ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 23 juin 2016
Pourvoi : n° 075/2013/PC du 12/06/2013
Affaire : Société XEEWELL SA
(Conseils : SCPA MAME ADAMA GUEYE & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
United Shipchandler THOUMAS
(Conseil : Maître CHAHRAZADE HILAL, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 117/2016 du 23 juin 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 23 juin 2016 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 12 juin 2013 sous le n°075/2013/PC et formé par la SCPA Mame Adama GUEYE & Associés, Avocats à la Cour, demeurant 28, Rue Amadou Assane Ndoye, à Dakar, B.P. 11443, agissant au nom et pour le compte de la Société XEEWEL S.A., ayant son siège à Dakar, Rue de Thann x Blvd Djily Mbaye, dans la cause qui l’oppose à la Société United Shipchandler THOUMAS dont le siège social est à Dakar, 31, Boulevard de la Libération, ayant pour Conseil Maître CHAHRAZADE Hilal, Avocat à la Cour, 38, Rue Wagane Diouf, à Dakar,en cassation de l’arrêt n° 352 rendu le 04 septembre 2012 par la Cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, économique et financière et en dernier ressort ;
En la forme :
- Vu l’ordonnance de clôture du conseiller de la mise en état ;
Au fond :
- Infirme partiellement le jugement attaqué et statuant à nouveau ;
- Condamne la société XEEWEL SA à payer à la société UNITED SCHIPCHANDLER THOUMAS la somme de quarante millions de francs (40 000 000 FCFA) à titre d’indemnité d’éviction ;
- La condamne également aux dépens » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la Société XEEWEL SA, propriétaire d’un local à usage commercial donné à bail à la Société United Shipchandler THOUMAS, servait un congé à sa locataire le 27 juin 2002, en vue d’entreprendre des travaux de reconstruction des lieux ; que, suivant un procès-verbal de conciliation homologué par le tribunal le 23 avril 2003, XEEWEL SA s’engageait à accorder au locataire une priorité de relogement dans les locaux reconstruits ou, à défaut, à lui verser une indemnité d’éviction ; qu’à l’achèvement des travaux en 2005, XEEWEL SA n’avait pas fait l’offre de relogement promise ; que, par exploit en date du 13 novembre 2007, la Société United Shipchandler THOUMAS assignait sa bailleresse en paiement d’indemnité d’éviction ; qu’en date du 15 avril 2008, XEEWEL SA invita la Société United Shipchandler THOUMAS à visiter les nouveaux locaux, dans le but de lui céder un nouveau bail ; qu’estimant cette offre tardive, le tribunal régional hors classe de Dakar a, par jugement daté du 17 février 2010, condamné XEEWEL SA à payer à la Société United Shipchandler THOUMAS la somme de 20.000.000 F CFA à titre d’indemnité d’éviction ; que, sur appels principal de XEEWEL SA et incident de United Shipchandler, la Cour d’appel de Dakar a rendu, en date du 04 septembre 2012, l’arrêt partiellement infirmatif dont pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans son mémoire en réponse à la requête, reçu au greffe de la Cour de céans le 22 octobre 2013, la défenderesse au pourvoi demande à la Cour de déclarer irrecevable le pourvoi formé par la Société XEEWEL SA aux motifs, tout d’abord, qu’il est hors le délai de deux mois imparti par l’article 28 du Règlement de Procédure de la Cour de céans, l’arrêt déféré lui ayant été signifié le 30 janvier 2013 et une saisie, pratiquée en vertu de ce même arrêt, lui ayant été dénoncée le 18 février 2013 ; qu’ensuite la requête ne contient pas les noms et domiciles des autres parties à la procédure, et de leurs avocats ; qu’enfin le recours n’a pas été signé par l’avocat mandaté à cet effet, en violation de l’article 23 dudit Règlement ;
Mais attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier que les exploits de « signification avec commandement avant saisie-vente » et « dénonciation de saisie attribution de créance » ne portent pas trace de la signification de la décision attaquée au sens de l’article 24 du Règlement de procédure de la Cour de céans, mais ont seulement servi de mise en demeure en vue de l’exécution forcée ; que, par conséquent, le délai prescrit n’a pas couru ; que, de même, contrairement aux affirmations de la défenderesse, les noms et domiciles des parties à la procédure ainsi que ceux de leurs avocats figurent bien dans le pourvoi ; qu’enfin l’avocat signataire de la requête a bien produit le mandat spécial exigé, dans son mémoire reçu le 15 janvier 2014 ; qu’il échet en conséquence de déclarer le pourvoi formé par la Société XEEWEL SA recevable ;
Sur les deux moyens réunis, tirés de la violation des articles 95 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant sur le droit commercial général et 1-6 du Code de procédure civile
Attendu que le recourant articule deux moyens de cassation tirés de la violation des articles 95 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant sur le droit commercial général et 1-6 du Code de procédure civile sénégalais ; que, selon le premier moyen, les juges ont violé les dispositions de l’article 95 sus évoqué, d’une part, en ajoutant à la seule obligation légale du bailleur de proposer un local de même destination, c’est-à-dire à usage commercial, une obligation subjective de proposer des locaux jugés commodes et sûrs par le preneur et, d’autre part, en jugeant que l’offre tardive de relogement équivalait à une absence d’offre, alors que l’exigence légale se rapporte à la destination des locaux et non à leur nature et que l’article 95 visé au moyen n’enferme l’offre de relogement dans aucun délai ; que, selon le deuxième moyen, en enfermant ainsi sans aucune base légale l’offre de relogement dans des délais et en jugeant que l’offre tardive de relogement équivalait à une absence totale d’offre, la cour d’appel a violé l’article 1-6 du Code de procédure civile sénégalais, ne permettant pas à la Cour de céans d’exercer aisément son contrôle ;
Mais attendu que les juges d’appel ont utilisé les termes « sécurité » et « commodité » non pas comme une imposition de l’article 95 mais pour conduire à son terme leur motivation consistant à prouver qu’une proposition inadéquate de relogement, intervenue longtemps après la fin des travaux de reconstruction, équivaut à une absence totale d’offre, de même que la situation du local au 2ème niveau entraîne une différence dans la destination, du fait de l’impossibilité de procéder à certaines installations ; que ce faisant, ils n’ont en rien violé le texte visé au premier moyen ; que l’article 95 ayant été appliqué convenablement, le deuxième moyen, relatif à l’article 1-6 du Code de procédure civile sénégalais, devient inopérant ; qu’il y a lieu de dire que les deux moyens ne sont pas fondés et doivent être rejetés ;
Attendu qu’il échet en conséquence de rejeter le pourvoi ;
Attendu que la Société XEEWEL S.A. ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
- Déclare recevable le pourvoi formé par la Société XEEWEL S.A. ;
- Le rejette
- Condamne la Société XEEWEL S.A. aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier