7. Article 1er alinéa 2

  8. Article 51.

  9. Article 55 alinéa 2

  10. Article 6

  11. Article 2 alinéa 2

  12. Raymond Odent, Contentieux administratif, Tome I, Dalloz, 2007, p. 266.

  13. Félix Ateck A Djam, Droit du contentieux fiscal camerounais, l’Harmattan, Paris, p. 54.

  14. Suzanne Legault, Accès à l’information : renforcer la démocratie participative,

    https://fr.suzannelegault.ca/2016/11/30/acces-a-linformation-renforcer-la-democratie-participative/

    [Site consulté le 30/11/2018 à 15 H 04]

  15. CSC, Dagg c. Canada (ministre des Finances) [1997] 2 R.C.S. 403, 433 ; Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers ’Association, 2010 CSC 23.

  16. Article 2 alinéa 3

  17. Art. 3 alinéa 2

  18. Art. 5 alinéa 1

  19. CE 30 novembre 1923, Couitéas, Rec. 789 ; en ce qui concerne un acte réglementaire légal : CE, Sect., 22 février 1963, Commune de Gavarnie, Rec. 113 ; en ce qui concerne une loi : CE, Ass., 14 janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette », Rec. 25 ; en ce qui concerne une convention internationale : CE, Ass., 30 mars 1966, Compagnie générale d’énergie radioélectrique, Rec. 257

  20. Voir au sujet des ressources pétrolière : Michel Kounou, Pétrole et pauvreté au Sud du Sahara, CLE, Paris, 2006 ; Sanou Mbaye, « Comment l’Afrique pâtit de la malédiction du pétrole », in Le Monde, Paris, 24 septembre 2004 ; Anne-Claire Poirson, « Où est passé l’argent du pétrole tchadien ? », in Le Monde Diplomatique, septembre 2005 ; Gharbi Samir, « Mauritanie : Pétrole contre Pauvreté », in Jeune Afrique, Paris, 12 juin 2005 ; Isaac TAMBA, Jean Claude TCHATCHOUANG et Raymond DOU’A (dir.), L’Afrique centrale, le paradoxe de la richesse : industries extractives, gouvernance et développement social dans les pays de la CEMAC, PUA, Yaoundé, 2007.

  21. Article 6 du Code.

  22. Revenue Watch Institute, Briefing parlementaire sur la transparence et le suivi des contrats, décembre 2013.

  23. L’on a relevé de nombreuses irrégularités dans la procédure d’octroi de la concession, de réalisation de l’étude d’impact environnemental et recensé des clauses léonines dans la convention de concession. Au rang de celles-ci, on peut faire cas de la clause 22.2 qui confère à la convention une place supérieure à la Constitution en cas de conflit d’interprétation d’une clause contractuelle, de l’exonération du paiement d’impôts et de droits de douane sur une durée de dix (10) ans, de la restriction des prérogatives souveraines de l’Etat sur la concession (lire utilement la convention de concession sur http://cameroonveritas.files.wordpress.com/2011/08/sgsoc-convention1.pdf ).

  24. L’article 144 du Code Minier dispose que « les actes qui consacrent l’attribution, la prolongation, le renouvellement, le transfert, l’amodiation, le retrait ou la renonciation à un permis d’exploitation doivent faire l’objet d’une publication au Journal Officiel et dans les journaux d’annonces légales ».

  25. L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) est une organisation internationale qui œuvre pour la bonne gestion des recettes issues des industries extractives. Elle s’est dotée d’une norme mondiale permettant de formaliser et d’évaluer les actions menées à cet effet, dans le cadre de Comités nationaux réunissant des représentants du gouvernement, des entreprises extractives et de la société civile.

  26. Article 23 du Code

  27. Article 7

  28. Pierre Mayer, « La neutralisation du pouvoir normatif de l’Etat en matière de contrats d’Etat » in Le journal du Droit International, N°5, janvier, février, mars 1986.

  29. Article 8

  30. Article 14

  31. Article 20 al. 2

  32. Article 20 al. 3

  33. Article 25

  34. Article 22

  35. Article 3 alinéa 1

  36. Dirk-Jan Kraan, « Dépenses hors budget et dépenses fiscales », Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, Vol. 4, n°1, p. 143.

  37. Article 60 du décret

  38. Article 31

  39. Articles 12 et 15

  40. Article 35 alinéa 1 de la Constitution

  41. Article 86 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale (RI)

  42. Article 21 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale (RI)

  43. Article 23 al. 3 du RI

  44. Article 60 al. 2 du RI

  45. Article 35 alinéa 2 de la Constitution

  46. Article 75 du RI

  47. Article 77 du RI

  48. Article 42 du Code

  49. Article 9 de la loi n°2006/017 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux des comptes.

  50. Article 42 du Code

  51. Article 18 de la loi °2006/017 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux des comptes.

  52. Article 44