ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

 Deuxième chambre

Audience publique du 22 mars 2012

Pourvoi : n°033/2009/ PC du 03 avril 2009

Affaire : Société THALES SECURITY SYSTEMS

                  (Conseils : Cabinet  F.D.K.A, Avocats à la Cour)                                                                                                       

                                   Contre

               Monsieur Olivier KATTIE

                       (Conseils :  Maître MOUSSA DIAWARA

SCPA “ LEX WAYS“, Avocats à la Cour)

ARRET N°034/2012 du 22 mars 2012

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 mars 2012 où étaient présents :

Messieurs : Maïnassara MAIDAGI,                                 Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                Juge

Madame      Flora DALMEIDA MELE,                     Juge, rapporteur

 

et Maître ASSIEHUE Acka,                        Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 avril 2009 sous le n°033/2009/ PC et formé par le Cabinet  F.D.K.A, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan y demeurant, boulevard Carde, Avenue du Docteur Jamot, Immeuble les Harmonies, 01 BP 2297 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société THALES SECURITY SYSTEMS, aux requête, poursuites et diligences de son Président, Monsieur Alain Delecroix, Directeur de sociétés, dans la cause l’opposant à Monsieur KATTIE Olivier, ayant pour conseils Maître MOUSSA DIAWARA, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire, Cocody-Riviera-Golf (MAFIT) Immeuble goyave, 08 BP 99 Abidjan 08 et la SCPA “LEX WAYS“ sise à Cocody II Plateaux, derrière l’ENA, 25 BP 1592 Abidjan 25,

 

en cassation de l’Arrêt n°10/CIV5/A rendu le 08 janvier 2008 par la Cour d’appel d’Abidjan  et dont le dispositif est le suivant :

 

«PAR CES MOTIFS

Déclare la Société THALES recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n°472 rendue le 05 avril 2007 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

AU FOND

L’y dit partiellement fondée ;

 

Infirme l’ordonnance querellée en ce qu’il a déclaré l’action de la Société THALES irrecevable ;

 

Statuant à nouveau ;

 

Déclare la société THALES recevable en son action ;

 

L’y dit cependant mal fondée ;

 

La déboute en sa demande en main levée de la saisie attribution de créance ;

 

La condamne aux dépens ;… » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi  les deux moyens de cassation  tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que Maître KATTIE Olivier, huissier de justice,  a été requis par la société Thalès Security Systems pour recouvrer la somme de vingt quatre milliards (24 000 000 000) de francs CFA auprès de l’Etat de Côte d’Ivoire qui a été condamné au paiement de ladite somme  aux sociétés Thalès Security Systems, Cifisi et Idmatics-CI à la suite  de deux sentences arbitrales en date des 16 janvier  et 18 juin  2004  et a, par exploit du 14 octobre 2005, déposé à  l’Etat de Côte d’Ivoire un procès- verbal de remise de lettre contenant sommation de payer ; qu’il réclamait au titre des frais d’actes la somme de 547 500 FCFA que la société Idmatics lui versa à la demande de la société Thalès Security Systems ; que sur le fondement de  l’article 85 du Décret n°75-51 du 29 janvier 1975 portant tarification des émoluments des huissiers de justice, Maître KATTIE Olivier saisissait, aux fins de paiement de ses émoluments,  le juge taxateur près le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau par une  requête du 30 octobre 2006  lequel, par Ordonnance de taxe n°4162/2006 du 31 octobre 2006, condamnait  la société Thalès Security Systems à lui payer la somme de 283 221 889 FCFA ; que par exploit du 02 novembre 2006, il  signifiait à parquet  cette ordonnance à  la société Thalès Security Systems et obtenait, le 21 novembre 2006, un certificat de non opposition ;  que par exploit  du 22 novembre 2006, il faisait pratiquer, entre les mains de l’Etat  de Côte d’Ivoire, une saisie  attribution de créances au préjudice de la société Thalès Security Systems qu’il dénonçait, le même jour, au parquet et à l’adresse du siège social de la société Idmatics ; que par une deuxième requête du 29 novembre 2006, le juge taxateur condamnait par Ordonnance n°4569/2006 du 1er décembre 2006, la société Thalès Security Systems à payer à Maître Olivier KATTIE, la somme de 2 548 778 111 FCFA ; que par exploits d’huissier des 26 janvier et 27 février 2007, la société Thalès Security Systems formait opposition contre les ordonnances de taxe sus indiquées ; qu’après la jonction des deux procédures, le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau  déclarait, par  Jugement n°662  du 12 mars 2009, la société Thalès Security Systems bien fondée en son opposition et annulait les  ordonnances de taxe ;  que par exploit du 09 mars 2007 la société Thalès Security Systems  introduisait une action en contestation de   saisie auprès du   Président  du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau qui, par Ordonnance n°472 du 05 avril 2007, déclarait  irrecevable l’ action en contestation pour être introduite hors délai ;  que sur appel de la société Thalès Security Systems, la Cour d’appel d’Abidjan rendait, le  08 janvier 2008, l’Arrêt n°10/CIV5/A dont pourvoi ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi

Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 04 mars 2009,  Monsieur Olivier KATTIE  soulève  au principal,  l’irrecevabilité du  pourvoi pour violation, d’une part, de l’article  23 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage aux motifs qu’en l’absence de mandat spécial de représentation,  le pourvoi a été formé sans ministère d’Avocat alors que le ministère d’Avocat est obligatoire et la personne se prévalant de cette qualité doit en apporter la preuve à la Cour et produire un mandat spécial de la partie qu’elle représente et, d’autre part, de l’article  28, alinéa 1er du même Règlement  en ce que le recours en cassation  formé le 03 avril 2009 par la société THALES qui  n’a donné mandat de représentation au cabinet FDKA  que le 08 avril  2009,  n’a  pas été présenté par des Avocats justifiant  d’un mandat du requérant  alors que le recours doit être présenté au greffe par l’Avocat du requérant ; que le défendeur au pourvoi conclut  aussi  à l’irrecevabilité du pourvoi pour inobservation de l’article 28, alinéa 1er, b) du Règlement précité  en ce que la requête en cassation de la société THALES  ne signale  pas  l’Etat de Côte d’Ivoire comme   partie à la procédure  alors  que le recours en cassation doit indiquer les noms et domicile des autres parties à la procédure devant la juridiction nationale et  de leur  avocat ; qu’enfin l’irrecevabilité du pourvoi est tirée du non respect  de  l’article 28, alinéa 4 du  Règlement sus indiqué en ce que seule la première page des  statuts produits par la société THALES est certifiée conforme sans précision de l’autorité qui l’a certifiée  et qu’aucune page n’est ni paraphée ni signée alors, selon  l’article suscité, que le requérant,  personne morale de droit privé,  doit  joindre à sa requête ses statuts ou un extrait récent du registre de commerce ou toute autre preuve de son existence juridique ainsi que la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet ;

Mais attendu que  les articles ci-après du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dont  est tirée l’irrecevabilité du pourvoi disposent : article 23: « le ministère d’avocat est obligatoire devant la Cour… Il appartient à toute personne se prévalant  de cette qualité d’en apporter la preuve à la Cour. Elle devra en outre produire un mandat spécial de la partie qu’elle représente. » ; article 28, alinéa 1er : « Lorsque la Cour est saisie par l’une des parties à l’instance par la voie du recours en cassation prévu au troisième ou quatrième alinéa de l’article 14 du Traité, le recours est présenté au greffe dans les deux mois  de la signification de la décision attaquée par l’avocat du requérant dans les conditions fixées à l’article 23 ci-dessus… » ; article 28 alinéa 1er b) : « le recours contient  les noms et domiciles des autres parties à la procédure devant la juridiction nationale et de leur  Avocat » et article 28, alinéa 4: « Si le requérant est une personne morale de droit privé, il  joint à sa requête :

 

  • ses statuts ou un extrait récent du registre de commerce, ou toute autre preuve de son existence juridique ;

 

  • la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet. » ;

 

Que le pourvoi de la société THALES est signé de Maître Mahoua  Fadika Delafosse, associé du Cabinet FDKA auprès duquel la société Thalès, qui a donné mandat spécial à celui-ci, a élu domicile ;  que le mandat spécial de représentation   donné au cabinet FDKA  le 08 avril  2009,  soit  cinq jours après le dépôt de la requête en cassation  par la société Thalès,  ne fait  pas aucunement obstacle à la recevabilité du recours qui ne s’apprécie pas au jour du dépôt dudit recours puisque l’article 28.5 dudit Règlement permet au Greffier en chef d’inviter le requérant, comme il en a été dans la présente procédure par lettre n°344/2009/G2 du 14 mai 2009, à  régulariser son  recours dans un  délai raisonnable  au cas où le recours n’est  pas conforme aux conditions fixées par les textes ; que par ailleurs, l’Arrêt n°10/CIV5/A du 08 janvier 2008 s’est contenté de mentionner l’Etat de Côte d’Ivoire uniquement au niveau des qualités sans  en référer dans les motifs et dispositif  et n’a tiré aucune conséquence relativement à la décision à l’égard de l’Etat de Côte d’Ivoire, lequel ne peut en conséquence être considéré comme partie à la procédure ;  qu’enfin, l’article 28, alinéa 4 sus énoncé, ne prescrit aucune exigence sur la présentation des statuts et  le mandat spécial donné au Cabinet FDKA est régulier pour être signé de Monsieur Alain Delecroix, Président, désigné à cet effet par l’actionnaire unique ;  qu’en définitive, l’irrecevabilité du pourvoi  tirée de la violation des dispositions des articles 23, 28 alinéa 1er , 28 alinéa 1er  b) et 28, alinéa 4 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne peut être accueillie ; qu’il y a lieu de déclarer en conséquence recevable le pourvoi ;

 

Sur le premier  moyen

Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir  violé  l’article 157, alinéa 2. 5) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution  en ce qu’il a considéré que le procès-verbal de saisie-attribution des créances du 22 novembre 2006 a reproduit  textuellement les dispositions des articles 38, 156, 169 à 172 en mentionnant  au titre de l’article 170 de l’Acte uniforme susindiqué que, « A peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées devant le Président du Tribunal  de Première Instance  d’Abidjan-Plateau, par voie d’assignation dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. », dénaturant ainsi l’article alors, selon le moyen, que reproduit  littéralement, ledit article  met en évidence le groupe de mots  “juridiction compétente“ et est ainsi  libellé : « A peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées devant la juridiction compétente, par voie d’assignation dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. » ;

Mais attendu que l’expression “juridiction compétente“ résulte de  la volonté du législateur communautaire, lequel est  composé de tous les Etats membres de l’OHADA dotés chacun d’une organisation judiciaire différente les unes des autres, et n’est qu’une périphrase  qui renvoie à  la juridiction nationale ayant compétence d’attribution ; qu’en l’espèce, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau est, en application  de l’article 170 de l’Acte uniforme précité, la juridiction compétente  pour connaître les contestations  éventuelles que le débiteur peut soulever  à la suite d’une saisie ; qu’en conséquence, en retenant que les dispositions des articles 38, 156,169,170 et 172 ont été reproduites textuellement,  la Cour d’appel  n’a en rien violé les dispositions sus mentionnées ; qu’il convient de rejeter le moyen ;

 

Sur le second  moyen

Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir  violé  l’article 160, alinéa 2-2) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que l’exploit  de dénonciation délivré le 22 novembre 2006 retient, contrairement aux prescriptions de  l’article 169 de l’Acte uniforme susvisé, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan comme juridiction compétente pour connaître des contestations alors, selon le moyen, que la juridiction habilitée à connaître les contestations, au sens de l’article 169 de l’Acte uniforme précité, est celle du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, en l’occurrence à son siège social situé à Meudon La Forêt dans le ressort  du Tribunal de grande instance de Nanterre ;

Mais attendu que les articles 160, alinéa 2-2) et 169 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution disposent  respectivement que : « cet acte contient, à peine de nullité : … la désignation de la  juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées. » et, « les contestations sont portées devant la juridiction du domicile ou du lieu où demeure le débiteur. Si celui-ci n’a pas de domicile connu, elles sont portées devant la juridiction du domicile ou du lieu où demeure le tiers saisi. » ; qu’en mentionnant  le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan  qui est le ressort territorial du lieu où demeure le tiers  saisi comme juridiction compétente pour connaître les contestations, l’exploit de dénonciation délivré le 22 novembre 2006 est conforme aux exigences de l’article 169 in fine de l’Acte uniforme susvisé au sens duquel  la contestation est portée devant la juridiction du domicile ou du lieu où demeure le tiers saisi  si le débiteur n’a pas de domicile connu dans l’Etat où est pratiqué la saisie ; qu’il résulte de ce qui précède que la saisie pratiquée en Côte d’Ivoire sous l’égide des Actes uniformes  au préjudice de la société Thalès Systems Security, débitrice, domiciliée en France, ne peut  nullement être  contestée devant les juridictions françaises ; qu’en conséquence, le moyen doit être rejeté ;

Attendu qu’ayant succombé, la société Thalès Security Systems sera condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

En la forme

Déclare recevable le pourvoi formé le 03 avril 2009 par la  société Thalès Security Systems contre l’Arrêt n°10/CIV5/A du 08 janvier 2008 de la Cour d’appel d’Abidjan ;

 

Au fond

Le rejette ;

Condamne la  société Thalès Security Systems aux dépens.

Ainsi fait,  jugé  et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

 Le Greffier