ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première Chambre

Audience publique du 22 décembre 2005

Pourvoi : n° 055/2003/PC du 16 juin 2003

Affaire : Société UNITED PLASTIC SERVICES dite UPS S.A.

                (Conseil : Maître BILLONG N’DJONG Denis, Avocat à la Cour)

      Contre

     SOCIETE de TRANSFORMATION des PLASTIQUES

     du CAMEROUN dite STPC SARL

     (Conseil : Maître Théodore KAMKUI, Avocat à la Cour)

ARRET N°058/2005 du 22 décembre 2005

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 décembre 2005 où étaient présents :

 

  1. Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Biquezil NAMBAK, Juge

et  Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°055/2003/PC du 16 juin 2003 et formé par Maître BILLONG N’DJONG Denis, Avocat au Barreau du Cameroun, B.P. 12953 Douala, agissant au nom et pour le compte de la Société United Plastic Services dite UPS SA dont le siège se trouve à Douala, B.P. 4527, Zone industrielle de Bassa, dans la cause opposant celle-ci à la Société de Transformation des Plastiques du Cameroun dite STPC dont le siège se trouve à Bafoussam, BP 325, ayant pour Conseil Maître Théodore KAMKUI, Avocat au Barreau du Cameroun B.P. 15353 Douala,en cassation de l’Arrêt n°31/Civ rendu le 11 décembre 2002 par la Cour d’appel de l’Ouest à Bafoussam dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale, en appel et en dernier ressort,

En la forme :

Reçoit l’appel

Au fond :

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Met les dépens à la charge de l’UPS liquidés à la somme de deux millions trois cent un mille sept cent quarante francs dont distraction au profit de Maître KAMKUI, Avocat aux offres de droit » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que par convention de cession de machines industrielles conclue le 28 décembre 1999 par la Société UNITED PLASTIC SERVICES dite UPS SA et la SOCIETE de TRANSFORMATION des PLASTIQUES du CAMEROUN dite STPC, celle-là s’était engagée à céder certaines de ses machines industrielles à celle-ci au prix forfaitaire de trente sept millions de francs CFA (37.000.000 F CFA) hors taxe devant être payé en quatre fois selon des modalités et un échéancier arrêtés de commun accord ; qu’à la date du 21 janvier 2000, date butoir pour la livraison des machines, selon la demanderesse au pourvoi, sa co-contractante, la STPC aurait dû avoir payé l’intégralité du prix de cession de ses machines ; que faute de l’avoir fait, elle lui avait signifié la résolution de la convention de vente par lettres des 18 et 28 février 2000 en se proposant de lui rembourser l’acompte qu’elle lui avait versé lors de la signature de ladite convention ; que dès réception des deux lettres susindiquées, la STPC avait saisi le Président du Tribunal de première instance de Douala d’une requête aux fins d’être autorisée à prendre possession des machines industrielles, objet de la convention de vente précitée dont l’article 6 stipule que « la signature du présent contrat et le versement du premier acompte prévu à l’article 5 entraînent l’engagement irrévocable des parties à respecter les clauses de la présente convention » ; que par Ordonnance sur requête n° 1073 du 06 mars 2000, la juridiction présidentielle du Tribunal précité autorisait la STPC à prendre possession desdites machines et commettait Maître Gabriel KAMWA, huissier de justice à Douala pour y procéder ; que suivant procès-verbaux de prise de possession dressés les 10 et 13 mars 2000, Maître Gabriel KAMWA procéda à ladite prise de possession des machines ; que par exploit en date du 13 mars 2000 du ministère de Maître Elise Adèle KOGLA, huissier de justice à Douala, UPS SA décidait d’attraire devant le juge des référés du Tribunal de première instance de Douala la STPC aux fins de s’entendre ordonner la rétractation de l’Ordonnance n° 1073 du 06 mars 2000 parce que ne reposant, selon elle, sur aucune base légale et par voie de conséquence ordonner la discontinuation des poursuites entreprises par le requis à l’encontre de la requérante et donner mainlevée de la prise de possession pratiquée par Maître KAMWA Gabriel sous astreinte de 230.000 francs par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ; que statuant sur la requête ainsi formulée, le juge des référés, par l’Ordonnance n° 542 bis du 24 mars 2000, s’était déclaré incompétent pour contestation sérieuse ; que sur appel relevé de ladite ordonnance, la Cour d’appel du Littoral à Douala avait, par Arrêt n° 01/Réf du 11 octobre 2000, infirmé l’ordonnance entreprise, déclaré la juridiction des référés compétente, ordonné la rétraction de l’Ordonnance n° 1073 du 06 mars 2000 et la restitution immédiate des machines litigieuses ; que déféré par la suite à la censure de la Cour suprême du Cameroun, celle-ci avait, par son Arrêt n° 84-CC du 7 mars 2002, cassé ledit Arrêt n° 01/Réf puis remis la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ladite décision et pour être fait droit, renvoyé celles-ci devant la Cour d’appel de l’Ouest ; que statuant comme Cour d’appel de renvoi après cassation dans la cause opposant la STPC à UPS SA, la Cour d’appel de l’Ouest à Bafoussam avait rendu le 11 décembre 2002 l’Arrêt n° 31/Civ, objet du présent pourvoi ;

 

Sur la fin de non-recevoir

Vu l’article 28 du Règlement de procédure susvisé ;

Attendu que la STPC, défenderesse au pourvoi, invoque dans son mémoire en réponse en date du 22 septembre 2003, reçu au greffe de la Cour de céans le 1er octobre 2003, l’irrecevabilité du pourvoi formé par l’UPS SA au motif qu’il ressort des pièces produites par celle-ci que « ses statuts ne sont pas harmonisés et qu’il n’y a pas de registre de commerce (…) ; que UPS SA, depuis le début du différend, n’a pas prouvé devant les différentes juridictions saisies son existence légale conformément à l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (…) ; qu’elle est donc mal fondée à invoquer une législation qu’elle ne respecte pas elle-même » ; qu’en conséquence, elle demande à la Cour de céans « de déclarer son pourvoi irrecevable conformément à l’article 28 alinéa 5 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage » ;

Attendu que l’article 28 alinéa 4 du Règlement de procédure susvisé dispose que « si le requérant est une personne morale de droit  privé, il joint à sa requête : ses statuts ou un extrait récent du registre de commerce ou tout autre preuve de son existence juridique ; (…) » ;

Attendu que de l’analyse des dispositions susénoncées de l’article 28 alinéa 4 du Règlement de procédure susvisé, il ressort que l’obligation qui incombe au requérant, personne morale, qui saisit la Cour de céans d’un pourvoi en cassation n’est pas de produire à l’appui de sa requête des « statuts harmonisés » comme le prétend la défenderesse au pourvoi, mais plutôt de joindre à ladite requête « ses statuts ou un extrait récent du registre de commerce ou tout autre preuve de son existence juridique » ;

Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure qu’il est établi que UPS SA a produit ses statuts à l’appui de sa requête ; que ce faisant, elle s’est conformée aux dispositions susénoncées ; qu’il suit que le moyen n’étant pas fondé, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la STPC.

 

Sur le troisième moyen

Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, notamment en ses articles 9 à 15, 19 à 27, 336 et 337 ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dénaturé les faits de la cause et ainsi violé les articles 336 et 337 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel a considéré, dans la motivation de son arrêt attaqué, que « la prise de possession desdites machines par son propriétaire sur autorisation du juge des requêtes consacré aussi bien par la doctrine que par une abondante jurisprudence est régulière et n’a rien d’une voie de fait ; que la procédure dite d’injonction de délivrer invoquée par l’appelant n’est pas exclusive » pour rejeter la demande « de rétractation de l’Ordonnance n° 1073 du 06/3/2000 par laquelle la mesure querellée a été ordonnée » alors que, selon le moyen, aux termes des articles 336 et 337 de l’Acte uniforme susvisé, celui-ci non seulement « abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties » mais aussi est « applicable aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur » ; qu’ainsi, la procédure instituée par ledit Acte uniforme est la seule applicable ; que pour avoir statué en sens contraire, la Cour d’appel de Bafoussam a violé les dispositions sus-rappelées et exposé son arrêt à la cassation ;

Attendu que les articles 336 et 337 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « le présent Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties » et « le présent Acte uniforme sera applicable aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur » ;

Attendu que l’Acte uniforme susvisé institue à son titre II du livre I une procédure simplifiée tendant à la délivrance ou à la restitution d’un bien meuble déterminé, procédure qu’il détaille et précise en ses articles 19 à 27 ainsi qu’en ses articles 9 à 15 auxquels renvoie l’article 26 et qui traitent des voies de recours ouvertes ; qu’au regard des dispositions des articles 336 et 337 susénoncés, ladite procédure est désormais exclusive en la matière ; qu’il suit que la Cour d’appel, en considérant que la procédure susindiquée n’est pas exclusive, a violé les articles 336 et 337 précités et exposé son arrêt à la cassation ; qu’il échet de casser ledit arrêt sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi et d’évoquer ;

Sur l’évocation

Attendu que dans son acte d’appel en date du 28 juin 2000 enregistré le même jour au greffe de la Cour d’appel du Littoral sous le n° 976 par lequel elle a déclaré interjeter appel contre l’Ordonnance n° 542 bis rendue le 24 mars 2000 par le Président du Tribunal de première instance de Douala, l’UPS SA soutient que la question de droit posée à la juridiction des référés et reste posée à la Cour d’appel est celle de savoir sur quel fondement de droit a été prise l’Ordonnance sur requête n° 1073 du 06 mars 2000 autorisant la prise de possession des machines litigieuses par la STPC ; que ce problème de droit, poursuit-elle, ne constitue guère une contestation sérieuse sur le fond du litige pour justifier la déclaration d’incompétence du juge des référés par l’Ordonnance n° 542 bis du 24 mars 2000 ; qu’elle réclame donc l’infirmation et l’annulation de ladite ordonnance d’incompétence, au motif que c’est à tort que ledit juge s’est déclaré incompétent en dénaturant les faits de l’espèce ; que de même elle réclame l’annulation de l’Ordonnance n° 1073 du 06 mars 2000 parce que ne reposant sur aucune base légale pour avoir été prise en violation des articles 19 à 27 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, seule loi applicable en l’espèce conformément aux articles 336 et 337 dudit Acte uniforme ; qu’en conséquence, elle demande à la Cour « de rétracter ladite ordonnance et de la mettre à néant, [d’]ordonner la restitution à l’appelante des machines enlevées sur la base de ladite ordonnance, sous astreinte de 1.000.000 F par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir [et de] condamner les intimés aux entiers dépens » ;

Attendu que la STPC, intimée, soutient en substance, pour sa part, que « la Société UPS étant dissoute et de ce fait juridiquement inexistante, une action judiciaire en injonction de délivrer était vouée à l’échec faute de défendeur… ; que la prise de possession d’un bien par son légitime propriétaire au travers d’une ordonnance du juge des requêtes est régulière… qu’en tout cas, UPS SA qui ne pouvait établir son existence légale, ni produire un registre de commerce et des statuts harmonisés conformément à la législation OHADA après le 28 décembre 1999, date de cession des machines litigieuses est mal fondée à se prévaloir de cette législation » ;

Sur la compétence du juge des référés

Attendu, comme il est indiqué lors de l’examen ci-dessus du troisième moyen de cassation, que désormais la demande de délivrance ou de restitution d’un bien meuble déterminé ne peut se faire que suivant la procédure simplifiée tendant à la délivrance ou à la restitution instituée au Titre II du livre I de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que le juge compétent pour connaître de ladite procédure est celui prévu audit Titre II du livre I de l’Acte uniforme susindiqué et non le juge des référés ;

Sur la demande d’annulation des Ordonnances n° 542 bis du 24 mars 2000 et n° 1073 du 06 mars 2000

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu d’annuler l’Ordonnance n° 542 bis rendue le 24 mars 2000 par le Juge des référés du Tribunal de première instance de Douala ainsi que l’Ordonnance sur requête n° 1073 rendue le 06 mars 2000 par la juridiction présidentielle dudit Tribunal ;

Sur la demande de restitution des machines enlevées sur la base de l’Ordonnance n° 1073 du 06 mars 2000 sous astreinte d’un million de francs par jour de retard

Attendu que l’Ordonnance sur requête n° 1073 du 06 mars 2000 qui a permis l’enlèvement des machines devant être annulée comme indiqué ci-dessus, il échet d’ordonner la restitution desdites machines enlevées par la STPC sur la base de ladite ordonnance sous astreinte de cent mille francs CFA par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;

Attendu que la STPC ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 31/Civ. rendu le 11 décembre 2002 par la Cour d’appel de l’Ouest à Bafoussam (CAMEROUN) ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Annule les Ordonnances n° 542 bis du 24 mars 2000 et n° 1073 du 06 mars 2000  rendues respectivement par le Juge des référés et le Juge des requêtes du Tribunal de première instance de Douala ;

Ordonne la restitution des machines enlevées sur la base de ladite Ordonnance n° 1073 du 06 mars 2000 sous astreinte de 100.000 francs CFA par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne la Société de Transformation des Plastiques du Cameroun dite STPC SARL aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

 

Le Président

Le Greffier