ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 27 juin 2002

Renvoi n° 003 / 2002 / PC du 21 janvier 2002 

Affaire : Société FOFANA ENTREPRISE DE  COMMERCE,

              TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI 

                    (Conseil : Maître SOUMAHORO Abou, Avocat à la Cour)

 

                                      Contre

Société CFAO-CI, département automobile dite CICA-AUTO
(Conseil : Maître BOKOLA, Avocat à la Cour)        

ARRET N° 018/2002 du 27 juin 2002

 

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 juin 2002 où étaient présents :

 

  1. Seydou BA, Président

Jacques MBOSSO,                       Premier Vice-Président

Antoine Joachim OLIVEIRA,           Second Vice-Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,          Juge-rapporteur

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge

Boubacar DICKO,                         Juge

et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans, de l’affaire Société FOFANA ENTREPRISE DE COMMERCE, TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI contre Société CFAO-CI, département automobile dite CICA-AUTO par Arrêt n° 612/01 du 14 novembre 2001 de la Cour Suprême, Chambre judiciaire, Formation civile de COTE D’IVOIRE, saisie d’un pourvoi initié le 21 avril 1999 par Maître SOUMAHORO Abou, avocat à la Cour, demeurant 31, boulevard de la République, Avenue Docteur Crozet, 04 BP 1475 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de la Société FOFANA ENTREPRISE DE COMMERCE, TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI enregistré sous le n° 99-212. civ du 21 avril 1999 contre l’Arrêt n° 310 rendu le 16 mars 1999 par la Cour d’appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

 

En la forme :

 

  • Reçoit la Société FOFANA ENTREPRISE DE COMMERCE, TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI en son appel ;

 

Au fond :

 

  • L’y déclare mal fondée ; l’en déboute,
  • Confirme l’ordonnance entreprise ;
  • La condamne aux dépens ».

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi  le moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’acte de pourvoi annexé au présent Arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

Vu les dispositions des articles 14 et 15 du Traité susvisé ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA  ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que la Société CFAO-CI, département automobile dite CICA-AUTO a vendu à la Société FOFANA ENTREPRISE DE COMMERCE, TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI deux cars de transport public de voyageurs d’une valeur globale de deux cent millions (200.000.000) de francs CFA ; que selon la convention des parties, le prix d’achat de ces véhicules devait être réglé en partie par la Société de Crédit Afribail, le solde étant à la charge de l’acquéreur FECTI qui s’était engagée à honorer sa dette par l’émission de traites mensuelles ; qu’ayant constaté le non-paiement de traites dont les arriérés cumulés se sont élevés à quarante deux millions vingt trois mille cent cinquante quatre (42.023.154) francs CFA, CICA-AUTO a saisi le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan d’une requête aux fins d’injonction de payer et a obtenu le 27 mars 1998 l’Ordonnance n° 778/98 condamnant sa partenaire à lui payer la somme réclamée ; que ladite ordonnance a été signifiée à  FECTI le 15 avril 1998 ; que le 4 mai 1998, CICA-AUTO a fait servir à  FECTI un commandement avant saisie et le 28 novembre 1998, neuf (9) véhicules appartenant à cette dernière ont été saisis ; qu’à la suite de cette opération,  FECTI a fait délivrer assignation en référé aux fins de suspension des poursuites aux motifs que quatre des véhicules saisis faisaient l’objet d’une saisie-exécution de la part de la SGBCI ; que le 27 janvier 1999, le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan, par Ordonnance n° 7323, a débouté FECTI de sa demande ; que par exploit d’huissier du 3 février 1999, la Société FECTI a interjeté appel de ladite ordonnance et sollicité qu’il soit sursis à son exécution ; que le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan, par Ordonnance sur requête n° 104/99 du 26 février 1999, a ordonné le sursis à l’exécution de l’Ordonnance de référé n° 7323 du 27 janvier 1999 ; que sur le fond de l’appel, la Cour d’appel d’Abidjan a confirmé l’Ordonnance de référé n° 7323 précité par Arrêt n° 310 du 16 mars 1999 contre lequel est introduit le présent pourvoi en cassation ;

 

Sur le moyen unique 

Vu les articles 336 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en ce que les articles 336, 337, 131 et 134 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’ont pas été respectés par la Cour d’appel dans sa décision ; que selon la requérante :

 

1°) L’Acte uniforme susvisé, qui date du 10 juillet 1998 et qui abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats Parties, ne laisse aucune possibilité au juge national de faire application des dispositions contenues dans le titre VII du Code de procédure civile ivoirien et c’est donc à tort que la juridiction des référés et la Cour d’appel d’Abidjan ont fait « allusion à un commandement avant saisie datant du 4 mai 1998 » ;

 

2°) Le procès-verbal de saisie-exécution dressé en novembre 1998, donc après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme précité, ne peut pas être assujetti aux dispositions de la loi ivoirienne relative aux mesures d’exécution forcée, car l’article 337 dudit Acte uniforme précise bien que les mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après le 10 juillet 1998 lui sont soumises ;

 

Attendu qu’aux termes des articles 336 et 337 de l’Acte uniforme susvisé « le présent  Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties » et «le présent Acte uniforme sera applicable aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur » ;

 

Attendu que par l’Ordonnance de référé n° 7323 du 27 janvier 1999, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan saisi de difficultés relatives à une saisie exécution effectuée le 28 novembre  1998, a estimé que « le Traité OHADA n’est pas applicable à la présente mesure d’exécution engagée par CICA-AUTO contre FECTI » ;

 

Attendu que pour confirmer ladite ordonnance, l’arrêt attaqué a retenu que l’article 337 de l’Acte uniforme susmentionné n’est applicable qu’aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur, alors qu’il apparaît que la CFAO-CI avait, avant l’entrée en vigueur dudit Acte uniforme, engagé une procédure de recouvrement  matérialisée par le commandement de payer du 4 mai 1998 ;

 

Attendu que, même si en l’espèce l’on peut admettre que la procédure  de recouvrement était engagée avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme susvisé, la mesure d’exécution forcée intervenue le 28 novembre 1998, donc après l’entrée en vigueur dudit Acte uniforme, devait être conforme aux dispositions de celui-ci ; qu’il s’ensuit qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que dans ses conclusions d’appel FECTI expose que suite à un litige l’opposant à la SGBCI, celle-ci a procédé le 17 novembre 1998 à la saisie- vente de quatre de ses véhicules ; qu’alors qu’elle contestait cette saisie devant le Tribunal, la Société CFAO-CI a saisi à son tour les mêmes véhicules ; qu’elle estime que conformément à l’article 131 de l’Acte uniforme « portant procédure d’exécution », cette deuxième saisie ne vaut que comme opposition et de ce fait la CFAO-CI ne peut procéder à la vente des biens saisis que dans les conditions de l’article 134 du même Acte  uniforme ; qu’enfin, c’est à tort que le premier juge a estimé que l’Acte uniforme n’était pas applicable alors que s’agissant d’une loi de procédure, celle-ci est d’application immédiate ;

 

Attendu que la CFAO-CI, intimée, fait valoir pour sa part que l’article 337 de l’Acte uniforme susvisé énonce que « le présent Acte uniforme sera applicable aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur » ; qu’elle a servi un commandement de payer qui, aux termes même de l’Acte uniforme est une mesure d’exécution forcée ; que dès lors, cette mesure ayant été prise avant l’entrée en vigueur dudit Acte uniforme susvisé, celui-ci ne peut lui être applicable en l’espèce ; que de surcroît, sur les neuf véhicules saisis par elle, seuls deux l’ont été également par la SGBCI ; qu’enfin, et en tout état de cause, seule la SGBCI a intérêt à initier une telle action d’autant que la Société FECTI n’a pas contesté sa dette constatée par une ordonnance d’injonction de payer devenue définitive et exécutoire ; qu’elle sollicite en conséquence la confirmation de l’ordonnance entreprise ;

 

Attendu que la saisie-exécution opérée le 28 novembre 1998 par CFAO-CI l’a été en application du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative alors qu’il résulte de l’examen ci-dessus du moyen unique de cassation, que c’est l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui était applicable en l’espèce ; que ladite saisie n’ayant donc pas été pratiquée conformément aux dispositions dudit Acte uniforme  doit être déclarée nulle et de nul effet ;

 

Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’infirmer l’Ordonnance n° 7323 du 27 janvier 1999 du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan et de dire et juger que les parties doivent être remises dans la situation où elles se trouvaient avant la saisie du 28 novembre 1998 ;

 

Attendu qu’il y a lieu de condamner CFAO-CI aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 310 rendu le 26 mars 1999 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant à nouveau,

Infirme l’Ordonnance n° 7323 rendue le 27 janvier 1999 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;

Dit que la saisie-exécution du 28 novembre 1998 est nulle et de nul effet ;

Dit que les parties doivent être remises dans la situation où elles se trouvaient avant ladite saisie-exécution ;

Condamne CFAO-CI aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier en chef