ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience Publique du 24 février 2005
POURVOI : n°037/2004/PC du 02 avril 2004.
Affaire : Société LOTENY TELECOM
(Conseils : Maîtres René BOURGOIN et Patrice K. KOUASSI, Avocats à la Cour)
Contre
KOFFI SAHOUOT Cédric
ARRET N° 013/2005 du 24 février 2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 24 février 2005 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 02 avril 2004 sous le numéro 037/2004/PC et formé par Maîtres René BOURGOIN et Patrice K. KOUASSI, avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, résidence EDEN, 44 Avenue LAMBLIN, 01 BP 8658 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de LOTENY TELECOM, Société anonyme au capital de 2.865.000.000 FCFA, dont le siège social est à Abidjan Plateau, 12, Avenue CROSSON Duplessis, 01 BP 3865Abidjan 01, dans une cause l’opposant à Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric, demeurant à Abidjan-Cocody les Deux Plateaux, Immeuble IMPALA, Appartement n°90, en cassation de l’Arrêt n°256 rendu le 13 février 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
EN LA FORME :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Reçoit KOFFI SAHOUOT Cédric en son appel relevé de l’ordonnance de référé n°282 du 15 janvier 2004 rendue par le Tribunal de Première instance d’Abidjan Plateau ;
AU FOND
L’y déclare bien fondé ;
Infirme ladite ordonnance ;
STATUANT A NOUVEAU :
Déclare régulière, bonne et valable la saisie vente du 10 décembre 2003, pratiquée sur les biens meubles de la Société LOTENY TELECOM ;
Ordonne la continuation des poursuites ;
Condamne l’intéressé aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que la signification du recours faite à Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric par le greffe de la Cour de céans n’a pas été suivie du dépôt au greffe de celle-ci dans le délai de trois mois prévu à l’article 30 du Règlement de procédure susvisé de mémoire en réponse ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, et le dossier étant en état, il y a lieu d’examiner ledit recours ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que sur requête aux fins de délai de grâce présentée par la Société LOTENY TELECOM faisant suite à sa condamnation par la Cour d’appel d’Abidjan à payer à feu KOFFI Bergson la somme de 1.400.000.000 FCFA, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire rendait le 27 mai 2003 l’Ordonnance n°054/03 qui la condamnait à payer aux ayants droit de feu KOFFI Bergson la somme de 400.000.000 FCFA dès le prononcé de la décision et lui accordait un délai de grâce de 12 mois pour le paiement de la somme de 1.000.000.000 FCA ; que la Société LOTENY TELECOM a cru s’être exécutée en payant la somme de 546.501.076 FCFA au profit de tous les ayants droit ; que sur la base de la même Ordonnance n°054/03 sus indiquée, Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric a fait pratiquer le 10 décembre 2003, une saisie vente au préjudice de LOTENY TELECOM, alors que la juridiction présidentielle de la Cour Suprême, saisie d’une requête en interprétation par la Société LOTENY TELECOM, suspendait par Ordonnance n°066/CS/JP/2003 du 03 juillet 2003 l’exécution de l’Ordonnance n°054/03, fondement de la saisie vente sus indiquée ; que par Ordonnance n°87/03 du 17 octobre 2003, le Président de la Cour suprême rejetait comme étant mal fondée la requête en interprétation ; que par Ordonnance n°282/04 du 15 janvier 2004, le Juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan, saisi d’une requête en ce sens par la Société LOTENY TELECOM, ordonnait la mainlevée de la saisie vente pratiquée le 10 décembre 2003 par Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric ; que sur appel de Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°256 rendu le 13 février 2004 dont pourvoi, infirmait l’Ordonnance de mainlevée, puis statuant à nouveau, déclarait régulière, bonne et valable la saisie vente du 10 décembre 2003 et ordonnait la continuation des poursuites ;
Sur le premier moyen pris en sa première branche
Vu l’article 91, alinéa 1, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de la loi ou l’erreur dans son application ou son interprétation en ce que la Cour d’appel a déclaré régulière la saisie vente du 10 décembre 2003, motif pris de ce que l’Ordonnance n°54/03 rendue le 27 mai 2003, « ne fait plus l’objet de suspension en ceci que la juridiction présidentielle de la Cour Suprême, saisie sur requête en interprétation, a vidé sa saisine par Ordonnance n° 87/03 du 17 octobre 2003 » alors que, selon le moyen, la décision d’interprétation certes a été rendue le 17 octobre 2003, mais ne pouvait prendre effet ce jour de sorte à faire cesser la suspension, et ce conformément à l’article 324 du Code de procédure civile, commerciale et administrative de Côte d’Ivoire ; que c’est en date du 09 janvier 2004 que signification fût faite, soit 30 jours après la saisie ; que non seulement la saisie vente pratiquée l’a été alors que la Cour Suprême avait suspendu les effets de l’Ordonnance 054/03 mais aussi, la Société LOTENY TELECOM s’était acquittée à l’endroit de tous les ayants droit de feu KOFFI Bergson ; que cette exécution vide de son objet l’ordonnance sus indiquée, laquelle ne peut donc servir de base à une saisie vente ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les articles 324 du Code de procédure civile et 91 de l’Acte uniforme portant sur les voies d’exécution, et son arrêt encourt cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 91, alinéa 1, de l’Acte uniforme susvisé, « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier, afin de se faire payer sur le prix » ;
Attendu que l’Ordonnance n° 054/03 rendue le 27 mai 2003 par le Président de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE a, d’une part, condamné la société LOTENY TELECOM à payer, dès son prononcé, la somme de 400.000.000 F CFA aux ayants droit de KOFFI Bergson et, d’autre part, accordé à ladite société un délai de grâce de 12 mois, toujours à compter de la date de son prononcé, pour le paiement du reliquat du montant de la condamnation soit la somme d’un milliard de F CFA ; qu’en exécution de ladite ordonnance et dès le prononcé de celle-ci, la société LOTENY TELECOM a versé aux ayants droit de KOFFI Bergson la somme de 546.501.076 F CFA ; que la somme restante ne pouvait être exigée avant le 27 mai 2004, date d’expiration du délai de grâce de 12 mois accordé par l’ordonnance susindiquée ; qu’ainsi, en procédant à une saisie vente le 10 décembre 2003, Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric l’a fait sans être muni d’un titre exécutoire constatant une créance exigible dans le sens de l’article 91, alinéa 1, de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il suit qu’en déclarant régulière, bonne et valable ladite saisie vente pratiquée en vue du recouvrement d’une créance non encore exigible, la Cour d’appel d’Abidjan a violé les dispositions susénoncées de l’article 91, alinéa 1, de l’Acte uniforme susvisé et exposé sa décision à la cassation ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric a, par acte en date du 19 janvier 2004, interjeté appel de l’Ordonnance de référé n°282 rendue le 15 janvier 2004 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau qui a ordonné la mainlevée de la saisie vente pratiquée le 10 décembre 2003 au préjudice de la société LOTENY TELECOM ; qu’il demande à la Cour d’infirmer ladite ordonnance et de déclarer bonne et valable la saisie vente pratiquée le 10 décembre 2003 ;
Attendu qu’au soutien de son action, Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric rappelle que, condamnée par la Cour d’appel à payer aux ayants droit de feu KOFFI Bergson la somme de 1 400 000 000 FCA, la Société LOTENY TELECOM a demandé et obtenu du Président de la Cour Suprême un délai de grâce de 12 mois pour le paiement de l’intégralité de sa dette, mais 400 000 000 FCFA dès le prononcé de la décision ; que LOTENY TELECOM a saisi à nouveau le Président de la Cour Suprême en interprétation de l’Ordonnance n° 054/03 du 27 mai 2003, requête rejetée par l’Ordonnance n°87 du 17 octobre 2003 ; que plus rien ne s’opposant à l’exécution de l’Ordonnance du 27 mai 2003, il a, par procès-verbal du 10 décembre 2003, pratiqué la saisie vente des biens de la société débitrice ; qu’il n’avait pas participé aux transactions illégales de ses cohéritiers et qu’il entend poursuivre le recouvrement de la totalité de la condamnation prononcée au profit de son père ;
Attendu que pour sa part, la société LOTENY TELECOM relève que les procédures de demande de délai de grâce et en interprétation ont été introduites à l’encontre de tous les ayants droit de feu KOFFI Bergson ; qu’il est donc illégal que la saisie vente dont s’agit, ait été faite à la requête d’un seul ayant droit, Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric ne pouvant, à lui seul, représenter les autres ayants droit de KOFFI Bergson au nombre de six ; qu’il n’a pas donc qualité à exécuter la décision en son nom personnel et pour le tout ; qu’en outre, par Ordonnance n°66 du 03 juillet 2003, le Président de la Cour Suprême a suspendu l’exécution de l’Ordonnance n°054 du 27 mai 2003 de sorte que la saisie vente pratiquée le 10 décembre 2003, l’a été sans titre exécutoire ; qu’elle conclut donc à la confirmation de la décision attaquée ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’Arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu de restituer à l’Ordonnance de référé n°282/04 du 15 janvier 2004 ayant ordonné mainlevée de ladite saisie-vente son plein et entier effet ;
Attendu que Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°256 rendu le 13 février 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Restitue à l’Ordonnance de référé n°282/04 rendue le 15 janvier 2004 par le Juge des référés du Tribunal de Première instance d’Abidjan son plein et entier effet ;
Condamne Monsieur KOFFI SAHOUOT Cédric aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier