ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

Audience publique du 02 février 2012

Pourvoi : n°068/2006/ PC du 11 août 2006

Affaire : Société SUBSAHARA SERVICES INC dite SSI

                    (Conseils : – SCPA Bilé-Aka, Brizoua-Bi & Associés, Avocats à la Cour

                              –  Maître Barthélémy Cousin, Avocat à la Cour)

                          contre

               SANY QUINCAILLERIE dite SANY

               (Conseil : Maître Josué NGADJADOUM, Avocat à la Cour)

ARRET N°002/2012 du 02 février 2012

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 février 2012 où étaient présents :

Messieurs : Maïnassara MAIDAGI,                                          Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                         Juge

Madame      Flora DALMEIDA MELE,                                 Juge, rapporteur

et Maître ASSIEHUE Acka,                                  Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 11 août 2006  sous le n°068/2006/ PC et formé par la SCPA  Bilé-Aka, Brizoua-Bi & Associés, Avocats à la Cour, sise 7, Boulevard Latrille, Abidjan-Cocody, 25 B.P. 945 Abidjan 25 et Maître Barthélémy Cousin, Norton Rose, Avocat au barreau de Paris, 42, rue Washington 75408 Paris Cedex 08, agissant au nom et pour le compte de la société SUBSAHARA SERVICES INC, société domiciliée au 4100 Clinton Dr., Houston, Texas 77020 (Etats Unis) représentée notamment par J. Robert  TAYLOR, Vice Président , y domicilié, dans la cause l’opposant à  SANY QUINCAILLERIE dite SANY, ayant pour conseil, Maître Josué NGADJADOUM, Avocat au barreau de N’Djaména, B.P. 5554 N’Djamena – TCHAD,  en cassation de l’Arrêt n°55/06 rendu le 25 avril 2006  par la Cour d’appel de N’djaména et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile, commerciale, coutumière et en dernier ressort ;

En la forme : Déclare recevables les appels des parties ;

Au fond : confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

Condamne l’appelant principal aux dépens… ; » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois  moyens de cassation  tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la Société SUBSAHARA SERVICES INC dite SSI, a , dans le cadre du « projet pétrolier Doba », dressé une liste de fournisseurs nationaux tchadiens  susceptibles de lui fournir les matériels et services nécessaires à la réalisation dudit projet ; que SANY QUINCAILLERIE dite SANY fut  l’un de ses principaux fournisseurs avec qui elle a passé plus d’une centaine de commandes selon différentes procédures, en fonction du prix et de l’urgence des matériels et/ou des services commandés ; que les commandes étaient  passées soit directement auprès de SANY par acceptation d’une offre écrite de sa part, soit directement en lui adressant un bon de commande, soit enfin par appel d’offres consistant  pour la SSI à  l’envoi  aux  fournisseurs potentiels de  la liste des marchandises ou services dont elle a besoin sur un document  intitulé  ¨réquisition¨ et que c’est à la suite de l’acceptation de l’offre présentée sous la forme d’une  facture proforma  établie  par le fournisseur que la SSI  émet  un bon de commande ; qu’à la suite d’une mésintelligence marquée par de nombreux incidents entrainant la dégradation des relations entre elles, SANY exhumait des  appels d’offres au titre desquels elle a été consultée, prétextant, sur la base des documents précontractuels notamment la ¨réquisition¨ de la SSI et  ses   factures proforma,  qu’il s’agissait des commandes fermes  dont  la SSI ne s’est pas acquittée des paiements ; qu’elle  saisissait à cet effet  le  Tribunal  de première instance de Ndjamena qui,  par jugement du 06 octobre 2004, condamnait  la SSI à lui  payer  la somme de 490 658 518 de francs  au titre de dommages et intérêts dont 10 000 000 de  francs à titre de provision ;  que sur appel de la SSI, la Cour d’appel de Ndjamena  rendait le  25 avril 2006 l’Arrêt n° 55/06   dont pourvoi ;

Sur la recevabilité du pourvoi

Attendu que  SANY  soulève  in limine litis  l’irrecevabilité du pourvoi tirée de la violation, d’une part, de l’article  28.1 du Règlement de procédure en ce que la décision attaquée n’a pas été signifiée à  la SSI, alors, selon  le Règlement, que le recours est présenté au greffe dans les deux mois de la signification de la décision attaquée et, d’autre part, de l’article 94 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution aux motifs que  le commandement de payer n°227/EMEME/06 du 29 mai 2006 produit par SSI, est signifié à domicile élu alors qu’il doit l’être à personne ou à domicile  et  le commandement n’ayant pas le même effet que la  signification, il ne peut valoir signification ;

Mais attendu qu’au regard des dispositions de l’article 28.1 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage,  le recours est présenté au greffe dans les deux mois de la signification de la décision attaquée ; que  la signification de l’arrêt n’étant pas une condition de recevabilité du recours mais marquant  plutôt le point de départ de la computation du délai dans lequel doit être exercé le recours, l’absence de signification n’a dès lors aucune incidence sur la recevabilité du pourvoi ; que s’agissant de la violation  de l’article 94 de l’Acte uniforme  précité qui dispose que « le commandement doit être signifié à personne ou à domicile. Il ne peut être signifié à domicile élu. Il peut être délivré dans l’acte de signification du titre exécutoire.», celle-ci ne peut non plus avoir une incidence sur la recevabilité du pourvoi en raison de ce qu’un commandement n’a pas les mêmes effets que la signification ; que dès lors, l’irrecevabilité du pourvoi  tirée de la violation des dispositions sus évoquées  ne peut être accueillie ;

Sur le premier moyen

Vu l’article 210 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général

Attendu que la SSI fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 210  de l’Acte   uniforme susindiqué en ce que, pour la condamner à indemniser SANY QUINCAILLERIE, la Cour d’appel a considéré les documents intitulés ¨réquisitions¨   comme des offres fermes dont l’acceptation par SANY  aurait donné lieu à la formation de contrats alors, selon le moyen, que lesdites  ¨réquisitions¨  ne sont que des listes indiquant le type et la quantité de matériels souhaités et le délai de leur livraison  n’exprimant nullement la volonté de la SSI d’être liée en cas d’acceptation ni ne contenant aucune indication permettant de déterminer le prix ;

Attendu que l’article 210 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général  dispose qu’ « une proposition de conclure un contrat adressée à un ou plusieurs personnes déterminées constitue une offre si elle est suffisamment précise et si elle indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation.

Une proposition est suffisamment précise lorsqu’elle désigne les marchandises, et, expressément ou implicitement, fixe la quantité et le  prix ou donne les indications permettant de les déterminer. » ;

 

Attendu  que  l’examen des  quatre  (04) réquisitions litigieuses référencées  Z 5748 A, Z 5492 AM, Z 5192 A, Z 4631 D  montre que  celles-ci sont des listes indiquant des marchandises, la quantité à fournir  sans aucune indication  de prix à pratiquer  et ne  font nulle  part mention  de  la volonté de l’auteur d’être lié, en cas d’acceptation ; que de surcroît la  présentation  des tableaux de comparaison sur lesquels figurent  les noms de plusieurs fournisseurs  intéressés  par les ¨réquisitions ¨  et  les  prix différemment pratiqués démontre à suffisance que ces réquisitions  constituent une proposition de contracter  avec celui   qui   pratiquerait  les meilleurs prix  et  que  l’offre est  ainsi  subordonnée à la sélection du  fournisseur  compétitif  à qui  la SSI émet un  bon de commande ; qu’en retenant que « les réquisitions émanant de SSI peuvent être considérées comme offre conformément à l’article 210 de l’Acte uniforme aux motifs qu’elles sont assorties d’un délai bien déterminé, désignent  les marchandises, fixent  leur quantité et donne des indications permettant de déterminer les prix et qu’après présentation des factures proforma dans le délai imparti SSI  ne les a pas révoqué[es]  à temps, ce qui vaut acceptation »,   la Cour d’appel,  qui  a manqué de  relever deux des caractéristiques  de l’ offre, lesquelles  portent  sur la volonté de l’auteur de celle-ci  d’être lié en cas d’acceptation et le défaut de l’indication  du prix sur les¨ réquisitions¨, a violé les dispositions de l’article 210 de l’Acte  uniforme susindiqué, exposant ainsi à la cassation son arrêt  confirmatif ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué, d’évoquer et statuer sur le  fond sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;

 

SUR L’EVOCATION

Attendu que par déclaration reçue au greffe le 07 octobre 2004, Maître Jean Bernard PADARE, Avocat à la Cour, a, pour le compte de la Société SUBSAHARA,   relevé appel du Jugement n° 660/04  rendu le 06 octobre 2004 par le Tribunal de première instance de N’Djaména  dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement contradictoirement à l’égard des parties,  en matière civile, commerciale et coutumière et en premier ressort,

Déclare SANY QUINCAILLERIE  recevable et fondée en son action ;

Condamne la société SUBSAHARA  à lui payer la somme de 490 658 518 francs

Ordonne une exécution à hauteur de 10 000 000 francs nonobstant toutes voies de recours ;

Condamne SUBSAHARA aux dépens ;… » ;

Attendu que Maître NGADJADOUM Josué, Avocat à la Cour,  a, pour le compte de SANY, interjeté appel incident dudit jugement ;

Attendu qu’au soutien de son appel, la SSI rappelle qu’elle a pour activité la construction et la maintenance des installations de surface du projet pétrolier de DOBA au TCHAD ; qu’à cet effet, pour  ses commandes, elle a établi une liste des fournisseurs nationaux sur laquelle  figure SANY QUINCAILLERIE et a élaboré une procédure  ainsi décrite pour les commandes en prenant en considération l’urgence  de sa  demande, la disponibilité de matériels ou marchandises  chez les fournisseurs et  le prix :

  • pour les commandes disponibles ou urgentes mais de faibles montants, émission d’un bon de commande directement auprès du  distributeur choisi ;
  • pour les commandes plus importantes dont le montant excédait 10 000 USD et aujourd’hui 25 000 USD, appel d’offres par consultation préalable de trois fournisseurs au minimum qui consiste en l’envoi d’une lettre d’appel d’offres  rédigée en français et en anglais accompagnée d’un formulaire dit « réquisition » détaillant les spécificités de la commande ;
  • ensuite les réponses des  fournisseurs par la production de  factures  proforma  qui en réalité sont des  devis   où est  reprise la liste des matériels avec l’indication du prix unitaire et des délais de livraison font l’objet d’analyses dans « un tableau de comparaison » afin d’identifier le  fournisseur le plus compétitif en terme de prix et de délai de livraison ;
  • enfin émission d’un bon de commande  au fournisseur sélectionné pour livraison des marchandises ;

Attendu que la société SUBSAHARA INC allègue  qu’à l’instar des  autres fournisseurs tchadiens et selon la procédure susindiquée, SANY QUINCAILLERIE avait présenté ses offres  sous forme  des factures proforma en réponse à des réquisitions qu’elle leur avait  adressées  et s’est vu adjuger cent soixante dix (170) commandes intégralement payées ; que sur les quatre (04) réquisitions référencées Z 4866, Z 5192, Z 5492,  Z 4631, que SANY prétend être des offres fermes et que SSI resterait redevable, seule la réquisition  Z 4866 A lui a été attribuée et le prix de la commande payé ; que les réquisitions ne sont que des documents précontractuels donc de simples invitations à soumissionner et non de commandes fermes ; que c’est ainsi que  les réquisitions  Z 5192 et Z 5492 objet d’appels d’offres ont été respectivement remportées par VIP SERVICE a qui  SSI a émis  le 16 mars 2002 un bon de commande et CLIMA TCHAD  pour qui le  bon de commande a été émis par SSI  le 27 février 2002 ; que  la réquisition Z 4631 ayant  fait l’objet d’un appel d’offre au titre duquel SANY a été consultée,   le processus a été interrompu par SSI en janvier 2002 et n’ a fait l’objet d’aucune commande ; que prétextant une confusion sur la réquisition Z 4866 A reconnue payée, SANY exhibe  la réquisition Z 5748 dont la facture s’élève à   95 565 000 F CFA qui a déjà été honorée par SSI  est un faux en écriture fabriqué par SANY à partir de la véritable facture, seul le numéro de l’appel d’offre ayant changé ;

Attendu que SSI affirme que le document  d’appel d’offres intitulé ¨réquisition¨  est suffisamment précis en ce qu’il est une  liste comprenant  la quantité et la spécification technique des matériels ;  que par contre il n’indique nullement la volonté de l’auteur d’ être lié en cas d’acceptation et que les réquisitions  ne sont que de simples propositions d’offres qui ne peuvent  engager SSI ; qu’ainsi l’appel d’offre n’est pas une offre ferme mais une offre conditionnelle subordonnée à l’établissement d’un tableau de comparaison des offres par les fournisseurs potentiels  pour retenir le plus compétitif ; qu’en l’absence du prix et de  la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation,  SANY est mal fondée à solliciter le paiement des dommages- intérêts et le jugement des premiers juges doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que dans son recours en cassation, la SSI demande à la Cour de céans, après cassation et évocation, d’ordonner à la SANY QUINCAILLERIE à lui restituer la somme de 10.000.000 FCFA, qu’elle lui a versée en exécution du  jugement du 06 octobre 2004 du Tribunal de première instance de Ndjaména l’ayant condamnée au paiement de la somme de 490 658 518 F CFA à titre de dommages-intérêts dont 10 000 000 F CFA  de provision ;

Attendu que la SSI estime l’action de SANY abusive et sollicite reconventionnellement sa condamnation  au paiement de la somme de 100 000 000 FCFA ainsi qu’en tous dépens ;

Attendu que dans ses conclusions d’appel incident, SANY QUINCAILLERIE soutient qu’elle est en relation commerciale avec SUBSAHARA depuis trois ans dans le cadre du projet pétrolier tchadien et a été pour cela adjudicataire de plusieurs réquisitions ; que courant août et novembre 2001, plusieurs réquisitions tenant lieu de bons de commande lui ont été envoyées par SSI pour la fourniture de divers matériels et équipements en hors douane avec livraison soit à Paris Charles de Gaulle, soit à N’Djaména ;

Que ces réquisitions,  au nombre de  neuf  (09) dont  quatre (04)  font l‘objet de la présente procédure, sont les suivantes :

  • Réquisition N° Z 5788 A câbles pour un montant de 96 565 000 francs
  • Réquisition N° Z 5492 AM disjoncteur pour un montant de 43 000 140 francs
  • Réquisition N° Z 5192A fil d’attache pour un montant de 88 800 000 francs
  • Réquisition N° Z 4631D câbles pour un montant de 145 330 000 francs ;

Que ces réquisitions qui sont des offres fermes n’ont pas été honorées par SSI alors que son ex directeur des achats les a confirmées comme étant fermes ;

Que pour satisfaire ces commandes elle  a obtenu auprès de sa banque un prêt qui lui  a permis d’engager d’énormes frais relatifs à ses déplacements à l’étranger, à la manutention, au transport pour ramener les marchandises qui sont disponibles à l’aéroport de Ndjamena,  lieu de leur livraison ; que face à l’obstination de  la SSI qui   refuse  de prendre livraison des marchandises et enregistrant d’énormes préjudices suite aux frais d’entrepôt et de remboursement de prêts, elle a saisi le tribunal civil de N’Djaména pour obtenir  la  condamnation de la  SSI au paiement de la somme de 550 000 000  francs toutes causes de préjudices confondues, les dépenses sur pièces justificatives s’élevant présentement à la somme de 490 658 518 francs immédiatement exigible ;

Qu’elle maintient que lesdites  réquisitions assorties d’un délai bien déterminé et désignant les marchandises, fixant la quantité et donnant les indications permettant de déterminer le prix sont des offres conformément à l’article 210 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général dès lors qu’après présentation des factures proforma de SANY QUINCAILLERIE dans le délai imparti à travers les différentes réquisitions, SSI ne les a pas révoquées à temps ; que les réquisitions étant fermes, la réponse de SANY QUINCAILLERIE vaut acceptation ;

Qu’elle  renchérit  que leurs relations sont basées sur la rapidité et  la confiance de sorte que  la réquisition seule suffit  pour qu’elle livre les marchandises à SSI en citant quelques cas et  affirme que le bon de commande ne sert qu’au paiement et à tenir la comptabilité développant  ainsi leurs usages et habitudes ; que  cette thèse est confortée par les correspondances de monsieur Claude FOUASSEAU, ancien directeur des achats de la SSI qui a confirmé la fermeté des réquisitions en rappelant les usages consentis par les parties dans leur relation commerciale qui repose simplement sur les réquisitions tenant lieu de commande ferme ce, conformément à l’article 207 alinéa 1er de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ; qu’elle  sollicite donc de la Cour, la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il est entré en voie de condamnation contre SUBSAHARA mais sa réformation en ce qui concerne le quantum en le rehaussant à la somme de 550 000 000 francs pour tous préjudices confondus ;

Sur  les réquisitions comme offres fermes

Attendu que l’article  210 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général dispose que « une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes déterminées constitue une offre si elle est suffisamment précise et si elle indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation.

Une proposition est suffisamment précise lorsqu’elle désigne les marchandises, et, expressément ou implicitement, fixe la quantité et le prix ou donne les indications permettant de les déterminer. » ;

 

Attendu qu’au sens de l’article 210 susénoncé, une proposition de conclure  ne devient offre que si, faite à personne déterminée, elle est suffisamment précise et indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ;

Attendu qu’à l’examen, les  quatre réquisitions litigieuses  se présentent  comme de simples  listes indiquant la nature et la quantité des marchandises  à fournir et que   l’emplacement réservé à la fixation des prix est en blanc ; qu’en outre l’existence des différents tableaux comparatifs comportant les noms de plusieurs fournisseurs  intéressés  par les « réquisitions » et  les  prix démontre à suffisance qu’adressées à plusieurs fournisseurs, ces réquisitions  constituent une proposition de contracter  avec celui   qui   pratiquerait  les meilleurs  prix  et non une offre ferme puisque l’émission  du bon de commande qui constitue  l’offre liant la SSI au fournisseur,  est subordonnée à la sélection du  fournisseur  compétitif ;

Que par ailleurs, en analysant les documents intitulés «Single Source Justification» produits  par SANY contenant  les mentions : « best price (meilleur prix) pour la réquisition Z 5784 A, best delivery (meilleure livraison) pour la réquisition Z 5492 AM, best price and delivery (meilleurs prix et livraison) pour la réquisition Z 4631 D » il y a lieu de  conclure  que  les réquisitions concernées  sont des invitations adressées à plusieurs fournisseurs de soumettre leur meilleure offre dans le cadre d’une concurrence et non  des offres fermes ;

Qu’en définitive, la ¨réquisition¨ n’est  qu’une   proposition  de conclure puisque ne remplissant pas toutes les conditions d’une offre au sens de l’article   210 de l’Acte uniforme relatif au droit  commercial général à savoir la précision de l’offre en l’occurrence le prix et l’absence de la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ;

Attendu qu’en considérant, sur le fondement de l’article 210 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général,  les réquisitions litigieuses comme offres fermes emportant ainsi la condamnation de la SSI au paiement de la somme de 490 658 518 francs assortie d’une  exécution provisoire à hauteur de 10 000 000 francs nonobstant toutes voies de recours, les premiers juges ont fait une mauvaise application de la loi et leur décision  doit être infirmée ; qu’en conséquence, SANY qui a sollicité que le montant accordé par les premiers juges soit rehaussé à 550 000 000  francs toutes causes de préjudice confondues doit être débouté de sa demande en paiement ;

Sur les usages et habitudes

Attendu que SANY  évoque l’article 207 alinéa 1er de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général qui  énonce qu’ « en matière de vente commerciale, les parties sont liées aux usages auxquels elles ont consenti et par les habitudes qui se sont établies dans leur relation commerciale » pour démontrer  les usages et habitudes installés entre eux  en soutenant que  leurs relations étant  fondées  sur la rapidité et la confiance,  les usages consentis par elles  dans leur relation commerciale   reposent  simplement sur les réquisitions tenant lieu de commande ferme et  que la réquisition seule suffit  pour qu’elle livre les marchandises à SSI ;

Attendu que SSI rétorque que les usages entre les parties sur plus d’une centaine de commandes passées avec SANY repose sur l’envoi des réquisitions aux différents fournisseurs qui constituent de simples appels d’offres et que c’est à la suite de la présentation par les fournisseurs  de leurs  factures proforma reprenant la liste des marchandises et leur quantité figurant sur les réquisitions avec cette fois les prix que la SSI, après  étude du tableau  de comparaison,  procède à la sélection du fournisseur à qui est délivré un bon de commande ;

Attendu que l’alinéa 2 de l’article 207 suscité retient que « la volonté et le comportement d’une partie doivent être interprétés selon le sens qu’une personne raisonnable, de même qualité que l’autre partie, placée dans la même situation, leur aurait donné.» ;

Attendu que l’article 206 du même Acte uniforme indique qu’ « en matière de vente commerciale, la volonté et le comportement d’une partie doivent être interprétés selon l’intention de celle-ci,  lorsque l’autre partie connaissait ou ne pouvait ignorer cette intention.» ;

Attendu que SANY qui reconnaît avoir été adjudicataire de plus de 170 commandes de SSI, attribuées à la suite des appels d’offres lancés sous forme de  ¨réquisitions¨ qui ont abouti  à son choix comme meilleur compétiteur, ne peut déroger par quelques réquisitions  aux habitudes et usages formés entre elle et la SSI sur la pratique des réquisitions qu’elle connaissait  bien et qui consistait à l’envoi aux  fournisseurs des ¨réquisitions¨ afin de susciter des offres  de  prix sur les marchandises listées sur celles-ci  et de sélectionner  le  meilleur fournisseur  pour passer  les commandes ; qu’il échet de conclure que les usages et habitudes étaient fondés sur la pratique des appels d’offres ;

Sur la restitution de la somme de 10 000 000 francs CFA

Attendu que la SSI sollicite la restitution des sommes versées à SANY en exécution du jugement entrepris ;

Attendu que formée pour la première fois devant la Cour de céans, la demande en restitution des sommes versées à SANY doit être déclarée irrecevable ;

Sur la demande reconventionnelle

Attendu que la SSI demande reconventionnellement le paiement,  par  SANY,  de la  somme de 100 000 000 francs CFA à titre de dommages et intérêts  pour procédure abusive ;

Attendu que SANY n’a  usé  que  de son libre droit  à ester en justice ; qu’il échet de débouter SSI de cette  demande ;

Attendu qu’ayant succombé, SANY doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Déclare recevable le pourvoi ;

Casse l’Arrêt n°55/06 rendu le 25 avril 2006 par la Cour d’appel de N’Djamena ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme le Jugement n° 660/04 du 06 octobre 2004 rendu par le Tribunal de première instance de N’Djaména ;

Déboute   SANY QUINCAILLERIE de toutes ses demandes comme mal fondées ;

Déclare irrecevable  la demande de la SSI en  restitution des  sommes par elle versées à SANY QUINCAILLERIE en exécution du jugement  n° 660/04  rendu le 06 octobre 2004 par le Tribunal de première instance de N’Djamena;

La déboute de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et  intérêts pour procédure abusive ;

Condamne SANY QUINCAILLERIE aux dépens.

Ainsi fait,  jugé  et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier