ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 03 juillet 2008
POURVOI n° : 013/2002/PC du 28 mars 2002
AFFAIRE : OKA KOKORE Félix
(Conseil : Maître VIEIRA Georges Patrick, Avocat à la Cour)
contre
1°/ Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie
en COTE D’IVOIRE dite BICICI
2°/ Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE
dite SGBCI
3°/ Société Ivoirienne de Banque de COTE D’IVOIRE
dite SIB
4°/ Crédit de COTE D’IVOIREdite CCI
5°/ Banque Ivoirienne pour le Développement Industriel
dite BIDI
(Conseils : Maîtres Charles DOGUE-Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N° 031 /2008 du 03 juillet 2008
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 03 juillet 2008 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire OKA KOKORE Félix contre un consortium bancaire constitué de la BICICI et de quatre autres banques ci-dessus dénommées, par Arrêt n°484/01 du 12 juillet 2001 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 20 juillet 2000 par Maître VIEIRA Georges Patrick, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, Plateau-Indénié, 3, rue des Fromagers, immeuble CAPSY, 1er étage, 01 BP V 159 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Monsieur OKA KOKORE Félix, Directeur général du Groupe ADK, demeurant à Abidjan zone 4 C, 48, rue du Docteur Clamette, BP 1029, dans la cause qui l’oppose au consortium bancaire BICICI et quatre autres banques sises à Abidjan, ayant comme conseils Maîtres Charles DOGUE-Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, 29 Boulevard CLOZEL, 01 BP 174 Abidjan 01, en cassation de l’Arrêt n°653 rendu le 26 mai 2000 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme
Déclare OKA KOKORE Félix recevable en son appel régulièrement relevé du Jugement civil n°ADD 524/99 en date du 08 novembre 1999, rendu par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Donne acte à la BIDI de son désistement d’instance ;
Au fond
L’y dit mal fondé ;
L’en déboute ;
Confirme ledit jugement en toutes ses dispositions ;
Renvoie la cause et les parties à l’audience des criées le 24 juillet 2000, en l’Etude de Maître Marcelle Denise Richmond Notaire à Abidjan ;
Réserve les dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation en sept branches tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les dispositions des articles 13, 14, et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par acte de Maître Marcelle Denise Richmond, Notaire à Abidjan, en date du 04 mars 1995, un pool bancaire constitué de la BICICI, la SGBCI, la CCI, la BIDI et la SIB, concluait avec la Société ADK représentée par Monsieur OKA Niangoin, une convention de compte courant et d’ouverture de crédit ; qu’en garantie du règlement de la dette de ladite Société, Monsieur OKA Niangoin se portait caution solidaire et donnait en hypothèque, tout en renonçant au bénéfice de discussion et de division, les immeubles, objet des titres fonciers n°s 2567 et 5606 du livre foncier de la circonscription foncière de Bingerville, pour la somme totale de 2.038.250.000 francs CFA en principal ; que suite au non respect des échéances de paiement de leur dette, les banques créancières entreprirent de réaliser l’hypothèque précitée en initiant une procédure de saisie immobilière ; qu’après s’être, dans un premier temps, heurté à la résistance des ayants droit de Monsieur OKA Niangoin, décédé entre temps, le pool bancaire exerçait la présente procédure de saisie immobilière ; qu’ainsi, par exploit en dates des 19 et 20 août 1999 de Maître Christophe KOFFI KOUAME, Huissier de justice à Abidjan, le pool bancaire servait un commandement à fin de saisie réelle aux ayants droit de feu OKA Niangoin ; que par Jugement n°524/CIV4/ADD/D rendu le 08 novembre 1999, le Tribunal de première instance d’Abidjan, après avoir constaté « que toutes les formalités voulues par la loi pour parvenir à la vente des immeubles (…) ont été accomplies », a confirmé le commandement précité et renvoyé « la cause et les parties à l’audience d’adjudication du 13 décembre 1999 par devant Maître Marcelle Denise Richmond, Notaire à la résidence d’Abidjan » ; que par exploit en date du 22 décembre 1999, Monsieur OKA KOKORE Félix, ayant droit de feu OKA Niangoin et Directeur général du Groupe ADK relevait appel dudit jugement ; que par Arrêt n°653 rendu le 26 mai 2000, la Cour d’appel d’Abidjan le confirmait en toutes ses dispositions et renvoyait la cause et les parties à l’audience des criées du 24 juillet 2000, en l’Etude de Maître Marcelle Denise Richmond, Notaire à Abidjan ; que par exploit en date du 20 juillet 2000, Monsieur OKA KOKORE Félix ayant initié un pourvoi en cassation contre l’Arrêt précité devant la Cour suprême de COTE D’IVOIRE, celle-ci, par Arrêt n°484/01 en date du 12 juillet 2001, se dessaisissait du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans ;
Attendu que le requérant fonde son recours sur le moyen unique de cassation pris de la violation de la loi ou l’erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, notamment :
- la nullité du commandement tirée de la violation de l’article 247, alinéa 1er, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution :
- première branche :
En ce que contrairement à l’article 247 de l’Acte uniforme susvisé qui prévoit que la vente forcée d’un immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et à l’article 33 du même Acte uniforme qui énumère les titres exécutoires, le consortium de banques a fait saisir les immeubles en cause en vertu :
- d’un protocole d’accord valant reconnaissance de dette à hauteur de 5.476.370.802 francs CFA ;
- d’un Arrêt civil n°1362 rendu le 11 décembre 1987 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
- d’une convention de compte courant et d’ouverture de compte en forme exécutoire du 04 mars 1975 de Maître Denise Richmond ;
Or, soutient le requérant, non seulement le protocole d’accord précité ne vaut pas titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte uniforme susvisé, mais aussi, d’une part, l’Arrêt civil n°1362 du 11 décembre 1987, certes revêtu de la formule exécutoire, ne contient aucune condamnation à paiement de sommes d’argent, et, d’autre part, la convention de compte courant et d’ouverture de compte en forme exécutoire du 04 mars 1975 ne satisfait pas aux prescriptions de l’article 247 susvisé en ce qu’elle ne constate pas une créance liquide, a fortiori exigible ; que dès lors, en l’absence d’un titre exécutoire, la saisie immobilière pratiquée viole les dispositions dudit article 247 ; d’où il suit que l’arrêt attaqué doit être cassé de ce chef ;
- deuxième branche :
En ce qu’aux termes de l’article 247 susvisé, la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire et, en outre, la saisie immobilière tendant à la vente suppose que le créancier présomptif ait constitué au préalable hypothèque sur les immeubles détenus par son débiteur ; qu’en l’espèce, soutient le requérant, la BIDI représentée par la SONARECI se prévalait d’un titre exécutoire et d’un certificat d’inscription alors qu’aucun titre n’a été inscrit à son profit ; que par ailleurs, la convention de compte courant précité ne fait nulle part mention de la BIDI, de même que l’Arrêt n°1362 du 11 décembre 1987 n’a pas été rendu au profit de la BIDI ; d’où il suit que le commandement daté du 19 août 1999 est nul de nullité absolue ;
- la violation de l’article 254, alinéa 5, de l’Acte uniforme susvisé:
En ce que contrairement aux exigences dudit article, les titres fonciers 5606, 2567 et 13241 n’ont pas été situés précisément dans leurs abornements, de même que ledit commandement ne contient aucune indication précise de ces immeubles ; d’où il suit qu’il doit être annulé ;
- le non respect de l’article 260, alinéa 3, de l’Acte uniforme susvisé :
En ce que le consortium des banques a servi un commandement à fin de saisie réelle portant sur les mêmes titres fonciers sans mentionner les commandements antérieurement inscrits ni procédé « en violation des règles essentielles du code de procédure civile » ;
- la nullité du cahier des charges:
En ce que contrairement à l’article 267, alinéa 8, de l’Acte uniforme susvisé, il n’est nullement mentionné au cahier des charges l’état des droits réels inscrits et délivré par la conservation foncière à la date du commandement ; d’où il suit qu’un tel cahier des charges est entaché de nullité et d’une nullité absolue ;
- la nullité pour contestation de la créance:
En ce que feu OKA Niangoin a toujours contesté devoir au pool bancaire la somme de 5.476.370.000 francs CFA, non seulement parce qu’aucun arrêté de compte des règlements effectués n’a été fait contradictoirement entre les parties, mais aussi, les actes notariés relatifs à la transaction ont été rédigés par Maître Marcelle Denise Richmond, épouse commune en biens de Monsieur Joachim Richmond, Directeur général de la BICICI chef de file du consortium des banques, ce qui dénote du caractère suspect desdits actes ; la collusion du notaire étant par ailleurs contraire aux dispositions de l’article 16 de la loi n°69/379 du 12 août 1969 portant Statut des notaires ; d’où il suit que face à une créance contestée, il doit être ordonné mainlevée du commandement à fin de saisie immobilière querellé ;
Sur la nullité du commandement tirée de la violation de l’article 247, alinéa 1er, de l’Acte uniforme susvisé, en sa première branche
Mais attendu que contrairement à l’argumentaire développé par le requérant quant à l’inexistence en la cause d’un titre exécutoire devant légitimer le commandement à fin de saisie réelle fondant les présentes poursuites, l’arrêt attaqué relève notamment que « la créance de la BICICI repose entre autres sur une convention notariée d’ouverture de crédit en date du 04 mars 1975 revêtue de la formule exécutoire », que « ladite créance consacrée par ailleurs par une reconnaissance de dette non contestée du 16 avril 1982 signée de feu OKA Niangoin de son vivant est liquide pour avoir été libellée en somme d’argent, en l’occurrence, 2.038.250.000 francs CFA » et qu’en outre « le non respect par feu OKA Niangoin des échéances convenues entre les parties pour l’extinction de la créance l’a rendu … exigible » ; qu’il s’induit clairement de ces constatations des juges d’appel que la créance poursuivie dans le cadre de la saisie immobilière pratiquée est liquide et exigible et constitue bel et bien un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte uniforme susvisé ; que l’arrêt attaqué n’a donc en rien violé les dispositions de l’article 247, alinéa 1er, dudit Acte uniforme aux termes duquel « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible » ; d’où il suit que cette branche du moyen doit être rejetée comme non fondée ;
Sur la nullité du commandement tirée de la violation de l’article 247, alinéa 1er, de l’Acte uniforme susvisé, en sa deuxième branche
Mais attendu que l’arrêt attaqué relève que « la BIDI, bien que créancière de la succession de feu OKA Niangoin, ne dispose d’aucune garantie hypothécaire » comme le soutient au demeurant le requérant ; que par ailleurs la BIDI s’étant désistée, et en donnant acte du désistement d’instance de la BIDI tant à celle-ci qu’au pool bancaire, l’arrêt attaqué n’a en rien violé les dispositions de l’article 247, alinéa 1er , de l’Acte uniforme susvisé ; d’où il suit que la nullité du commandement sollicitée du fait d’une implication illégale et indue de la BIDI à la présente procédure n’est pas fondée et doit être rejetée ;
Sur le non respect de l’article 254 -5) de l’Acte uniforme susvisé
Mais attendu que contrairement aux assertions du requérant selon lesquelles le commandement litigieux ne mentionne pas, en violation de la disposition susvisée, l’indication précise des immeubles à saisir, l’arrêt attaqué relève à cet égard que « … la BICICI a fait servir un commandement de payer comportant toutes les mentions exigées par la loi tant en ce qui concerne le visa du conservateur… que la désignation précise des immeubles à saisir » ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines faites à partir des pièces versées au dossier, les juges d’appel n’ont en rien violé les dispositions de l’article 254-5) susvisé qui énonce les mentions que devrait contenir, à peine de nullité, le commandement aux fins de saisie ;
Sur le non respect de l’article 260, alinéa 3, de l’Acte uniforme susvisé
Mais attendu que contrairement aux assertions du requérant qui reproche au commandement litigieux de n’avoir pas mentionné les précédents commandements antérieurement inscrits ni procédé à leur mainlevée, il appert des pièces du dossier de la procédure que le conservateur de la propriété foncière a mentionné en marge du commandement des 19 et 20 août 1999 que les titres fonciers, objet de la saisie immobilière, étaient déjà grevés de cinq précédents commandements inscrits à différents stades, ce que relève d’ailleurs l’arrêt attaqué lorsqu’il mentionne que « … [ledit] commandement de payer comportait toutes les mentions exigées par la loi tant en ce qui concerne le visa du conservateur que les mentions en annexe des précédents commandements » ; qu’en statuant ainsi, l’arrêt attaqué n’a en rien violé les dispositions de l’article 260, alinéa 3, de l’Acte uniforme susvisé qui impose entre autres au conservateur ou à l’autorité administrative chargée de procéder à l’inscription du commandement « de constater également, en marge et à la suite du commandement présenté… chacun des commandements entièrement transcrits ou mentionnés avec les indications qui y sont portées … » ;
Sur la nullité du cahier des charges
Mais attendu que contrairement aux assertions du requérant lequel reproche à l’arrêt attaqué de n’avoir pas relevé au cahier des charges l’absence de mentions relatives à l’état des droits réels inscrits, ledit arrêt relève clairement qu’à la « lumière » du cahier des charges produit par le consortium bancaire « il ressort qu’un état récapitulatif des sûretés réelles dont il est titulaire sur les biens immeubles appartenant à la succession de feu OKA Niangoin y a été annexée, et qu’en cela, les dispositions de l’article 267 alinéa 8 de l’Acte uniforme [susvisé] ont été respectées » ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines des juges d’appel d’où il résulte la régularité et la conformité du cahier des charges aux prescriptions de l’article 267, alinéa 8, précité, cette branche du moyen doit également être rejetée comme non fondée ;
Sur la nullité pour contestation de la créance
Mais attendu que les Juges d’appel ayant considéré à partir d’une saine appréciation des pièces du dossier de la procédure que la créance ayant servi de fondement aux présentes poursuites est liquide et exigible, l’argument tendant à contester aussi bien ladite créance que les poursuites subséquentes aux motifs, d’une part, qu’il n’y a pas eu un arrêté de compte contradictoire sur les règlements effectués par le requérant et, d’autre part, parce que le notaire ayant établi les actes était en collusion avec son époux, alors Directeur général de la BICICI, n’est pas pertinent ; qu’en effet, il n’appert pas de l’examen des pièces du dossier, alors même qu’il y avait intérêt, que le requérant ait mis en œuvre une quelconque procédure de reddition ou d’arrêté de compte dont, au demeurant, l’exercice éventuel ne saurait caractérisé légitimement et légalement la validité de la créance ; que s’agissant de la collusion déplorée entre Monsieur Joachim Richmond, Directeur général de la BICICI chef de file du consortium des banques et époux de Maître Marcelle Denise Richmond, Notaire instrumentaire, le requérant lui-même rapporte dans son recours que « la société [ADK] a attrait le Notaire disqualifié par sa qualité d’épouse de Monsieur Richmond en annulation de l’acte daté du 4 mars 1975 réalisé en contravention des dispositions de l’article 16 de la loi 69-379 du 12 août 1969 ; … que par Arrêt n°1362 rendu le 11 décembre 1987, la Cour d’appel d’Abidjan a confirmé le jugement n° 2687 rendu le 8 octobre 1986 par le Tribunal d’Abidjan et débouté la Société ADK de sa demande d’annulation » ; que dès lors, cet argument relatif à la collusion entre le Notaire instrumentaire et son époux est inopérant ; d’où il suit que cette branche du moyen n’est pas davantage fondée et doit également être rejetée ;
Attendu que Monsieur OKA KOKORE Félix ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne le requérant aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef