ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Audience Publique du 26 février 2004
Pourvoi n° 019/2002/ PC du 30 avril 2002
Affaire : Assita Neya COULIBALY
(Conseil : Maître TAPE Manakalé Ernest, Avocat à la Cour)
contre
Société RANK XEROS – CI
(Conseils : SCPA KANGA & Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N° 009/2004 du 26 février 2004
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 février 2004 où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge-rapporteur
Boubacar DICKO, Juge
Biquezil NAMBAK Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire Assita Neya COULIBALY contre Société RANK – XEROS-CI, par Arrêt n°76/02 du 17 janvier 2002 de la Cour Suprême de COTE d’IVOIRE, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié le 13 juin 2001 par Maître TAPE Manakalé Ernest, Avocat à la Cour, demeurant 16, avenue Houdaille, immeuble T.A.S., R.D.C, 01 BP 176 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Assita Neya COULIBALY, enregistré sous le n°2001-241 CIV du 13 juin 2001 contre l’Arrêt n°305 rendu le 12 mars 1999 par la Cour d’appel d’Abidjan au profit de la Société RANK-XEROS-CI, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme :
Déclare la Société RANK XEROS recevable en son appel relevé le 14 octobre 1998 du jugement civil contradictoire n°120 rendu le 18 février 1998 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;
Au fond :
L’y dit bien fondée ;
Infirme ledit jugement ;
Statuant à nouveau :
Se déclare incompétent ;
Renvoie demoiselle ASSITA NEYA COULIBALY à se pourvoir devant le Tribunal du travail d’Abidjan ;
La condamne aux dépens, distraits au profit de Maître BOUAH KAMON, Avocat aux offres de droit » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen de cassation tel qu’il figure à l’ « exploit aux fins de pourvoi en cassation » annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par exploits en dates des 06 et 26 février 1996, Assita Neya COULIBALY saisissait le Tribunal de Première Instance d’Abidjan en vue de voir condamner la Société RANK XEROS–CI à lui payer la somme de 7.460.496 F.CFA au titre des commissions dues et assortir la décision à intervenir d’une astreinte comminatoire de 75.000 francs par jour de retard ; que par Jugement n°120 du 18 février 1998 ledit tribunal condamnait RANK XEROS-CI à payer à Assita Neya COULIBALY la somme de 7.460.496 FCFA au titre des commissions dues ; que sur appel de RANK-XEROS-CI, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°305 du 12 mars 1999, dont pourvoi, infirmait le jugement attaqué, se déclarait incompétente et renvoyait Assita Neya COULIBALY à se pourvoir devant le Tribunal du travail d’Abidjan ;
Sur la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué un manque de base légale résultant de l’insuffisance des motifs en ce que la Cour d’appel, pour se déclarer incompétente et renvoyer les parties à se pourvoir devant le Tribunal du travail, a estimé « qu’il est constant que la demoiselle Assita Neya COULIBALY a été engagée courant 1989 par la Société RANK – XEROS-CI en qualité de vendeuse, moyennant un salaire mensuel constitué essentiellement de commissions ; … que pour vérifier si l’intimée était salariée ou non, le salaire n’est pas un élément déterminant, dès lors que celui-ci peut être constitué de commissions comme en l’espèce… qu’en effet, en plus de la prestation de travail et du salaire, il faut rechercher un lien de subordination de l’employé vis-à-vis de l’employeur… que la demoiselle Assita ne conteste pas qu’elle était soumise aux horaires de travail et à la discipline de la Société RANK-XEROS-CI… que de surcroît elle reconnaît elle-même avoir la qualité de salarié » alors que, selon le moyen, le problème de droit qui était soumis à la Cour et dont la réponse était attendue de tous était de dire si un contrat de vendeuse libre, pour la conclusion duquel une inscription au registre de commerce et un compte contribuable sont exigés du vendeur libre, peut–il se muer par la suite en un contrat de travail ; que selon la requérante, le code du commerce [l’Acte uniforme portant sur le droit commercial] donne une réponse négative en ses articles 184 et suivants ; que l’article 184 définit l’agent commercial comme « un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé de façon permanente de négocier, et éventuellement, de conclure des contrats de vente… au nom et pour le compte… d’industriels, … sans être lié envers eux par un contrat de travail » et l’article 188 précise que « tout élément de rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission » ; que de ce qui précède, il est aisé de conclure que la requérante n’a pas conclu un contrat de travail mais plutôt un contrat d’agent commercial avec la société RANK-XEROS-CI, l’agent commercial devant distribuer les produits (matériels) du mandant, agit nécessairement conformément aux directives liées aux caractéristiques du matériel sans que ces directives ne le placent dans un état de subordination ; qu’enfin l’agent commercial doit agir dans l’intérêt bien compris du commettant et vice-versa comme le révèle l’article 185 aux termes duquel « les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties » ;
Attendu que par Arrêt n°76/02 du 17 janvier 2002, la chambre judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE s’est dessaisie du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans au motif que l’affaire soulève des questions relatives à l’application des Actes uniformes, précisément l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général, notamment les articles 184, 185 et 188 ;
Mais attendu que l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application commune des Actes uniformes et, saisie par voie du recours en cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales, ainsi que dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, entré en vigueur le 1er janvier 1998, n’avait pas intégré l’ordre juridique interne de la République de COTE D’IVOIRE aux dates des exploits introductifs d’instance, soit les 08 et 26 février 1996 et qu’il ne pouvait de ce fait être applicable ; que dans ce contexte spécifique, aucun grief ni moyen relatif à l’application de l’Acte uniforme invoqué n’avait pu être formulé et présenté devant les juges du fond ; que dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en matière contentieuse, telles que précisées à l’article 14 susvisé n’étant pas réunies, il y a lieu de se déclarer incompétent et renvoyer l’affaire devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ;
Attendu qu’il y a lieu de réserver les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente ;
Renvoie l’affaire devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ;
Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef