ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première Chambre

 

Audience publique du 21 avril 2016

Pourvoi : n°063/2011/PC du 26/07/2011

Affaire : Société ECOBANK-GUINEE

                (Conseils : Maîtres TOGBA ZOGBELEMOU & RAFFI RAJA, Avocats à la Cour)

Contre

EL HADJ MAMADOU SYLLA

         (Conseils : Maîtres Macky TOURE & Narcisse AKA, Avocats à la Cour)

 

ARRET N° 054/2016 du 21 avril 2016

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 21 avril 2016 où étaient présents :

 

Messieurs  Marcel SEREKOISSE-SAMBA,            Président

Mamadou DEME,                         Juge

Vincent Diéhi KOUA,                    Juge

César Apollinaire ONDO MVE,       Juge, rapporteur

Robert SAFARI ZIHALIRWA,           Juge

 

et Maître   MONBLE Jean-Bosco                    Greffier ;

 

 

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 26 juillet 2011 sous le n°063/2011/PC et formé par Ecobank-Guinée, société anonyme dont le siège social se trouve à Kaloum, Conakry, Immeuble Al Imam, avenue de la République, BP 5687, agissant poursuites et diligences de son directeur général, ayant pour conseil Maître TOGBA ZOGBELEMOU, avocat à la Cour à Conakry, BP 473, Kaloum, et Maître RAFFI RAJA, Avocat à la Cour à Conakry, BP 2422 Dixinn, lesquels ont élu domicile chez Maître TOGBA LOUSSOU Louise, avocat à la Cour à Abidjan, rue du commerce, Immeuble Borija, 16 BP 450 Abidjan 16, dans la cause qui l’oppose à El Hadj Mamadou Sylla, président du groupe FUTURELEC HOLDING, société anonyme ayant son siège à Dixinn Bora, Conakry, ayant pour conseil Maître MACKY TOURE, avocat à la Cour à Conakry, Kaloum, boulevard DIALLO TELLY, rue KA 030, Koulewondy, BP 4185 Conakry, et Maître Narcisse AKA, avocat à la Cour à Abidjan, Cocody Les 2 Plateaux 7ème Tranche, 09 BP 2526 Abidjan 09,en cassation de l’arrêt numéro 151 rendu le 19 avril 2011 par la Cour d’appel de Conakry dont le dispositif est libellé ainsi qu’il suit :

«Par ces motifs :

La Cour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, en matière économique, en second ressort et sur appel ;

En la forme : Déclare recevable Ecobank-Guinée SA en son appel; l’y dit cependant mal fondée ;

Au fond : Confirme en toutes leurs dispositions les jugements numéro 60 du 16 septembre 2010 et numéro 64 du 4 novembre 2010 du tribunal de première instance de Kaloum, sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts ramenés de 500.000.000 FG à 300.000.000 FG ;

Frais et dépens à la charge de Ecobank-Guinée SA (…)» ;

La demanderesse invoque à l’appui de son pourvoi cinq moyens tels qu’ils figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Juge ;

Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que pour assurer l’importation du carburant en République de Guinée et en vue de l’ouverture des lettres de crédit nécessaires, Ecobank-Guinée a accordé une ligne de découvert à la société Compagnie des Gestions des Stocks SA (COGEST) qui, en garantie du remboursement des fonds ainsi avancés, et pour favoriser l’ouverture des lettres de crédit successives, s’est engagée à domicilier les recettes des ventes du carburant sur son compte Ecobank-Guinée n°1001270111057, tout en offrant la caution personnelle et solidaire de Mamadou Sylla, lequel a notamment nanti ses actions du capital social de la société Ecobank-Transnational Incorporated (ETI), société mère d’Ecobank-Guinée, estimées à USD 2.000.000; qu’après avoir constaté l’arrêt de la domiciliation des recettes convenue, Ecobank-Guinée a refusé d’ouvrir la lettre de crédit de juillet 2010, ce qui a conduit Mamadou Sylla à initier contre elle diverses actions ; que par jugements n°60 du 16 septembre 2010, et n°64 du 04 novembre 2010, le Tribunal de première instance de Kaloum a ordonné la mainlevée du nantissement des actions de Mamadou Sylla, condamné Ecobank-Guinée à payer à la COGEST la somme de 1.223.807.610 GNF, et à Mamadou Sylla les sommes de 2.000.000 USD et de 500.000.000 GNF ; que sur appels d’Ecobank-Guinée, la Cour d’appel de Conakry a rendu l’arrêt objet du présent pourvoi ;

Attendu que par lettre n°288/2011/G2 du 03 août 2011, reçue le 30 août 2012, le Greffier en chef de la Cour de céans a signifié le présent recours au conseil de Mamadou Sylla qui, par courrier référencé 99/NA/2012 du 12 septembre 2012, adressé à la Cour, a promis d’y donner suite, ce qu’il n’a pas fait ; que le principe du contradictoire ayant été observé, il échet de statuer ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris en ses 2ème et 3ème branches réunies, tiré de violation des articles 3, 4, 13, 14, 15, 64, 65, 67 et 68 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué qui a confirmé les jugements entrepris d’avoir soutenu qu’il n’est pas contesté que Mamadou Sylla a honoré ses obligations en se portant caution personnelle et solidaire de la COGEST et en payant la somme de 2.000.000 USD, alors, d’une part, que celle-ci n’a pas été payée à Ecobank-Guinée mais représente la valeur nominale des actions de Mamadou Sylla au capital social d’ETI, que d’autre part, l’intéressé a manqué à son obligation de caution bien que régulièrement informé de la défaillance de la COGEST et qu’enfin, le nantissement de droits d’associés confère au créancier un droit de suite et de réalisation et un droit de préférence en cas de vente des actions ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Conakry a, selon le moyen, dénaturé les faits et violé, par méconnaissance des conditions de formation et des effets du contrat de cautionnement, les textes susvisés, exposant ainsi sa décision à cassation ;

Attendu que des dispositions légales visées au moyen, il résulte en substance que «le cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui l’accepte, à exécuter l’obligation du débiteur si celui-ci n’y satisfait pas lui-même », et « la caution n’est tenue de payer la dette qu’en cas de non-paiement du débiteur principal»; le créancier doit «aviser la caution de toute défaillance du débiteur principal et ne » peut « entreprendre de poursuites contre elle qu’après une mise en demeure de payer adressée au débiteur et restée sans effet» ;

Attendu qu’en l’espèce, il est constant, comme résultant de l’acte du 31 mars 2010 inscrit sous RCCM/GC-KAL-S/027.236/2009 du 08 octobre 2009, que Mamadou Sylla « président directeur général de la Compagnie de Gestion des Stocks, offre sa caution personnelle, solidaire et indivisible à la Banque. Cette caution porte sur l’ensemble des biens meubles et immeubles de Monsieur Mamadou Sylla de façon générale et spécifiquement sur ses actions visées à l’article 2 du présent contrat », ce, pour « garantir le paiement ou le remboursement de toutes les sommes que le débiteur cautionné » pourrait devoir à Ecobank-Guinée «au titre des obligations précitées dans les limites de USD 4.000.000 et GNF 6.500.000.000, le tout cumulé en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires» ; qu’en outre, suite aux avances faites par Ecobank-Guinée pour l’ouverture des précédentes lettres de crédit ayant servi à l’importation du pétrole dont les recettes de vente n’ont pas été domiciliées sur le compte convenu, la COGEST présentait, au 31 mai 2010, un solde débiteur de 3.746.669.266 GNF dans les livres de ladite banque qui avait commencé à acheter des dollars à partir des découverts accordés sur le compte GNF de sa cliente ; que les dollars ainsi achetés et disponibles étaient de USD 267.786,56 qu’elle devait reverser sur le compte GNF de la COGEST pour en déduire le solde débiteur, de sorte que celle-ci était donc débitrice de GNF 2.387.949.182, outre frais et intérêts ; qu’il s’ensuit qu’informé de la défaillance de la COGEST, Mamadou Sylla devait régler à Ecobank-Guinée ladite somme ; qu’en ne le faisant pas, et en préférant réclamer la restitution de la valeur de ses actions ETI pourtant gagées au profit de la créancière de la COGEST, il a manqué à son devoir de caution ;

Attendu que dès lors, en énonçant « qu’il n’est pas contesté que Mamadou SYLLA en se portant caution personnelle et solidaire de la COGEST et en payant la somme de 2.000.000 dollars USD a honoré ses obligations contractuelles», alors que les USD 2.000.000 invoqués sont la valeur nominale des actions souscrites par Mamadou Sylla au capital social d’ETI, souscription dont la validité n’affecte en rien celle du nantissement consenti, l’arrêt attaqué encourt les griefs formulés ;

Qu’il y a lieu de le casser et d’évoquer ;

Sur l’évocation

Attendu que suivant actes du 17 septembre 2010 et du 04 novembre 2010, Ecobank-Guinée a fait appel des jugements n°60 et n°64 rendus par le Tribunal de première instance de Kaloum les 16 septembre et 4 novembre 2010, lesquels l’ont condamné à payer à la COGEST la somme de 1.223.807.610 FG, et à Mamadou Sylla, les sommes de 2.000.000 USD à titre principal, et de 500.000.000 de FG à titre de dommages-intérêts pour tous les préjudices confondus ;

 

Attendu que les appels sont réguliers en la forme; que s’agissant d’affaires connexes opposant les mêmes parties, il y a lieu à jonction ;

 

Attendu qu’au fond, Ecobank-Guinée sollicite l’infirmation des jugements entrepris en toutes leurs dispositions, aux motifs que « Mamadou Sylla s’est porté caution personnelle et solidaire de la COGEST » et qu’au «18 mai 2010, la COGEST était débitrice » « de la somme de 2.387.949.182 GNF » qu’elle n’a pu régler à ce jour ; qu’elle demande de condamner Mamadou Sylla à lui payer ladite somme, « sans préjudice des frais et des intérêts courus depuis l’échéance conformément à la sommation de payer à lui signifiée le 16 juillet 2010 » ; qu’en réplique, l’intimé conclut à la confirmation des décisions attaquées ;

 

Mais attendu que pour les mêmes motifs que ceux justifiant la cassation, il échet de faire droit aux prétentions d’Ecobank-Guinée ;

 

Et attendu que Mamadou Sylla succombant, il sera condamné aux dépens;

 

PAR  CES  MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse et annule en toutes ses dispositions, l’arrêt numéro 151 rendu le 19 avril 2011 par la Cour d’appel de Conakry ;

Evoquant :

Déclare Ecobank-Guinée recevable en ses appels des jugements numéros 60 et 64 rendus respectivement les 16 septembre et 4 novembre 2010, par le Tribunal de première instance de Kaloum ;

Ordonne la jonction des deux procédures ;

Infirme lesdits jugements en toutes leurs dispositions ;

Statuant de nouveau :

Condamne El Hadj Mamadou Sylla, ès-qualité de caution personnelle et solidaire de la société COGEST SA, à payer à Ecobank-Guinée la somme de 2.387.949.182 GNF, avec intérêts de droit depuis la sommation de payer signifiée le 16 juillet 2010 ;

Déboute El Hadj Mamadou Sylla de toutes ses demandes ;

Le condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier