ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 22 novembre 2007
POURVOI : n°065/2004/PC du 04 juin 2004
AFFAIRE : Thomas Christophe Emmanuel WIELEZYNSKI
(Conseils : Maîtres FADIKA-DELAFOSSE, FADIKA, FADIKA, KACOUTIE & ANTHONY, Avocats à la Cour)
contre
COFIPA INVESTMENT BANK –COTE D’IVOIRE S.A.
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ARRET N°032/2007 du 22 novembre 2007
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 novembre 2007 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré le 04 juin 2004 au greffe de la Cour de céans sous le n°065/2004/PC et formé par Maîtres FADIKA-DELAFOSSE, K. FADIKA, KACOUTIE & ANTHONY, Avocats à la Cour, demeurant au boulevard Carde- avenue Docteur Jamot, immeuble Les Harmonies, 01 BP 2297 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Thomas Christophe Emmanuel WIELEZYNSKI, dans une cause l’opposant à la COFIPA INVESTMENT BANK COTE D’IVOIRE, société anonyme dont le siège social est à Abidjan-Plateau, immeuble Botreau Roussel, 04 BP 411 Abidjan 04, immatriculée au Registre du Commerce du Crédit Mobilier d’Abidjan sous le n°1946, prise en la personne de son Directeur général, en cassation de l’Arrêt n°462 rendu le 18 avril 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« En la forme
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
Reçoit THOMAS CHRISTOPHE EMMANUEL WIELEZYNSKI en son appel relevé du jugement n°112 du 30 mai 2002 rendu par le Tribunal de première Instance d’Abidjan-Plateau ;
Au fond
L’y déclare mal fondé ;
L’en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué
Condamne l’appelant aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que la signification du recours en cassation faite à la société COFIPA INVESTMENT BANK COTE D’IVOIRE par le Greffier en chef de la Cour de céans, par lettre n°598/2004/G5 en date du 07 décembre 2004, n’a pas été suivie du dépôt au greffe, dans le délai de trois mois prévu à l’article 30 du Règlement de procédure de la Cour, de mémoire en réponse ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu d’examiner ledit recours ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 18 février 2000, le Conseil d’administration de la BIAO INVESTISSEMENT, devenue par la suite COFIPA INVESTMENT BANK COTE D’IVOIRE, désignait Monsieur WIELEZYNSKI en qualité de Directeur général, lui conférant ainsi la qualité de mandataire ; qu’aux termes d’une délibération le 27 avril 2000, l’assemblée générale de la même société le nommait en qualité d’administrateur pour une durée de trois (03) ans ; qu’au cours d’un Conseil d’administration convoqué pour le 14 mai 2001, Monsieur WIELEZYNSKI démissionnait de ses fonctions d’administrateur, motif pris de ce que la COFIPA LTD, actionnaire majoritaire de la COFIPA INVESTMENT BANK COTE D’IVOIRE n’était pas régulièrement représentée au conseil ; que malgré cette démission, il était invité à rendre compte de sa gestion, ce qu’il refusait, en quittant la salle, motif pris de ce qu’il n’estimait pas opportun la présence d’un huissier de justice chargé d’établir un procès-verbal de son compte rendu de gestion, alors même qu’un document y relatif était rédigé par écrit à l’attention du conseil ; que suite à ce comportement de Monsieur WIELEZYNSKI, le Conseil d’administration ordonnait sa suspension pour la période du 14 mai au 07 juin 2001 ; par la suite, par délibération en date du 22 juin 2001, le Conseil d’administration mettait fin à son mandat de Directeur général ; que sur assignation de WIELEZYNSKI, le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau, par Jugement n°122/CIV/1ère, le déclarait mal fondé et le déboutait de sa demande tendant à la condamnation de la COFIPA INVESTMENT BANK COTE D’IVOIRE à lui payer la somme de 500 millions de francs CFA à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive de son mandat de Directeur général ; que sur appel de Monsieur WIELEZYNSKI, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°462 du 18 AVRIL 2003 et dont pourvoi, confirmait en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;
Sur le premier moyen pris en ses trois branches
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions des articles 458, 491 et 492 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique en ce que la Cour d’appel, pour débouter Monsieur WIELEZYNSKI de sa demande, a estimé que la révocation était régulière dans la mesure où elle a été prononcée par le Président du conseil d’Administration de COFIPA INVESTMENT BANK COTE D’IVOIRE qui « depuis Brazzaville a transmis des instructions à Abidjan, afin de l’empêcher provisoirement d’exercer sa fonction de Directeur général jusqu’à la réunion du Conseil d’administration du 22 juin 2001 au cours de laquelle le mandat social a été révoqué alors que, selon le moyen, d’une part, il s’infère des dispositions de l’article 492 de l’Acte uniforme susvisé que le droit de révocation du Directeur général appartient exclusivement au Conseil d’administration ; que, d’autre part, le Conseil d’administration d’une société anonyme ne peut valablement délibérer que sur un ordre du jour précis, préalablement établi par le Président ou les administrateurs qui prennent l’initiative de la convocation ; qu’en l’espèce, la suspension de Monsieur WIELEZYNSKI n’était pas inscrite à l’ordre du jour ; que de surcroît, c’est par une « note d’instruction » que Monsieur WIELEZYNSKI a été suspendu, sans que cette mesure de suspension ait été constatée par un procès-verbal comme l’exige l’article 461 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’enfin, il n’existe dans l’Acte uniforme aucune disposition en vertu de laquelle le Conseil d’administration, encore moins le Président dudit conseil, dans une société anonyme, ait le pouvoir de suspendre un Directeur général pour quelques raisons que ce soit et dans un délai quelconque ; que même en cas d’empêchement temporaire du Directeur général, l’article 491 ne permet qu’une solution : le Conseil a l’obligation de le remplacer immédiatement ;
Attendu que les articles 458, 491 et 492 de l’Acte uniforme susindiqué disposent respectivement que « les délibérations du Conseil d’administration sont constatées par des procès-verbaux établis sur un registre spécial tenu au siège social, coté et paraphé par le juge de la juridiction compétente… », « en cas d’empêchement temporaire ou définitif du directeur général, le conseil d’administration pourvoit à son remplacement immédiat en nommant, sur proposition de son président, un directeur général. » et « le directeur général peut être révoqué à tout moment par le conseil d’administration. »
Attendu en l’espèce que c’est au cours de sa délibération du 22 juin 2001 que le conseil d’administration de la COFIPA INVESTMENT BANK COTE D’IVOIRE a mis fin au mandat de Directeur général de Monsieur WIELEZYNSKI, décision notifiée à ce dernier par acte d’huissier de justice en date du 25 juin 2001 ; qu’auparavant, le même Conseil d’administration avait suspendu Monsieur WIELEZYNSKI de ses fonctions pour la période du 14 mai au 07 juin 2001, décision notifiée à l’intéressé par l’entremise d’une « note d’instruction » adressée depuis Brazzaville à Monsieur KAKOU par le Président du Conseil d’administration ; qu’il s’infère de tout ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le requérant, c’est bien le conseil d’administration et non le Président dudit conseil qui a décidé dans un premier temps de la suspension du Directeur général et dans un second temps de sa révocation ; que ledit conseil pouvait valablement prendre des mesures conservatoires appropriées, notamment la mesure de suspension, avant une éventuelle révocation ; que l’article 492 de l’Acte uniforme susénoncé ne l’interdit pas ; qu’il s’ensuit qu’en retenant « qu’ainsi en agissant négativement de la sorte, Thomas WIELEZYNSKI a légitimé la réaction du Président du Conseil, qui depuis Brazzaville a transmis des instructions à Abidjan, afin de l’empêcher provisoirement d’exercer sa fonction de Directeur général jusqu’à la réunion du conseil du 22 juin 2001 au cours de laquelle le mandat social a été révoqué. Dès lors, à défaut d’avoir rapporté la preuve de l’abus de droit au cours de cette révocation, il échet de confirmer le jugement entrepris », la Cour d’appel n’a en rien violé les dispositions susénoncées des articles 458, 491 et 492 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’ainsi le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le second moyen
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 1382 du code civil en ce que la Cour d’appel a estimé que la preuve de l’abus de droit dans la révocation de l’exposant n’a pas été rapportée alors que, selon le moyen, il est de jurisprudence constante en la matière que le droit de révocation reconnu par la loi au Conseil d’administration doit s’exercer sans abus de droit et de manière non vexatoire ; qu’en l’espèce, les circonstances même de la révocation traduisent à suffisance l’abus commis par le Conseil d’administration de COFIPA INVESTMENT BANK COTE D’IVOIRE, lequel abus procède d’abord de l’illégalité de « l’empêchement provisoire » fait à l’exposant d’exercer sa fonction de Directeur général, ensuite, de ce que la règle de compétence posée par l’article 492 de l’Acte uniforme a été violée ; que d’autre part, la suspension prononcée dans la précipitation contient déjà en elle des germes de l’abus, de la malveillance et de l’intention de nuire ; qu’enfin les conditions dans lesquelles cette décision de suspension a été prise consacrent la révocation abusive ;
Mais attendu que c’est sur la base d’une appréciation souveraine des faits après analyse des pièces du dossier de la procédure que la Cour d’appel d’Abidjan a estimé « qu’à défaut d’avoir rapporté la preuve de l’abus de droit au cours de cette révocation, il échet de confirmer le jugement entrepris » pour débouter Monsieur WIELEZYNSKI de sa demande de dommages-intérêts ; qu’il s’ensuit qu’elle n’a en rien violé les dispositions de l’article 1382 du code civil ; qu’ainsi le second moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté ;
Attendu que Monsieur Thomas Christophe Emmanuel WIELEZYNSKI ayant succombé, il échet de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par Monsieur Thomas Christophe Emmanuel WIELEZYNSKI ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier