ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième Chambre

Audience Publique du 1er février 2007

Pourvoi n° 075/2003/ PC du 02 septembre 2003

 Affaire : Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, S.A

                       (Conseils : Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO et Associés, Avocats à la Cour)

Contre

                Société de DISTRIBUTION de PRODUITS ALIMENTAIRES

                de MARCHANDISES DIVERSES dite SODISPAM, S.A

                (Conseil : Maître BLE Douahy, Avocat à la Cour)

      En présence de la BANK OF AFRICA

                (Conseils : la SCPA BOA et AKRE TCHAKRE, Avocats à la Cour)            

ARRET N°002/2007 du 1er février 2007

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 1er février 2007 où étaient présents :

 

  1. Antoine Joachim OLIVEIRA,         Président, rapporteur

Doumssinrinmbaye BAHDJE,                Juge

Boubacar DICKO,                             Juge

 et  Maître ASSIEHUE Acka,                 Greffier ;

 

Sur le pourvoi formé par Maîtres DOGUE, ABBE YAO et Associés, Avocats à la Cour, y demeurant 29, Boulevard CLOZEL, 01 B.P. 174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, S.A, dont le siège social est à Abidjan, Boulevard de Vridi, 01 B.P. 1751 Abidjan 01, dans une cause l’opposant à la Société de DISTRIBUTION de PRODUITS ALIMENTAIRES de MARCHANDISES DIVERSES dite SODISPAM, S.A dont le siège social est à Abidjan Treichville, Zone 2 B, Rue des Selliers, 20 B.P. 1487 Abidjan 20, ayant pour conseil Maître BLE DOUAHY, Avocat à la Cour, demeurant 20, Avenue du Général de Gaulle, immeuble LE PETIT BASSAM, 1er étage,en cassation de l’Arrêt n° 177 rendu le 18 février 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est ainsi conçu  :

 

« Statuant  publiquement, contradictoirement en matière de référé et en premier ressort :

Déclare recevable mais mal fondé et rejette comme tel, l’appel relevé par la Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, de l’Ordonnance de référé n° 4494/2002 rendue le 18 septembre 2002 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;

Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;

Condamne l’appelante aux dépens…» ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14  du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que la Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, S.A s’est engagée par une convention de fournitures de marchandises à livrer à crédit à SODISPAM, S.A avec laquelle elle avait noué des relations d’affaires, divers produits que celle-ci commandait ; qu’afin de permettre à la Société SODISPAM, S.A de lui payer ses approvisionnements, la Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, S.A a consenti à celle-ci un crédit d’un montant de 580.000.000 de francs CFA garanti à concurrence de 335.000.000 de francs CFA par deux cautions constituées par  la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de Côte d’Ivoire et la Bank of Africa ; qu’après avoir honoré les premières commandes de la SODISPAM, S.A, la Société UNILEVER, S.A, soutenant que des traites tirées par elle et acceptées par la SODISPAM, S.A en paiement de certaines livraisons de marchandises demeurent impayées a, d’une part, interrompu l’exécution de la convention susindiquée, d’autre part, réduit de 100.000.000 de francs CFA le montant du crédit accordé à la SODISPAM, S.A et, enfin, renouvelé les cautionnements ; que prétendant que les agissements de la Société UNILEVER COTE d’IVOIRE, S.A avaient compromis sa situation financière, la SODISPAM, S.A, par requête en date du 02 septembre 2001, a saisi la juridiction des référés d’Abidjan afin de solliciter, en application de l’article 245 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, la suspension du paiement desdits effets de commerce demeurés impayés, ainsi qu’une expertise comptable ayant pour objet de déterminer le préjudice subi du fait « des agissements » susindiqués de la Société UNILEVER ; que par Ordonnance de référé n° 4494/2002 du 18 septembre 2002, ladite juridiction des référés a fait droit à la requête de la SODISPAM, S.A ; que par Arrêt n° 177 du 18 février 2003, objet du présent pourvoi, rendu sur appel de la Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, S.A, la Cour d’appel d’Abidjan a confirmé ladite ordonnance entreprise ;

 

Sur le deuxième moyen

Attendu que la Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, S.A reproche à l’Arrêt attaqué d’avoir ordonné, d’une part, en application de l’article 24.5 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial, la suspension de paiement des traites litigieuses, alors qu’en ayant livré les marchandises commandées par la Société SODISPAM, S.A, en paiement desquelles elle avait tiré sur cette dernière, qui les avait acceptés, lesdits effets de commerce, il ne pouvait lui être reproché ni une insuffisance dans sa capacité d’exécution, ni une insolvabilité, ni une manière défectueuse d’exécuter le contrat conclu entre les parties, d’autre part, une expertise comptable destinée à établir le préjudice subi par la Société SODISPAM, S.A alors que cette dernière, de par son acceptation desdits effets de commerce, était obligée de les payer à leur échéance, de sorte que la Cour d’appel d’Abidjan n’a pas donné de base légale à sa décision, laquelle doit être cassée ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure que les effets de commerce suspendus, avaient été émis par la Société SODISPAM, S.A en règlement de commandes de marchandises passées et à elle livrées par la Société UNILEVER-CI, ce qui rendait en tout état de cause, obligatoire leur paiement à cette dernière, paiement qui avait d’ailleurs été requis par « une sommation interpellative de payer » la somme due de 432.182.621 francs CFA, en date du 18 octobre 2002, demeurée infructueuse ; que dans ces circonstances, en statuant comme il l’a fait alors, d’une part, que l’exception d’inexécution prévue par l’article 245 susindiqué ne pouvait être opposée au paiement desdits effets de commerce qu’en considération des conditions strictes prévues par la législation sur les instruments de paiement, lesquelles ne pouvaient être  appréciées par le juge des référés, alors, d’autre part, qu’il n’appartenait pas à celui-ci de prononcer la mesure tendant à l’allocation de dommages intérêts, la Cour d’appel d’Abidjan, statuant en référé, a excédé les limites de sa compétence ; qu’il échet en conséquence de casser l’Arrêt attaqué, et d’évoquer sans qu’il soit besoin de statuer sur le premier moyen ;

 

Sur l’évocation

Attendu que la Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, S.A soulève « in limine litis », d’une part, l’incompétence du juge des référés en ce qu’il se pose des questions de fond à résoudre dans le domaine du contrat commercial, qu’en outre le juge des référés ne peut désigner un expert comptable et ordonner la suspension du paiement des traites émises et valables au regard de la législation sur les instruments de paiement ;

 

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux relevés lors de l’examen du moyen de cassation retenu, il y a lieu de dire et juger, qu’en la cause le juge des référés était incompétent et qu’il échet par conséquent d’infirmer, en toutes ses dispositions, l’ordonnance entreprise ;

 

Attendu que la Société SODISPAM, S.A ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 177 rendu le 18 février 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant

Reçoit l’exception d’incompétence de la juridiction des référés soulevée par la Société UNILEVER COTE D’IVOIRE, S.A ;

Dit que le juge des référés était incompétent  pour statuer en la cause ;

Infirme en conséquence, en toutes ses dispositions, l’Ordonnance de référé n° 4494 rendue le 18 septembre 2002 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Ordonne la rétractation de ladite ordonnance ;

Condamne la Société de Distribution de Produits Alimentaires de Marchandises Diverses dite SODISPAM, S.A aux dépens.

 

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

 

 Le Président
Le Greffier