ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Troisième Chambre

Audience Publique du 4 décembre 2012 

Pourvoi : n° 010/2009/PC du 05/02/2009 

Affaire : Société Immobilière ELAEIS

                 (Conseil : la SCPA CD & Associés, Avocats à la Cour) 

 

               contre

 

              ROCHET Alexandre, ROCHET Edouard &10 Autres

               (Conseil : Maître Blessy Chrysostome, Avocat à la Cour)

 

ARRET N° 082/2012 du 4 décembre 2012

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 4 décembre 2012 où étaient présents :

Messieurs Ndongo FALL,                              Président, rapporteur

Abdoulaye Issoufi TOURE,             Juge

Victoriano OBIANG ABOGO,          Juge

et Maître Paul LENDONGO,         Greffier en chef,

Sur le pourvoi enregistré au Greffe de la Cour de Céans sous le  n° 010/2009/PC le 05 février 2009 et formé par la SCPA CD & Associés, Avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Société immobilière ELAEIS, Société anonyme sise à Abidjan Cocody, Avenue Joseph BLOHORN, 01 BP  46 Abidjan 01, représentée par son directeur général, Monsieur Gérard BLOHORN, dans la cause l’opposant à :

  • Monsieur Rochet Bertrand Xavier Marie, directeur de société, domicilié à Abidjan Cocody Pisam, 08 BP 34 Abidjan 08 ;
  • Monsieur Rochet Alexandre, directeur de société, domicilié à Cocody Pisam, 08 BP 34 Abidjan 08 ;
  • Monsieur Rochet Edouard, directeur de société, domicilié à Abidjan Pisam, 08 BP 34 Abidjan 08 ;
  • Madame Rochet Isabelle, interprète de conférences, domiciliée à Abidjan Cocody Pisam, 08 BP 34 Abidjan 08 ;
  • Monsieur Alesia Bembo, directeur de société, domicilié à Abidjan Cocody Pisam, 08 BP 34 Abidjan 08 ;
  • Madame Elena Bembo, directrice de socièté, domicilié à Abidjan Cocody Pisam, 08 BP 34 Abidjan 08 ;
  • Monsieur Fabrizio Bembo, directeur de société, domicilié à Abidjan Cocody Pisam, 08 BP 34 Abidjan 08 ;

Ayant tous pour conseil Maître Blessy Chrysostome, Avocat à la Cour,

en cassation de l’arrêt n° 518 du 25 juillet 2008 rendu par la deuxième Chambre civile A de la Cour d’appel d’Abidjan statuant en matière civile et commerciale et en dernier ressort qui a confirmé en toutes les dispositions l’ordonnance de référé n° 174 du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan enjoignant à la SGBCI à produire auxdites personnes l’historique et les détails sur le compte bancaire de la société ELAEIS, à compter de l’année 2003 avec l’indication des personnes physiques ou morales ayant fait des retraits, effectué des virements en Côte d’Ivoire et à l’étranger sur ledit compte bancaire et à la SIGECO à produire les états financiers et bilans de la société ELAEIS à compter de l’année 2003 ;

La requérante invoque à l’appui dudit pourvoi cinq moyens tels qu’ils figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Ndongo FALL ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le  Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure les faits suivants :

Par un testament olographe rédigé en 1977, avant son décès survenu le 20 décembre 1984 à Paris, Monsieur André BLOHORN, homme d’affaires à Abidjan (Côte d’ivoire), a légué en usufruit les trois quarts de ses biens à son épouse, Madame Marthe Marie Louise BLOHORN. Cette dernière est décédée à son tour le 20 Octobre 2006 non sans régler la dévolution de ses biens à travers un testament authentique daté du 18 décembre 2000 aux termes duquel, entre autres, trois de ses enfants, à savoir Madame Bernadette BLOHORN épouse BEMBO, Madame Dominique BLOHORN CALUS et Madame Chantal BLOHORN épouse ROCHET, sont exhérédées, pendant que leurs enfants, petits enfants de feue Marthe BLOHORN, sont admis à hériter de la part revenant à leurs auteurs exhérédés. La succession de Madame Marthe Marie Louise BLOHORN a été ouverte en Suisse et la juridiction Suisse a désigné Maître Dominique BURNIER, notaire à Genève (Suisse), à l’effet d’en dresser l’inventaire. C’est en vue d’obtenir des informations dans le cadre de cet inventaire que les ayants droit des enfants de Madame Marthe BLOHORN exhérédées dont ROCHET Alexandre et consorts ont sollicité et obtenu du  Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau l’autorisation d’assigner en référé d’heure à heure les banques et établissements financiers détenant ou susceptibles de détenir des biens et valeurs appartenant au de cujus, les partenaires d’affaires et les dirigeants des structures lui appartenant, aux fins de communication de tous documents et  renseignements susceptibles de les édifier sur la consistance du patrimoine de leur auteur.

Par Ordonnance de référé n°174 rendue le 04 Février 2007 du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, il est enjoint notamment à la BICICI, la SGBCI, la société SIGECO, la société UNILEVER, la société immobilière ELAEIS, la SOGEBOURSE, la BICI-BOURSE et Madame MEZZADRI, de fournir aux demandeurs, sous astreinte de FCFA 2 000 000 par jour de retard, les informations et les documents par eux sollicités.

Sur appel de Madame MEZZADRI, gérante de la société immobilière ELAEIS, propriété de feue Mme Marthe BLOHORN, la Cour d’Appel d’Abidjan a, par Arrêt n°518 rendu le 25 Juillet 2008 dont est pourvoi, confirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée.

Sur la compétence

Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes et des Règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.

Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toutes juridictions des Etats parties dans les mêmes contentieux» ;

Attendu qu’en l’espèce, il est constant que la question juridique essentielle qui se pose est celle de savoir si les sieurs ROCHET et consorts, ont qualité pour solliciter la communication d’informations relatives aux intérêts de leur grand-mère, feue Marthe BLOHORN, auprès d’établissements financiers, banques et autres sociétés dans lesquels celle-ci détenait des sommes, titres ou autres droits;

Que s’il est vrai que le problème soumis à l’appréciation de la Cour  met en présence des sociétés commerciales et se rapportent à des actions, titres sociaux et informations y relatives, il n’en demeure pas moins que les consorts ROCHET ne se sont pas prévalus de la qualité d’actionnaires de la société ELAEIS ou d’autres structures appartenant à feue leur grand-mère, mais ont plutôt agi en leur qualité d’héritiers testamentaires soucieux de rassembler des informations devant leur permettre de mieux renseigner l’exécuteur testamentaire dans la perspective de la liquidation de la succession;

Que cela est d’ailleurs d’autant plus vrai que ces derniers ont saisi toutes les personnes physiques ou morales ayant entretenu ou susceptibles d’avoir entretenu des relations d’affaires avec leur auteur et pouvant lui être redevables à quelque titre que ce soit, sans que ces démarches aient eu pour but une immixtion dans la gestion des sociétés ou constitué une entorse à l’application du droit des sociétés commerciales;

Attendu qu’en enjoignant à des personnes physiques ou morales des documents et informations de nature à les renseigner sur le patrimoine de leur auteur, l’arrêt dont est pourvoi n’est fondé sur aucun Acte uniforme ou Réglement prévu au Traité relatif à l’OHADA, la seule référence à des dispositions d’un Acte uniforme dans l’argumentaire des parties au litige n’étant pas de nature à changer ni le sens ni la motivation de l’arrêt attaqué;

Qu’il s’ensuit que les conditions de compétence de la Cour de céans  telles que précisées à l’article 14 susénoncé ne sont pas réunies;

Qu’il échet en conséquence de se déclarer incompétente

Attendu qu’il y a lieu de condamner la requérante qui succombe aux dépens

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Se déclare incompétente;

Condamne la requérante aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé :

 

Le Président

 

 Le Greffier en chef