ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 28 avril 2016
Pourvoi : n° 125/2014/ PC du 21/07/2014
Affaire : Monsieur Jack Lucien BOURRELY
(Conseils : SCPA SORO, BAKO & Associés, Avocats à la cour)
contre
Société Africaine de Chimie et Produits Mixtes
dite AFRICHIM SARL
(Conseil : Maître Octave Marie DABLE, Avocat la cour)
Arrêt N° 087/2016 du 28 avril 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 28 avril 2016 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente, rapporteur
Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Fodé KANTE, Juge
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 21 juillet 2014 sous le n°125/2014/ PC et formé par la SCPA SORO, BAKO & Associés, avocats à la cour, demeurant à cocody les II plateaux , rue des jardins, villa 2160, sainte Cécile, 28 BP 1319 Abidjan 28, agissant au nom et pour le compte de monsieur Jack Lucien BOURRELY, domicilié au Plateau, 01 BP 3777 Abidjan 01, dans la cause l’opposant à la société AFRICHIM SARL située à la zone industrielle de Koumassi, 05 BP 303 Abidjan 05, représentée par monsieur KHRAIBANA Abdul Rahaman, gérant, ayant pour conseil maître Octave Marie Dablé, avocat à la cour, demeurant Abidjan Plateau, 6, rue Gourgas, immeuble KALADJI, escalier B, porte 80 et 81, 18 BP 2772 Abidjan 18, en cassation de l’arrêt n°766 CCIAL rendu le 20 décembre 2013 par la cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
En la forme
Déclare l’appel de AFRICHIM recevable ;
Au fond
L’y dit bien fondé ;
Annule le jugement n°439/2013 rendu le 18 juin 2013 par le Tribunal de Commerce d’Abidjan ;
Statuant à nouveau,
Déclare Jack Lucien BOURRELY mal fondé en sa demande d’expulsion ;
L’en déboute ;
Le condamne aux dépens » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, seconde Vice-présidente ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que suivant arrêté en date du 7 juillet 1978 renouvelé par arrêté N°09-0020/MCHU/DDU du 25 novembre 2009 du ministère de la construction, de l’urbanisme et de l’habitat, monsieur Jack Lucien BOURRELY a bénéficié d’un bail emphytéotique portant sur le lot n°229 d’une superficie de 4949 m2 , situé dans la zone industrielle de Koumassi , objet du titre foncier N°14922 de la circonscription foncière de Bingerville ; qu’il y a édifié des constructions à usage industriel ; que sur autorisations de la Commission Interministérielle d’Attribution des Lots Industriels dite CIDLI en dates du 7 juillet 2004 et 23 novembre 2011, il a sous-loué les lieux à la société AFRICHIM moyennant un loyer mensuel de 1 500 000 FCFA ; qu’en mars 2012, AFRICHIM a cessé de régler les loyers arguant d’une injonction qui lui a été faite par la CIDLI de surseoir au paiement desdits loyers entre les mains du bailleur au motif que la sous location d’un bail emphytéotique en zone industrielle est interdite ; que nonobstant la mise en demeure à lui adressée par monsieur Jack Lucien de s’acquitter des loyers échus , la société AFRICHIM ne s’est pas exécutée ; qu’entretemps, la CIDLI a agréé la demande d’obtention de bail emphytéotique sur le lot en cause de la société AFRICHIM sous la condition de payer dans un délai précis le prix des impenses réalisées par monsieur Jack Lucien BOURRELY; qu’en l’absence de tout paiement dans les délais, le lot a été transféré à la société OIL environnemental ; que monsieur Jack Lucien BOURRELY a donc assigné la société AFRICHIM devant le tribunal de commerce d’Abidjan plateau en résiliation du bail et en expulsion pour non-respect des conditions du contrat de bail ; que par jugement N°439/2013 rendu le 18 juin 2013, le tribunal l’a débouté de sa demande de résiliation du bail pour irrégularité du bail , a jugé que la société AFRICHIM occupe sans titre ni droit les lieux et a ordonné son expulsion au motif que le bail emphytéotique a été transféré à la société OIL environnemental ; que sur appel de AFRICHIM, la cour d’appel a rendu le 20 décembre 2013, l’arrêt 766 dont pourvoi ;
Sur la recevabilité des pièces produites par le demandeur au pourvoi
Attendu que dans son mémoire en réplique reçu le 13 novembre 2014 au greffe de la Cour de céans le 27 novembre 2015, le défendeur au pourvoi soulève in liminé litis la nullité des pièces produites par monsieur Jack Lucien BOURRELY pour violation de l’article 27 alinéa 1 du règlement de procédure de la Cour de céans au motif qu’elles ne sont pas certifiées conformes par le demandeur au pourvoi ;
Mais attendu que l’exception soulevée ne peut prospérer, toutes les pièces produites par le demandeur au pourvoi ayant été certifiées conformes par régularisation dans les délais à lui imparti conformément à l’article 28.5 du règlement de procédure de la Cour de céans;
Sur la première branche du moyen unique
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par mauvaise interprétation, violé l’article 52 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative en retenant que le premier juge devrait inviter les parties à faire des observations sur le moyen de l’occupation sans droit ni titre de la société AFRICHIM pour ordonner son expulsion alors que ce moyen avait été soulevé dans ses écritures du 2 mai 2013 et qu’il revenait à la société AFRICHIM d’y répondre ;
Mais attendu tant dans ses écritures du 2 mai 2013 que dans son assignation du 29 mars 2013, monsieur Jack Lucien BOURRELY avait fondé sa demande en expulsion de la société AFRICHIM sur le non-paiement des loyers et la mauvaise exploitation du local loué ; qu’en ordonnant l’expulsion de la société AFRICHIM sur le moyen fondé sur l’occupation sans titre ni droit qui est un moyen nouveau, sans au préalable appeler la partie défenderesse, en l’occurrence la société AFRICHIM , à présenter ses observations tel que le prescrit l’article 52 alinéa 4 du code de procédure civile selon lequel « aucun moyen, même d’ordre public, non soulevé par les parties, ne peut être examiné sans que celles-ci aient été appelées à présenter leurs observations à cet égard », la cour d’appel qui a annulé le jugement entrepris, n’a en rien violé ledit article ; que le moyen n’est donc pas fondé ;
Sur la seconde branche du moyen unique
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par mauvaise interprétation, violé l’article 3 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative en ce que pour déclarer monsieur Jack Lucien BOURRELY mal fondé en sa demande d’expulsion, la cour d’appel a retenu qu’il ne justifie d’aucun droit juridiquement protégé de nature à fonder son action au motif que le bail qu’il a signé avec la société AFRICHIM date du 1er mars 2004 et que l’autorisation de sous location ne lui a été accordée par l’administration qu’en novembre 2011 alors que l’autorisation de sous louer en date de novembre 2011 est la seconde autorisation délivrée après la première accordée en juillet 2004, justifiant ainsi son action ;
Mais attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le bail entre les parties a été signé le 1er mars 2004 et que l’autorisation administrative de sous louer n’a été accordé à monsieur Jack Lucien BOURRELY que le 7 juillet 2004 ; que le bail emphytéotique prévoit dans l’une de ses clauses que les lieux ne peuvent être cédés qu’avec autorisation de l’administration et que l’inobservation de celle-ci entraine la résiliation de plein droit du bail ; qu’en n’observant pas ainsi les clauses du bail emphytéotique , la résiliation de plein droit du bail est acquise ; qu’aux termes de l’article 3 du code de procédure civile « l’action n’est recevable que si le demandeur : 1°) justifie d’un intérêt légitime juridiquement protégé direct et personnel. » ; qu’en décidant que monsieur Jack Lucien BOURRELY n’avait aucun droit juridiquement protégé de nature à fonder son action du fait de l’acquisition de la résiliation de plein droit du bail, la cour d’appel n’a pas commis le grief visé au moyen ; qu’il convient de rejeter le moyen ;
Attendu que monsieur Jack Lucien BOURRELY ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
En la forme
Déclare le pourvoi recevable ;
Rejette l’exception d’irrecevabilité des pièces produites par monsieur Jack Lucien BOURRELY ;
Au fond
Rejette le pourvoi comme étant mal fondé ;
Condamne monsieur Jack Lucien BOURRELY aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le greffier