ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Deuxième chambre

 

Audience publique du 20 décembre 2012

Recours : n°030/2012/PC du 28 mars 2012

Affaire : Société Inter Progress Marketing dite IPM

                        (Conseil : Maître SYLLA Abd-El-Kader, Avocat à la Cour)  

                              contre

                Société Civile Immobilière Lumière (SCI Lumière)                                  

               (Conseil : Maître DIARASSOUBA Lamine, Avocat à la Cour)

 

ARRET N°101/2012 du 20 décembre 2012

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 20 décembre 2012 où étaient présents :

Messieurs : Maïnassara MAIDAGI,                                          Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                         Juge

Madame : Flora DALMEIDA MELE,                                           Juge, rapporteur

 

et  Maître  BADO Koessy Alfred,                           Greffier ;

 

Sur le recours enregistré le 28 mars 2012  au greffe de la Cour de céans sous le n°030/2012/ PC du 28 mars 2012 et  formé par Maître SYLLA Abd-El-Kader,  Avocat au barreau de Côte d’Ivoire,  demeurant à Abidjan, 5 , Boulevard des Avodirés (Indénié), 04 BP 2055 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de la Société Inter Progress Marketing dite IPM, représentée  par  son Directeur général,  Monsieur YAO Saint Thierry et dont le siège est sis Boulevard Valérie Giscard d’Estaing, 18 BP 2439 Abidjan 18, dans la cause l’opposant  à la Société Civile Immobilière Lumière  dite SCI Lumière,  ayant pour conseil   Maître DIARASSOUBA Lamine, Avocat au barreau de Côte d’Ivoire, demeurant Cocody II-Plateaux , 01 BP  1559 Abidjan 01 , en révision de  l’Arrêt n°005/2012 rendu  le  02 février 2012 par la Cour de céans et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Déclare recevable le pourvoi ;

Casse l’Arrêt n°415 rendu le 07 avril 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Reforme  le jugement civil n°1917 du 25 juillet 2005 rendu par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société IPM à payer à la SCI Lumière la somme de 26 980 000 francs CFA à titre d’arriérés de loyers échus à la date du 30 avril 2007;

Prononce la résiliation du bail liant les parties ;

Ordonne l’expulsion de la société IPM SARL et de tous occupants de son chef ;

Rejette la demande reconventionnelle de la société IPM relative à la révision du loyer et  de la durée du contrat ;

Déboute la société IPM de sa demande en remboursement des frais de gardiennage comme non fondée;

Déboute la SCI Lumière de sa demande en paiement de dommages intérêts  pour procédure abusive et vexatoire;

Condamne la société IPM aux dépens. » ;

Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la SCI Lumière a consenti,  le  premier octobre 2001, à la société Inter Progress Marketing dite IPM, un bail à usage commercial  renouvelable par tacite reconduction moyennant un loyer mensuel de 760 000 francs CFA dont 160 000 francs de charges ; qu’ayant unilatéralement cessé de payer les loyers pour n’avoir pas reçu réponse à sa  demande de révision de bail,  la SCI Lumière a,  après mise en demeure, fait servir assignation en résiliation de bail, en expulsion  et en paiement d’arriérés de loyers d’un montant de 10 260 000 francs CFA devant le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau ; que le 25 juillet 2005, le tribunal prononçait la résiliation du bail,  ordonnait l’expulsion de la Société IPM SARL et la  condamnait au paiement de la somme de 10 260 000 F CFA à titre d’arriérés de loyers ; que  sur appel de la société IPM, la  3ème chambre  B de la  Cour d’appel  d’Abidjan rendait,  le 07 avril 2006,  l’ Arrêt n°415   dont le dispositif suit :

«  Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale administrative et en dernier ressort ;

Déclare recevable les appels principal et incident  respectivement de la  Société IPM  et de la SCI Lumière ;

Au fond

Rejette la forclusion des conclusions du 10 novembre 2005 soulevée par la SCI Lumière ;

Annule le jugement entrepris ;

Evoquant

Déboute la SCI Lumière de sa demande en résiliation du bail et d’expulsion de la société IPM ;

Condamne Société IPM  à payer à la SCI Lumière, la somme de 17 100 000 FCFA à titre d’arriérés de loyers impayés;

Déboute la SCI Lumière de sa demande en paiement de dommages intérêts ;

Ordonne le renouvellement du bail de la Société IPM  sur une période de 3 ans à compter de cette présente décision ;

La déboute de sa demande en révision de loyer ;

Condamne la SCI Lumière à payer à la Société IPM  la somme de 8 160 000 FCFA à titre de remboursement des frais de gardiennage ;

Dit que par le biais de la compensation, la Société IPM  devra payer à la SCI Lumière la somme de 8 940 000 FCFA ;

Condamne la SCI Lumière et  la Société IPM aux dépens chacune pour moitié.» ;

Que le 04 octobre 2006  la Société Civile Immobilière Lumière a par le biais de Maître BOA Olivier Thierry,  formé un pourvoi contre ledit arrêt devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ; que par Arrêt n° 263/07 rendu le 03 mai 2007, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de  Côte d’Ivoire s’est,  en application de l’article 15  du Traité  relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, dessaisie au profit de la Cour de céans ; que saisie sur renvoi, la Cour de céans a rendu,  le  02 février 2012, l’Arrêt n°005/2012, objet du présent recours en révision ;

Sur la recevabilité du recours   

Vu l’article 49 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la société IPM sollicite la révision de l’Arrêt sus indiqué aux motifs que son exécution en l’état  aboutirait à des conséquences excessives pour elle ; qu’ elle  soutient que l’ensemble des pièces et justificatifs attestant le règlement des arriérés des loyers étaient versés au dossier de la procédure en cassation et que leur absence insolite constitue des manœuvres et dissimulations  justifiant amplement l’ouverture du recours en révision qui  peut être introduite pour les causes ci-après :

  • si la décision a été rendue à la suite de manœuvres mensongères ou dissimulations frauduleuses pratiquées sciemment par la partie gagnante et découverte postérieurement à la décision
  • si l’on a jugé sur pièces ou autres preuves reconnues ou déclarées judiciairement fausses postérieurement à ce jugement alors qu’elles constituaient le motif principal ou unique de ce jugement ;

Que  la curieuse absence des pièces  pourtant versées   au dossier de la procédure de cassation constitue les manœuvres et dissimulations  découvertes postérieurement à la décision rendue puisque portée à sa connaissance lors de la lecture de l’Arrêt n°005 du 02 février 2012   justifiant ainsi la révision ;

Attendu  que la  société SCI Lumière, défenderesse au recours,  a, par mémoire en réplique, conclu au mal fondé de l’action en révision et demande à la Cour de  céans de rejeter toutes les demandes de la société IPM et de confirmer l’Arrêt n°005/2012 ; qu’elle excipe que les manœuvres mensongères ou dissimulations frauduleuses qu’évoquent IPM sont définies comme une intention de tromper, de frauder ou  de nuire à autrui dans une relation contractuelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

Attendu que l’article 49 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dispose : « 1. La révision de l’arrêt ne peut être demandée à la Cour qu’en raison de la découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la révision.

  1. la procédure de révision s’ouvre par un arrêt de la Cour constatant expressément l’existence d’un fait nouveau, lui reconnaissant les caractères qui donnent ouverture à la révision et déclarant de ce chef  la demande recevable.

(…) » ;

Mais attendu que les manœuvres mensongères ou dissimulations frauduleuses évoquées par la société IPM,  pour solliciter la révision de l’Arrêt n°005 du 02 février 2012 de la Cour de céans, ne figurant nullement dans les conditions fixées par l’article 49 sus énoncé notamment la découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la révision,  le recours en révision exercé par la société  IPM doit être déclaré irrecevable ;

Attendu qu’ayant succombé, la  société IPM doit être condamnée aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Déclare irrecevable le recours en révision exercé par la    société IPM ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait,  jugé  et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

 Le Greffier