ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première chambre

Audience publique du 12 novembre 2009

Pourvoi : n°101/2004/PC du 20 septembre 2004

Affaire : Union des Assurances du TOGO dite UAT

                    (Conseil : Maître YAWOVI AGBOYIBO, Avocat à la Cour)

                                       contre

       Négoce, Transit, Affrètement, Divers dit NETADI

     anciennement dénommé « Négoce Tâcheronnage Divers »

         (Conseil : MAWUVI A. MOUKE,  Avocat à la Cour)

ARRET N°044/2009 du 12 novembre 2009

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du      12 novembre 2009 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                   Président

Maïnassara MAIDAGI,              Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK,                  Juge

 

et Maître ASSIEHUE Acka Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 20 septembre 2004 sous le n°101/2004/PC et formé par Maître YAWOVI AGBOYIBO, Avocat à la Cour, 64, Avenue du 24 janvier, BP 06 Lomé (TOGO), agissant au nom et pour le compte de l’Union des Assurances du TOGO (UAT), société anonyme de droit togolais dont le siège est sis à Lomé, 163, Boulevard du 13 janvier, dans la cause l’opposant à Négoce Transit, Affrètement, Divers dit NETADI anciennement dénommé « Négoce, Tâcheronnage Divers », société à responsabilité limitée de droit togolais dont le siège est sis à Lomé, face Hôtel Mercure Sarakawa, ayant pour conseil Maître Mawuvi MOUKE, Avocat à la Cour, domicilié au 36, Rue n°74 d’Assoli, BP 61611 Lomé (TOGO), en cassation de l’Arrêt n°111/04 rendu le 29 juin 2004 par la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en appel,

En la forme

Reçoit l’appel ;

Au fond

Confirme l’Ordonnance n°162/04 du 30 mars 2004 en toutes ses dispositions ;

Ordonne à la BIA-TOGO de se libérer de la somme de 67.649.346 F CFA objet du cantonnement du 17 février 2004 entre les mains de la Société NETADI sous astreinte de 1.000.000 F par jour de résistance à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne l’UAT aux entiers dépens. » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 29 juin 1995, un entrepôt de la société NETADI loué par la Société Industrielle du Coton dite SICOT et assuré en risques locatifs à l’Union des Assurances du TOGO dite UAT fut endommagé suite aux avaries survenues au coton grain qui y était stocké du fait d’un incendie ; qu’en réparation du préjudice subi par NETADI, la Cour d’appel de Lomé, confirmant le Jugement n°857/97 rendu le 02 septembre 1997 par le Tribunal de première instance de première classe de Lomé, avait, par Arrêt n°07 du 20 mars 1999, condamné la SICOT à payer à la société NETADI diverses sommes d’argent s’élevant au total à 109.985.831 F CFA et déclaré l’Union des Assurances du TOGO tenue de garantir lesdites condamnations ; que sur pourvoi en cassation formé par la SICOT, la Cour Suprême du TOGO, par Arrêt n°03 du 20 mars 2003, cassait et annulait par voie de retranchement l’arrêt déféré seulement en ce qu’il avait dit que les intérêts courront du jour de l’assignation ; qu’alors que la procédure susindiquée était pendante devant la Cour Suprême du TOGO, SICOT et UAT était parvenues, le 15 juin 2001, à un accord transactionnel aux termes duquel UAT acceptait de verser à SICOT la somme de 3.600.000.000 F CFA toutes causes de réclamation et demande confondues à la suite d’une action intentée par  SICOT contre UAT par assignation en date du 09 mai 2001 ; qu’estimant que le procès-verbal de cette transaction intervenue entre l’UAT et la SICOT ne lui était pas opposable, la société NETADI avait, en vertu des Arrêts n°07 du 25 mars 1999 de la Cour d’appel de Lomé et n°03 du 20 mars 2003 de la Cour Suprême du TOGO, fait pratiquer des saisies-attribution sur les avoirs de la SICOT et de l’Union des Assurances du TOGO (UAT) auprès des institutions bancaires de la place de Lomé ; qu’après paiement de la somme de 53.452.143 francs par la SICOT, laquelle déclarait du reste que le reliquat de la condamnation augmenté des frais, soit au total 54.000.000 francs CFA, serait réglé par l’UAT conformément à leur transaction, la société NETADI avait fait mainlevée des différentes saisies-attribution ; qu’ayant vainement attendu ce paiement, la société NETADI avait, à nouveau, fait pratiquer de nouvelles saisies-attribution des créances sur les comptes de l’UAT et de la SICOT, suivant procès-verbal du 08 juillet 2003 ; que sur contestation de l’UAT,  au cours d’une instance à laquelle la SICOT est intervenue, le Président du Tribunal de première instance de première classe de Lomé avait, par Ordonnance n°424/03 du 12 août 2003, ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes de l’UAT au motif que seule la SICOT était tenue au paiement de l’intégralité des condamnations ; que sur appel des sociétés NETADI et SICOT, la Cour d’appel de Lomé avait, par  Arrêt n°244/03 rendu le 17 décembre 2003, infirmé l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, avait dit que l’UAT et la SICOT sont conjointement et solidairement tenues au paiement de la somme de 54.000.000 francs CFA, puis ordonné aux tiers saisis de libérer les fonds au profit de la société NETADI ; que UAT ayant obtenu un sursis à exécution de l’Arrêt n°244/03 du 17 décembre 2003 par Ordonnance n°28 du 07 avril 2004 du Président de la Cour Suprême du TOGO, la société NETADI avait alors fait pratiquer de nouvelles saisies-attribution sur les comptes de l’UAT en vertu de l’Arrêt n°07 du 25 mars 1999 de la Cour d’appel de Lomé et de l’Arrêt n°03 du 20 mars 2003 de la Cour Suprême du TOGO ; que sur contestation de ces nouvelles saisies par UAT, le Président du Tribunal de première instance de première classe de Lomé l’avait déboutée de ses prétentions, par Ordonnance n°162/2004 du 30 mars 2004 ; que sur appel de l’UAT, la Cour d’appel de Lomé avait rendu l’Arrêt n°111/04 du 29 juin 2004 dont pourvoi ;

 

Sur les deux moyens réunis

Vu l’article 157-2) et 3) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 157-2) et 3) susvisé en ce que, d’une part, pour confirmer l’Ordonnance n°162/04 du 30 mars 2004, la Cour d’appel de Lomé a estimé que c’est à bon droit que la société NETADI n’a pas produit au soutien des saisies-attribution du 16 février 2004, l’Arrêt d’appel n°244/03 du 17 décembre 2003 au motif que l’arrêt du 25 mars 1999 en était un titre suffisant alors que, selon le moyen, seul l’arrêt du 17 décembre 2003 pouvait permettre au juge de la contestation de comprendre pourquoi, au lieu des 126.519.387 francs CFA auxquels NETADI avait initialement évalué les condamnations prononcées par l’Arrêt du 25 mars 1999, elle n’a pratiqué les saisies-attribution du 16 février 2004 que pour la somme principale de 54.000.000 francs CFA portée par les accessoires à 67.649.346 francs CFA ; qu’en procédant ainsi, la Cour d’appel de Lomé a laissé à NETADI la possibilité de faire fi de l’arrêt du 17 décembre 2003 et de faire croire que la somme de 54.000.000 francs CFA servant de base aux saisies du 16 février 2004 ne constitue qu’une tranche de mise à exécution des condamnations prononcées par l’Arrêt du 25 mars 1999 et qu’il lui est loisible de réclamer par la suite d’autres tranches desdites condamnations ; que l’arrêt entrepris encourt donc annulation pour violation du texte visé au moyen ; que d’autre part, pour dire n’y avoir lieu à distraire de la créance, objet de la saisie attribution du 16 février 2004, les 5.514.346 francs CFA et 8.100.000 francs CFA allégués par NETADI à titre respectivement de frais d’enregistrement et de recouvrement, la Cour d’appel s’est bornée à relever que « l’UAT fait seulement semblant d’ignorer que l’exécution de tout jugement ou arrêt concerne aussi bien le principal de la créance que les frais d’enregistrement et de recouvrement… qu’une décision judiciaire, notamment un jugement ou un arrêt ne peut être exécutée sans être enregistrée », alors que la requérante n’a, à aucun moment, pensé qu’une décision de justice peut être mise à exécution sans être enregistrée et avait simplement demandé à la Cour d’appel de vérifier si ces accessoires avaient été pris en compte ou non par l’arrêt d’appel du 17 décembre 2003 dans le calcul fixant la créance de NETADI à 54.000.000 F CFA ; qu’en se dérobant à cette démarche qui s’imposait, la Cour d’appel de Lomé a privé son arrêt de base légale et mis la Cour de céans dans l’impossibilité d’exercer son contrôle sur la bonne application du texte visé au moyen ; qu’ il suit que l’arrêt doit être censuré de ce chef ;

Attendu qu’aux termes de l’article 157-2) et 3) de l’Acte uniforme susvisé, « le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier ou l’agent d’exécution.

Cet acte contient à peine de nullité :

(…)

2) l’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;

3) le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation ; » ;

Attendu, en l’espèce, d’une part, que c’est en exécution de l’Arrêt n°07 rendu le 25 mars 1999 par la Cour d’appel de Lomé que les saisies-attribution de créances du 16 février 2004 ont été pratiquées par NETADI au préjudice de l’UAT, lequel arrêt avait condamné la SICOT à payer à la société NETADI diverses sommes d’argent s’élevant  au total à 109.985.831 F CFA et déclaré l’UAT tenue de garantir lesdites condamnations ; que contrairement à ce que soutient la demanderesse au pourvoi, l’Arrêt n°244/03 du 17 décembre 2003 rendu par la Cour d’appel de Lomé, d’une part,  ne peut être considéré comme le titre exécutoire requis, ledit arrêt ayant été rendu sur contestation de l’UAT et de SICOT à la suite des saisies-attribution en date du 08 juillet 2003 à leur préjudice par NETADI sur le fondement du même Arrêt n°07 du 25 mars 1999 ; qu’en déclarant «  que dans le cas d’espèce, l’acte signifié aux tiers porte bel et bien la mention de l’arrêt définitif qui a donné une base légale à la saisie-attribution ; que ledit arrêt a été produit à l’appui de la saisie-attribution ainsi que le prouvent  les pièces versées au dossier ; que l’arrêt d’appel en date du 17 décembre 2003 n’ayant pas donné une base à la saisie-attribution, objet du présent contentieux, ne saurait être énoncé et produit à l’appui de ladite saisie sans confusion préjudiciable au saisissant », la Cour d’appel n’a en rien violé les dispositions susénoncées de l’article 157-2) de l’Acte uniforme susvisé ; que, d’autre part, l’arrêt attaqué n’avait pas à vérifier si les accessoires, à savoir les sommes de 5.514.346 F CFA et 8.100.000 F CFA alléguées par NETADI à titre respectivement de frais d’enregistrement et de recouvrement, avaient été pris en compte ou non par l’Arrêt d’appel n°244/03 du 17 décembre 2003 dans le calcul fixant la créance de NETADI à 54.000.000 F CFA dans la mesure où, comme il a été démontré ci-dessus, ledit arrêt d’appel ne pouvait être considéré comme le titre exécutoire sur la base duquel NETADI avait pratiqué les saisies-attribution contestées ; qu’il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Lomé n’a non plus violé les dispositions susénoncées de l’article 157-3) de l’Acte uniforme susvisé et a en conséquence donné une base légale à sa décision ; qu’il échet de déclarer les deux moyens réunis non fondés et de les rejeter ;

Attendu que l’Union des Assurances du TOGO ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par l’Union des Assurances du TOGO ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier