ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Troisième chambre

Audience publique du 25 février 2016

Pourvoi :  n° 041/2010/PC du 23/04/2010

Affaire :    BANK OF AFRICA-BENIN dite BOA- BENIN

                 (Conseils : Maîtres Joseph DJOGBENOU, Igor SACRAMENTO

               et Roch C. Gnahoui DAVID, Avocats à la Cour)                                   

 

                                    contre

 

  • Société BRAMAF sarl
  • Monsieur Zakariyaou SEFOU

 

Arrêt N° 022/2016 du 25 février 2016

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 25 février 2016 où étaient présents :

 

Madame      Flora DALMEIDA MELE,                         Présidente, rapporteur

Messieurs     Victoriano OBIANG ABOGO,                  Juge

Idrissa YAYE,                                       Juge

Birika Jean Claude BONZI,                     Juge

Fodé KANTE,                                        Juge

 

et  Maître    Alfred Koessy BADO,                           Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 23 avril 2010      sous le n°041/2010/PC et formé par Maîtres Joseph DJOGBENOU, Igor SACRAMENTO et Roch C. Gnahoui DAVID, Avocats à la cour, demeurant et domiciliés ès qualité au lot 957, Sikècodji Enagnon , immeuble Fifamin, 01 BP 4452 , agissant au nom et pour le compte de la BANK OF AFRICA-BENIN dite BOA-BENIN, représentée par monsieur Patrick SAÏZONOU, directeur  général adjoint et dont  le siège social est à Cotonou, avenue Jean Paul II, 08 BP 0879, dans la cause l’opposant à la société BRAMAF, ayant son siège à Cotonou, représentée par son gérant monsieur Zakariyaou SEFOU, demeurant et domicilié audit siège et monsieur Zakariyaou SEFOU, demeurant et domicilié au lot 23 PK 6 Akpakpa, Cotonou, en annulation du jugement  N°08/09-Ch Criées rendu  le 7 août 2009 par le tribunal de première instance de première classe de Cotonou  dont le dispositif est le suivant :

 

« PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière sommaire et en dernier ressort ;

Constate que la parcelle « F », du lot N° 23 du lotissement  de PK6  Akpakpa Cotonou, objet de permis d’habiter N°2/442 du 06 septembre 2000 n’est pas munie d’un titre foncier ;

Rejette en conséquence, la demande d’adjudication formulée par la BANK OF AFRICA (BOA-BENIN). » ;

La requérante  invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation  tels qu’ils  figurent  à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE,  seconde Vice-présidente ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que  le 30 avril 2002, la BANK OF AFRICA dite BOA-BENIN , a conclu par-devant maître Irène ADJAGBA, notaire, une convention d’ouverture de compte courant avec la société BRAMAF ; qu’en sûreté et garantie du remboursement du solde débiteur en faveur de la BOA-BENIN à la clôture du compte de la société, monsieur Zakariyaou SEFOU, gérant, a, en qualité  de caution réelle, affecté à titre de gage et nantissement en premier rang et sans concurrence au profit  de la BOA-BENIN, à hauteur de 30 000 000 FCFA , le permis d’habiter numéro 2/442 du 6 septembre 2000 relatif aux installations  édifiées sur la totalité de la parcelle « F » du lot  numéro 23 du lotissement  de PK6 Cotonou ; que de nouveaux concours  bancaires ont été accordés  à la société BRAMAF élevant le montant du prêt à la somme de 100 000 000 FCFA ; que n’ayant pas respecté leurs engagements, la BOA  a  fait dénoncer ladite convention et fait  servir une signification avec commandement de payer aux fins de réalisation de gage sur permis d’habiter ; que faute de satisfaire au commandement, l’huissier de justice a procédé à sa publication le 21 décembre 2006 et en conséquence à la saisie des constructions et impenses édifiées sur la parcelle concernée ; que le cahier des charges, rédigé le 29 décembre 2006, a fixé l’audience éventuelle au 9 février 2007 et sommé les débiteurs à y insérer leurs dires et observations ; qu’ en l’absence des dires et observations à la date du 4 février 2007, l’audience éventuelle n’a pu se tenir ; qu’après plusieurs renvois, l’audience d’adjudication  a été fixée au 17 avril 2009 ; que le 7 août 2009, le tribunal de première instance de première classe de Cotonou  a rendu le jugement N°08/09-Ch Criées dont pourvoi ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que la société BRAMAF a accusé réception de la signification du recours le 7 avril 2015 ; que bénéficiant des délais de distance, elle disposait, en sus des trois mois à elle imparti pour déposer son mémoire en réponse, de quinze jours supplémentaires augmentant l’échéance au 22 juillet 2015 ; que la défenderesse n’ayant pas conclu à l’expiration de cette date, le principe du contradictoire est acquis et la cour statuera en l’état du dossier ;

Sur le moyen soulevé d’office fondé sur les articles 10 du traité OHADA, 45, 46 et 150 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997

Attendu que les articles 150 et 46 de l’Acte uniforme non révisé portant organisation des sûretés disposent respectivement « sont abrogés toutes les dispositions antérieures contraires à celles du présent Acte uniforme. Celui-ci n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées après son entrée en vigueur. » ; « Tout bien meuble, corporel ou incorporel, est susceptible d’être donné en gage. » ; que l’article 10 du traité quant à lui prône l’effet immédiat et direct des Actes uniformes ;

Attendu que la grosse notariale du 30 avril 2002, en sa rubrique “ GAGE SUR PERMIS D’HABITER“ est ainsi libellée : « Monsieur Zakariyaou affecte à titre de gage et nantissement, spécialement en premier rang et sans concurrence, au profit de la Banque, le permis d’habiter numéro 2/442 du six septembre de l’an deux mille relatif aux installations édifiées sur la totalité de la parcelle F du lot numéro 23 du lotissement de PK 6 Cotonou lui appartenant. Ainsi, au surplus que lesdites installations existent avec leurs dépendances sans exception ni réserve, y compris toutes augmentations, modifications et améliorations qui y seraient apportées par la suite. Au moyen de ce nantissement, la BOA-BENIN aura et exercera sur les installations ci-dessus désignées, les droits et privilèges conférés par la Loi aux créanciers munis d’un gage, pour se faire payer la créance… » ; qu’il ressort clairement de cette rubrique que le gage est relatif au permis d’habiter numéro 2/442 du six septembre de l’an deux mille relatif aux installations édifiées sur la totalité de la parcelle F du lot numéro 23 du lotissement de PK 6 Cotonou ;

Attendu que ledit  gage est consenti le 30 avril 2002,  soit après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sus visé, sur le permis d’habiter numéro 2/442 du         06 septembre 2000 ce, en application de la loi n°60-20 du 13 juillet 1960 fixant le régime des permis d’habiter au Bénin ; que conformément aux articles 10 du Traité OHADA et 150 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997, seul cet Acte uniforme est applicable en la matière ; que ledit Acte uniforme ne prévoit pas dans ses dispositions, le gage d’ une parcelle objet d’un permis d’habiter contrairement à la loi béninoise n°60-20 du 13 juillet 1960 ; que selon l’article 46 de l’Acte uniforme précité « tout bien corporel ou incorporel est susceptible d’être donné en gage » ; que la réalisation du gage sollicitée portant sur un permis d’habiter relatif aux constructions et impenses  édifiées sur la parcelle F du lot numéro 23 du lotissement  de PK 6 Cotonou et objet du permis d’habiter n°2/442 du 06 septembre 2000 gagé est contraire à l’Acte uniforme sus indiqué en raison de ce que cette vente porte en réalité sur des constructions ou impenses érigées sur la parcelle qui ne sont autres qu’un immeuble  seulement susceptible d’être hypothéqué que mieux, l’Acte uniforme précité n’a pas prévu de gage immobilier ;  qu’aux termes de l’article 46 sus cité, un immeuble ne peut être donné en gage ; qu’en application des articles sus visés, la procédure d’adjudication initiée sur la base du gage consenti sur les constructions érigées sur la parcelle objet du permis d’habiter gagé  est nulle ; qu’il échet de casser le jugement attaqué ;

Sur l’évocation

Attendu que la BOA-Bénin soutient qu’elle a signé avec la société BRAMAF une convention de compte courant ; qu’en garantie et sûreté du remboursement du solde débiteur en sa faveur à la clôture du compte courant, monsieur Zakariyaou SEFOU a, en qualité de caution réelle de la société BRAMAF,  affecté  à titre de gage  et nantissement au profit de la BOA , le permis d’habiter  numéro 2/442 du 6 septembre 2000 relatifs aux installations édifiées  sur la totalité  de la parcelle  « F » du lot numéro 23 du lotissement  de PK6 Cotonou lui appartenant ; que n’ayant pas honoré leurs engagements  malgré les diverses sommations, la BOA a notifié la clôture du compte courant à la société et à la caution ; qu’elle a par le biais d’un huissier de justice fait un commandement de payer aux fins de réalisation de gage sur permis d’habiter ; qu’ en l’absence de tout paiement, elle a fait procéder à la saisie des constructions et impenses édifiées sur la parcelle concernée  et  a respecté la procédure y relative ; qu’elle demande à la Cour de céans de constater que la procédure de saisies des impenses à laquelle il a été procédé  est régulière en la forme  et fondée au fond , de donner acte à maitre ZOSSOUNGBO Marcellin , huissier de justice, du montant de ses frais, dépens et débours fixé à la somme  totale  de 3 440 112 FCFA et de  prononcer l’adjudication des installations érigées sur la parcelle concernée à son profit ;

 

Sur la demande d’adjudication formulée par la BOA

Attendu que la BOA demande que soit prononcée l’adjudication des impenses sur la parcelle objet du permis d’habiter numéro 2/442 du 6 septembre 2000 dont la procédure est régulière tant en la forme qu’au fond ;

Attendu que la demande d’adjudication porte sur les impenses et constructions érigées sur la parcelle  « F » du lot numéro 23 du lotissement  de PK6 Cotonou, objet du permis d’habiter n°2/442 du 06 septembre 2000  donné en gage et destiné à garantir le paiement du solde du compte courant à sa clôture ; que pour les mêmes motifs que ceux ayant prévalu à la cassation de l’arrêt, il convient de dire nulle la convention de  gage sur le permis d’habiter,  de dire irrégulière  la procédure d’adjudication initiée sur le fondement d’un gage sur les constructions érigées sur la parcelle objet du permis d’habiter n°2/442 du 06 septembre 2000 gagé  et en conséquence, de débouter  la BOA de sa demande en adjudication comme non fondée ;

Sur les frais de l’huissier de justice

Attendu que la BOA demande à la Cour de céans de donner acte à maître ZOSSOUNGBO Marcellin,  huissier de justice,  du montant de ses frais ;

Attendu que la procédure de réalisation du gage portant sur un immeuble étant ainsi annulée, la demande sur les frais de l’huissier de justice est sans objet ;

 Sur les dépens

Attendu que la Bank of Africa ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Déclare recevable le recours ;

Casse et annule le jugement n°08/09-Ch Criées rendu le 7 août 2009 par  le tribunal de première instance de Cotonou ;

Evoquant et statuant à nouveau,

Déclare nulle la convention de  gage sur permis d’habiter ;

Dit que la procédure de réalisation du gage sur les constructions érigées sur la parcelle objet du permis d’habiter n°2/442 du 06 septembre 2000 est nulle ;

Déboute en conséquence la Bank of Africa de sa demande en adjudication ;

Dit sans objet la demande sur les frais de l’huissier de justice ;

Condamne la Bank of Africa aux dépens.

Ainsi fait,  jugé  et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé:

 

 

 La Présidente

 

Le Greffier