ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première Chambre
Audience publique du 21 avril 2016
Pourvoi : n°073/2012/PC du 03/07/2012
Affaire : SUCCESSION MILLERHAGAME/KOKOU MAWUKPLIMI
(Conseil : Maître AMEGANKPOE YAOVI, Avocat à la Cour)
Contre
SOCIETE SAINT MICHEL ET CO
(Conseil : Maître PASCAL-ESPOIR YAWO DUSI, Avocat à la Cour)
ARRET N° 055/2016 du 21 avril 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 21 avril 2016 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOISSE-SAMBA, Président
Mamadou DEME, Juge
Vincent Diéhi KOUA, Juge, rapporteur
César Apollinaire ONDO MVE, Juge
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
et Maître MONBLE Jean-Bosco Greffier ;
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Sur le pourvoi N° 073/2012/PC enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 juillet 2012, formé par la succession MILLER HAGAME KOKOU (MAWUKPLIMI), représentée par le Sieur GUY KODZOVI MILLER HAGAME et dame VICTORIA ABLEWA MILLER-HAGAME, mandataires, domiciliés à Lomé, Grand Marché d’ ADAWLATO, immeuble MILLER, ayant pour Conseil, Maître AMEGANKPOE YAOVI, Avocat à la Cour, Vallion, 32, rue des Bergers, Niékonakpoè, BP 62091 Lomé (TOGO), dans la cause qui l’oppose à la société SAINT MICHEL et CO SARL, ayant son siège social à Lomé, Grand Marché d’ADAWLATO, BP 60410 Lomé (TOGO), représentée par son gérant demeurant et domicilié ès qualité audit siège, ayant pour Conseils Maîtres PASCAL-ESPOIR YAWODUSI demeurant à Lomé BP 328 et GBEGURAN AKOETE, Avocat à la Cour à Lomé, BP 20328 ;en cassation de l’arrêt N° 59/2012 du 28 février 2012 rendu par la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en appel ;
EN LA FORME
Reçoit l’appel
AU FOND
Le déclare fondé,
Infirme en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau :
Dit que l’obligation de délivrance de l’immeuble litigieux incombe à l’intimée en l’occurrence la succession MILLER HAGAME KOKOU MAWUKPLIMI représentée par MILLER-HAGAME ABLEWA et MILLER-HAGAME KODZIVI ;
Dit que la clause du contrat du 26 décembre 2003 mettant l’évacuation des locataires dudit immeuble à la charge de l’appelante est réputée non écrite ;
Ordonne à l’intimée de s’acquitter de son obligation de délivrance de l’immeuble baillé sous astreinte de 200 000 F par jour de retard dans un délai de 03 mois ;
Condamne l’intimée aux dépens » ;
Attendu que la requérante invoque à l’appui de son recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête aux fins de pourvoi en cassation annexée au présent arrêt ;
Sur rapport de Monsieur Diéhi Vincent KOUA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que la succession MILLER HAGAME KOKOU concluait un contrat de bail à construire avec la Société Saint Michel par devant notaire portant sur l’immeuble objet du titre foncier 204 TT du Cercle de Lomé ;
Qu’aux termes de ce contrat, la durée de la convention commençait le 1er juillet 2004 et s’achevait le 1er juillet 2044 à charge pour le preneur d’achever les travaux de construction moyennant un loyer mensuel de 400 000 F ; que 18 mois après la signature du contrat, les loyers étant demeurés impayés, la succession attrayant la société par devant le Tribunal de Première Classe de Lomé aux fins de résolution du contrat de bail et de restitution de l’acompte perçu le 03 octobre 2005 ; que par jugement N° 0870/06 du 05 mai 2006, le Tribunal faisait droit à leur demande, la Société Saint Michel interjetait appel et sollicitait en outre un sursis à exécution du jugement ; Que la Cour d’appel par arrêt N° 059/242 du 28 février 2012, infirmait le jugement ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que la défenderesse soutient que le recours de la succession introduit le 05 juillet 2012 au lieu du 03 juillet au greffe de la Cour de céans doit être déclaré irrecevable pour avoir violé les dispositions de l’article 28-1 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), qui dispose que la saisine de la Cour doit être faite dans les 2 mois à compter de la signification ; que la décision attaquée ayant été signifiée le 02 mai 2012, le recours aurait dû être introduit le 03 juillet 2012 ; qu’ayant été initié le 05 juillet 2012, le recours est tardif et donc irrecevable pour forclusion ;
Qu’elle affirme en outre que le mandat spécial donné à Maître AMEGANKPOE YAOVI, Avocat par la requérante, ne présente aucune apparence d’authenticité et que les signatures de Monsieur GUY KODZOVI MILLER HAGAME et VALERIE ABLEWA MILLER HAGAME, n’ayant pas été certifiées ni légalisées par les autorités, le recours encourt l’irrecevabilité ;
Attendu cependant que les demandeurs au pourvoi sont domiciliés au Togo, qu’il y a lieu d’ajouter au délai deux mois fixés par l’article 28, celui de distance qui est de 14 jours pour les pays de l’Afrique de l’Ouest ; que la décision attaquée ayant été signifiée le 02 mai et le pourvoi enregistré au greffe le 05 juillet 2012, l’exception opposée de ce chef doit être déclarée mal fondée ;
Attendu par ailleurs que l’article 23 du Règlement de procédure de la Cour n’oblige pas les parties à faire certifier leur signatures ; que dès lors, le mandat spécial délivré est absolument valable ;
Qu’il s’ensuit que le pourvoi est recevable en la forme ;
Sur l’incompétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage relevée d’office
Attendu qu’au soutien du pourvoi, la succession invoque un moyen unique pris du refus d’application des articles 105 et 110 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article 69 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général, applicable au litige, que ses dispositions ne sont applicables qu’aux baux portant sur des locaux et immeubles à usage commercial, industriel, artisanal ou professionnel et à leurs accessoires, ainsi qu’aux terrains nus « sur lesquels ont été édifiées avant ou après la conclusion du bail, des constructions à usage industriel, commercial ou artisanal ou professionnel, si ces constructions ont été élevées ou exploitées avec le consentement du propriétaire ou à sa connaissance » ;
Attendu qu’il résulte du contrat de bail notarié, régulièrement produit aux débats, que par la convention litigieuse, la succession MILLER HAGAME KOKOU EMMANUEL a donné à bail à la Société défenderesse une parcelle de terrain urbain bâti sise à Lomé, pour une durée de 40 ans, à charge entre autres, pour cette dernière, de démolir les constructions y édifiées et d’y édifier « des constructions en dur, à toute hauteur permise par les règlements d’urbanisme et en se conformant strictement à ces règlements, notamment un rez-de-chaussée surélevé d’étages… » ;
Qu’une telle convention, dont aucune mention n’indique qu’elle porte sur une des catégories de locaux ou immeubles citées au texte susvisé, n’entre pas dans le champ d’application de l’Acte Uniforme dont la violation est invoquée au moyen ; qu’il s’ensuit que l’affaire ne soulève aucune question relative à l’application d’un Acte Uniforme ou règlement prévus au Traité ; qu’il échet de se déclarer incompétent ;
Attendu que la requérante qui succombe doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
En la forme
Déclare le pourvoi de la succession MILLER HAGAME/KOKOU MAWUKPLIMI, recevable ;
Au fond
Se déclare incompétente pour connaître du litige ;
Condamne la requérante aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier