ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Deuxième Chambre

 

Audience Publique du 29 juin 2006

Pourvoi n° 061/2003/ PC du 26 juin 2003

   Affaire : Société EQUIPAGRO COTE D’IVOIRE

                  dite EQUIPAGRO-CI SARL

                         (Conseil : Maître Jules AVLESSI, Avocat à la Cour)

Contre

                  Boubacar KEITA

                  (Conseils : Cabinet Amadou FADIKA et Associés, Avocats à la Cour)                        

ARRET N° 014/2006 du 29 juin 2006

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 juin 2006 où étaient présents :

 

  1. Antoine Joachim OLIVEIRA,      Président, rapporteur

Doumssinrinmbaye BAHDJE,     Juge

Maïnassara MAIDAGI,              Juge

 

                   et  Maître ASSIEHUE Acka,      Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société EQUIPAGRO COTE D’IVOIRE dite EQUIPAGRO-CI SARL contre Boubacar KEITA par Arrêt n°137/03 en date du 13 mars 2003 de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié par requête en date du 20 juin 2002 à la diligence de Maître Jules AVLESSI, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant Cocody les II plateaux, boulevard des martyrs, ex boulevard Latrille, résidence SICOGI, Bât. O, 1er étage, porte 174, agissant au nom et pour le compte de la Société EQUIPAGRO COTE D’IVOIRE dite EQUIPAGRO-CI SARL, sise à Abidjan, rue du Canal, 01 B.P. 22 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n° 495 rendu le 05 avril 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan au profit de Monsieur Boubacar KEITA, Entrepreneur, demeurant à Bamako, B.P. 934, ayant pour Conseils le Cabinet Amadou FADIKA et Associés, Avocats à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant au 22, Avenue Delafosse, Abidjan Plateau, 01 B.P. 4763 Abidjan 01, et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;

Reçoit la Société EQUIPAGRO en son appel relevé du Jugement n° 526 rendu le 30 juillet 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;

L’y dit mal fondée ;

L’en déboute ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne l’appelante aux dépens ; » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président ;

 

Vu les dispositions des articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure, que par contrat en date du 10 avril 1998, Monsieur Boubacar KEITA, domicilié à Bamako (MALI), a donné à bail à la Société EQUIPAGRO COTE D’IVOIRE dite EQUIPAGRO-CI SARL, une concession à usage industriel sise sur le lot TF n° 4828, rue du Canal à Marcory, à compter du 1er avril 1998 jusqu’au 31 mars 2001 ; que la Société locataire a formulé une demande de renouvellement du bail par exploit en date du 29 décembre 2000, signifié à mairie au bailleur [lequel n’en a eu connaissance que par lettre avec accusé de réception du 16 février 2001] ; que par exploit en date du 09 mars 2001, le bailleur a donné congé à la Société locataire au motif que celle-ci, n’ayant pas sollicité le renouvellement du bail au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail, était déchue de son droit au renouvellement dudit bail ; que par exploit en date du 21 mars 2001, EQUIPAGRO-CI SARL a assigné Monsieur Boubacar KEITA devant le Tribunal de première instance d’Abidjan aux fins de « déclarer nul et de nul effet l’exploit de notification de déchéance du droit au renouvellement du bail commercial et congé à elle signifié le 09 mars 2001, dire qu’elle a droit au renouvellement du bail du local qu’elle occupe chez Monsieur Boubacar KEITA » ; que par Jugement n° 0526/Civ du 30 juillet 2001 ladite Société a été déboutée de toutes ses demandes ; que par exploit en date du 16 novembre 2001, la Société EQUIPAGRO-CI SARL a relevé appel dudit jugement devant la Cour d’appel d’Abidjan qui, par Arrêt n° 495 rendu le 05 avril 2003, objet du présent pourvoi, a confirmé la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

 

Sur le premier moyen pris en sa première branche

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions alors que la nullité dont était entachée l’exploit formulant la demande de renouvellement du bail était relative et ne pouvait, par conséquent être prononcée qu’à la condition que Monsieur Boubacar KEITA prouve qu’elle lui avait causé un préjudice ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans exiger de celui-ci la preuve d’un préjudice, la Cour d’appel a violé l’article 123 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative ;

 

Mais attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que pour demander à la Cour d’infirmer le jugement entrepris et, par voie de conséquence, de déclarer nul et de nul effet l’exploit de déchéance du droit au renouvellement du bail, d’une part, de déclarer valable sa demande de renouvellement du contrat de bail, d’autre part, la Société EQUIPAGRO reprochait « au premier juge d’avoir violé l’article 125 du code de procédure civile ; que selon elle, Monsieur Boubacar KEITA avait déjà exposé ses prétentions et demandes dans ses écritures du 10 mai 2001 avant de demander au Tribunal de « constater la prétendue nullité de l’exploit de renouvellement du bail dans ses conclusions du 08 juin 2001 de sorte que cette exception est irrecevable » ; qu’il suit que le grief tiré de la violation de l’article 123 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative n’ayant pas été invoqué devant la Cour d’appel, celle-ci n’a pu violé les dispositions dudit article ; qu’en conséquence ce moyen doit être rejeté ;

 

Sur le premier moyen pris en sa seconde branche 

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir retenu que la signification de l’exploit aux fins de renouvellement du bail en date du 29 décembre 2000 devait se faire à parquet et non à mairie alors que l’huissier instrumentaire étant dans l’impossibilité de trouver le domicile de Monsieur Boubacar KEITA à Abidjan ne pouvait lui signifier ledit acte qu’à mairie en application de l’article 251 du Code de procédure civile ; qu’en statuant ainsi la Cour d’appel a violé, par mauvaise interprétation, ce texte ;

 

Mais attendu que la Société EQUIPAGRO a elle-même constaté que Monsieur Boubacar KEITA, bailleur des locaux, était domicilié à Bamako (MALI), c’est-à-dire à l’étranger ; que c’est donc à bon droit que la Cour d’appel d’Abidjan, en application des dispositions de l’article 254 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative aux termes duquel, « si la personne visée par l’exploit habite à l’étranger, l’huissier de justice remet une copie de l’exploit au parquet du domicile du demandeur, en la personne du Procureur de la République ou de son Substitut lequel vise l’original et en envoie la copie au Ministère des Affaires Etrangères aux fins de remise au destinataire par la voie diplomatique, sauf dérogations prévues par les conventions en matière d’entraide judiciaire », a estimé que l’exploit de renouvellement du bail commercial, établi et signifié par le preneur à la mairie d’Abidjan au lieu de l’être à parquet, a violé l’article 254 susénoncé ;

 

Sur le deuxième moyen

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité de l’appel soulevée par Monsieur Boubacar KEITA, en application de l’article 251 du Code de procédure civile, commerciale et administrative, au motif que l’intimé susnommé n’avait pas subi de préjudice alors que c’est « en ne se préoccupant point de vérifier si l’intimé justifie d’un quelconque préjudice subi ; » que l’acte de demande de renouvellement du contrat de bail a été annulé par application de l’article 254 du Code de procédure civile, commerciale et administrative ; qu’ainsi la Cour « se contrarie en exigeant la preuve d’un préjudice pour toute irrégularité relative à l’application de l’article 251 du Code de procédure civile, commerciale et administrative et en n’exigeant pas la preuve d’un préjudice pour une soi-disante irrégularité relative à l’application de l’article 254 du Code de procédure civile, commerciale et administrative ; » ;

 

Mais attendu que la Cour d’appel s’est prononcée sur les faits de la cause par application de l’article 254 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative et non par application de l’article 251 du même code ; que le pourvoi ne contestant pas cette application, dès lors, le moyen pris de l’application contradictoire par la Cour d’appel d’Abidjan, de ces deux articles, qui régissent au demeurant des situations différentes en matière de signification d’exploit d’huissier alors même que seul l’article 254 avait été appliqué à la cause, est inopérant ;

 

Attendu qu’EQUIPAGRO-CI SARL ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par la Société EQUIPAGRO COTE D’IVOIRE dite EQUIPAGRO-CI SARL contre l’Arrêt n° 495 rendu le 05 avril 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président
 
 
Le Greffier