ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 30 juin 2009
Pourvoi : n° 076/2006/PC du 22 septembre 2006
Affaire : Monsieur KOBLAN AKOMCI
(Conseil : Maître Koudou GBATE, Avocat à la Cour)
contre
Madame AKA BERTIN née Thérèse Eliane Akissi
(Conseils : SCPA AMON-RAUX & Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N°041/2009 du 30 juin 2009
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 juin 2009 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 22 septembre 2006 sous le n° 076/2006/PC et formé par Maître Koudou GBATE, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan Plateau, immeuble CCIA, 7ème étage, Avenue Jean-Paul II, 04 BP 544 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de Monsieur KOBLAN AKOMCI, commerçant demeurant à Treichville, 18 BP 3369 Abidjan 18, dans une cause l’opposant à Madame AKA BERTIN née Thérèse Eliane AKISSI, fonctionnaire à la retraite représentée par Madame AKA Jacqueline, sa fille, commerçante, domiciliée à Abidjan Cocody Val Doyen appartement 116, 08 BP 1272 Abidjan 08, ayant pour Conseils la SCPA AMON-RAUX et Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan Plateau, 44 Avenue LAMBLIN, Résidence EDEN, 4ème étage, porte 42, 01 BP 11775 Abidjan 01, en cassation de l’Arrêt civil contradictoire n° 961 rendu le 28 juillet 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;
1/ EN LA FORME :
Reçoit KOBLAN AKOMCI en son appel ;
2/ AU FOND :
L’y dit mal fondé et l’en déboute ;
Confirme le jugement entrepris par substitution de motifs ;
Condamne l’appelant aux dépens » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que depuis le 31 décembre 1980, Monsieur KOBLAN AKOMCI loue un local à usage de pressing appartenant à Madame AKA ; que le contrat, d’une durée d’un an, avait été renouvelé par tacite reconduction pour se muer en contrat à durée indéterminée ; que le 05 novembre 2004, Monsieur KOBLAN AKOMCI avait reçu une signification de congé de 06 mois ayant pour motif la réalisation de travaux nécessitant l’évacuation des lieux ; qu’après plusieurs rencontres entre les parties, relatives aux modalités de reprise du local, le congé avait été augmenté de 03 mois le 14 février 2005 ; qu’estimant qu’aucune indemnité d’éviction n’était davantage proposée, Monsieur KOBLAN AKOMCI décidait de contester ce congé ; que Dame AKA ayant assigné le demandeur en validation de congé et en expulsion par devant le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, celui-ci faisait droit à sa demande par Jugement n° 656/CIV 4 B du 28 mars 2006 ; que sur appel de Monsieur KOBLAN AKOMCI, la Cour d’appel rendait l’Arrêt n° 961 du 28 juillet 2006 dont pourvoi ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 52 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative en ce que la Cour d’appel d’Abidjan, en motivant sa décision par le fait que la contestation du congé serait tardive alors que, selon le requérant, ce point n’a jamais été débattu en cours d’instance par les parties, a statué ultra petita ; que mieux, le juge d’appel n’a pas répondu au moyen du demandeur sur le versement d’une indemnité d’éviction, ne donnant ainsi aucune base légale à sa décision ; qu’il convient dès lors de casser l’arrêt attaqué pour violation du texte visé au moyen ;
Mais attendu, d’une part, que contrairement aux allégations du demandeur au pourvoi la validité de la contestation du congé a été débattue dès le niveau du premier juge, constituant d’ailleurs le fondement de l’action de Madame AKA, cette dernière ayant soutenu que « la contestation du congé querellé serait intervenue hors délai » ; que d’autre part, la Cour d’appel d’Abidjan ayant déclaré ladite contestation du congé tardive, elle n’a point à se prononcer sur la demande d’indemnité d’éviction ; qu’il suit qu’en décidant comme il l’a fait, le juge d’appel n’a, ni violé l’article visé au moyen, ni statué ultra petita et a donné une base légale à sa décision ; qu’il échet de rejeter ce moyen comme non fondé ;
Sur le deuxième moyen
Vu l’article 93, alinéas 2 et 3 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué une mauvaise application de l’article 93 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a considéré que pour avoir été déposé au « Pressing », l’exploit de congé a été servi « à la personne même » du demandeur alors que, selon le moyen, le demandeur n’ayant pas reçu notification dudit exploit de congé en personne, c’est à tort que le juge d’appel a retenu la date du dépôt de l’exploit au Pressing comme date de départ de la computation du délai de congé ; qu’une telle interprétation procède d’une mauvaise application du texte visé au moyen ; qu’ainsi l’arrêt attaqué mérite cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 93, alinéas 2 et 3 de l’Acte uniforme susvisé « le preneur, bénéficiaire du droit au renouvellement en vertu de l’article 91 ci-dessus, peut s’opposer à ce congé, au plus tard à la date d’effet de celui-ci, en notifiant au bailleur par acte extra judiciaire sa contestation de congé.
Faute de contestation dans ce délai, le bail à durée indéterminée cesse à la date fixée par le congé » ;
Attendu qu’il résulte des dispositions susénoncées que le preneur peut s’opposer au congé jusqu’à la date de prise d’effet de celui-ci ; qu’en l’espèce, le demandeur ne peut valablement soutenir n’avoir pas pris connaissance de l’exploit de congé servi au « Pressing » dès lors, d’une part, qu’il ne conteste pas avoir engagé des négociations avec les enfants du bailleur pour une prorogation du délai, et d’autre part, qu’il a lui-même initié la procédure de contestation du congé ; qu’ainsi, en considérant tardive la contestation élevée le 11 août 2005 par Monsieur KOBLAN AKOMCI pour un congé donné le 05 novembre 2004 pour expirer le 06 août 2005 en tenant compte de la prorogation de trois (03) mois à lui accordée, la Cour d’appel a fait une exacte application du texte visé au moyen ; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu’il est reproché enfin à l’arrêt attaqué la violation des articles 94 et 95 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général en ce qu’alors qu’aux termes des articles précités, le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail, notamment en réglant une indemnité d’éviction au preneur et si par ailleurs il envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués et de le reconstruire ; qu’en l’espèce, la bailleresse n’a pas réglé la moindre indemnité d’éviction au preneur ; que mieux, elle n’a pu justifier les motifs du congé ; que la réhabilitation et la reconstruction de l’immeuble étant les deux conditions cumulatives pour s’opposer au droit au renouvellement du bail, l’une des conditions n’est pas remplie, à savoir la démolition préalable à la reconstruction ; que la bailleresse ne disposant pas de motifs légitimes pour s’opposer au droit au renouvellement, c’est à tort que la Cour d’appel lui a donné raison, exposant ainsi sa décision à la cassation ;
Mais attendu que la contestation du congé ayant été jugée irrecevable comme tardive par rapport au délai de l’article 93 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, il n’y a pas lieu à application des articles 94 et 95 visés au moyen ; qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué n’a pu violer les dispositions desdits articles ; qu’ainsi ledit moyen doit être rejeté comme non fondé ;
Attendu que Monsieur KOBLAN AKOMCI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par Monsieur KOBLAN AKOMCI ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier