ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 31 mars 2005
Pourvoi : n° 020/2004/PC du 16 février 2004
Affaire : Monsieur BOURDIER Gilbert Denis
(Conseils : SCP KONATE, MOÏSE-BAZIE & KOYO, Avocats à la Cour)
Contre
Banque Internationale pour l’Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire
dite BIAO-CI
(Conseils : SCPA KANGA-OLAYE & ASSOCIES, Avocats à la Cour)
ARRET N° 021/2005 du 31 mars 2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 31 mars 2005 où étaient présents :
- Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans par Arrêt n°691/03 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, chambre judiciaire, saisie d’un pourvoi initié le 17 décembre 2002 par la SCP KONATE, MOÏSE-BAZIE & KOYO, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, 12, ancienne route de Bingerville, rue B 32 vieux Cocody, 01 BP 3926 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Monsieur BOURDIER Gilbert Denis dans la cause qui l’oppose à la BIAO-CI, Société Anonyme, au capital de 10 milliards FCFA, sise à Abidjan, 8-10, Avenue Joseph ANOMA, 01 BP 1274 Abidjan 01, pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°020/2004/PC du 16 février 2004, en cassation de l’Arrêt n°928 rendu le 19 juillet 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« En la forme : statuant publiquement et contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
Reçoit la BIAO-CI en son appel relevé du Jugement n°215 du 13/12/2001, rendu par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Au fond : L’y déclare bien fondée ;
Infirme ledit jugement ;
Restitue à l’Ordonnance d’injonction de payer numéro 3494 du 02 mai 2001, son plein et entier effet ;
Condamne les intimés aux dépens… »
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à l’exploit de pourvoi en cassation annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en septembre 1995, la BIAO-CI accordait à Monsieur BOURDIER Gilbert Denis un prêt de 150.000.000 FCFA, garanti par le cautionnement solidaire de la société SIFCOM-COMAFRIQUE et remboursable sur soixante mensualités dont trente-cinq ont été acquittées, soit 125.751.322 FCFA ; qu’estimant que Monsieur BOURDIER Gilbert Denis lui restait redevable de vingt-cinq autres échéances d’un montant de 88.750.222 FCFA, la BIAO-CI avait sollicité et obtenu du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan l’Ordonnance d’injonction de payer n°3494 en date du 21 avril 2001 condamnant solidairement le susnommé et la société SIFCOM-COMAFRIQUE à lui payer la somme totale de 103.702.682 FCFA ; que sur opposition du débiteur principal Monsieur BOURDIER Gilbert Denis, le Tribunal de première instance d’Abidjan, par Jugement n°215 du 13 décembre 2001, déboutait la BIAO-CI de sa demande en recouvrement ; que sur appel de la BIAO-CI, la Cour d’appel d’Abidjan a, par Arrêt n°928 rendu le 19 juillet 2002, infirmé le jugement entrepris et restitué à l’Ordonnance d’injonction de payer n°3494 du 21 avril 2001 son plein et entier effet ; que sur le pourvoi formé le 18 décembre 2002 par Monsieur BOURDIER Gilbert Denis, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a relevé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et s’est dessaisie du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans ;
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche
Vu l’article 4, alinéa 2, 2) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de la loi ou l’erreur dans son interprétation ou son application en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a estimé que la BIAO-CI n’aurait pas violé le texte susvisé en raison de ce qu’elle avait réclamé « 88.075.222 FCFA en principal et intérêts au titre du remboursement du prêt, 15.409.522 FCFA au titre des agios, et 217.958 FCFA au titre des frais de tenue de compte » alors que, selon le moyen, la requête aux fins d’injonction de payer de la BIAO-CI ne distingue pas, en l’espèce, le montant du principal de celui des intérêts de droit ; que le principal et les intérêts constituent des éléments différents de la créance qui doivent être décomptés séparément conformément aux dispositions du texte susvisé ; qu’en déclarant recevable ladite requête, la Cour d’appel d’Abidjan a violé le texte susvisé et son arrêt doit de ce chef être cassé ;
Attendu que l’article 4, alinéa 2, 2) de l’Acte uniforme susvisé dispose que :
« elle [la requête aux fins d’injonction de payer] contient, à peine d’irrecevabilité :
(…)
2) l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci » ;
Attendu, en l’espèce, que l’examen des pièces du dossier de la procédure révèle que la requête aux fins d’injonction de payer présentée par la BIAO-CI le 10 avril 2001, poursuivait notamment le recouvrement de « 88.075.222 FCFA en principal et intérêts au titre du remboursement du prêt… » ; que pour le recouvrement du montant des échéances impayées, la BIAO-CI a engagé la procédure d’injonction de payer ; que dès lors, la requête introduite à cette fin par la BIAO-CI était soumise aux dispositions susénoncées de l’article 4, alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’ainsi, la BIAO-CI était tenue d’indiquer distinctement les différents éléments constitutifs de la créance dont elle réclamait le paiement, en l’occurrence le montant de la créance principale et celui des intérêts, fussent-ils conventionnels ; qu’il suit qu’en entérinant par l’arrêt attaqué la fusion faite par BIAO-CI du principal et des intérêts dans la somme réclamée de 88.075.222 F CFA alors même qu’il s’agit de deux éléments distincts de la créance, la Cour d’appel d’Abidjan a violé les dispositions susénoncées de l’article 4, alinéa 2 de l’Acte uniforme précité et exposé sa décision à la cassation ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que la BIAO-CI a, par acte en date du 11 janvier 2002, interjeté appel du Jugement n°215 du 13 décembre 2001 rendu par le Tribunal de première instance d’Abidjan l’ayant débouté de sa demande en recouvrement ; qu’elle demande à la Cour d’annuler ou d’infirmer ledit jugement et de restituer à l’ordonnance de condamnation de Monsieur BOURDIER son plein et entier effet ;
Attendu que pour sa part, Monsieur BOURDIER Gilbert Denis, intimé, a soulevé in limine litis, d’une part, l’incompétence du Président du tribunal de première instance d’Abidjan en application de l’article 3 du Traité OHADA, son domicile étant à San-Pedro et, d’autre part, l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer introduite par la BIAO-CI pour violation de l’article 4, alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé, la somme indiquée ne présentant aucun détail sur le principal et les intérêts ; qu’en conséquence, il demande la confirmation du Jugement querellé ;
Sur la compétence territoriale du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan
Vu l’article 3 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’aux termes de l’article 3 de l’Acte uniforme susvisé, « la demande est formée par requête auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur ou l’un d’entre eux en cas de pluralité des débiteurs » ;
Attendu, en l’espèce, que la SIFCOM COMAFRIQUE s’est constituée caution solidaire de Monsieur BOURDIER Gilbert Denis ; qu’ainsi il y a pluralité de débiteurs ; que la SIFCOM COMAFRIQUE ayant son siège au boulevard de Vridi à Abidjan, le Président du tribunal de Première instance d’Abidjan est compétent pour connaître de la requête de la BIAO-CI ;
Sur les demandes réunies de recevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer, d’annulation ou d’infirmation du jugement entrepris et de restitution à l’Ordonnance d’injonction de payer n°3494 du 21 avril 2001 son plein et entier effet
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’Arrêt attaqué à été cassé, il y a lieu de déclarer irrecevable la requête aux fins d’injonction de payer introduite par la BIAO-CI, d’infirmer le Jugement n°215 du 13 décembre 2001 en ce qu’il a déclaré ladite requête recevable et d’annuler par voie de conséquence l’Ordonnance d’injonction de payer n°3494 rendue le 21 avril 2001 au pied de ladite requête par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Attendu que la BIAO-CI ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Casse l’Arrêt n°928 rendu le 19 juillet 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Déclare le Président du tribunal de première instance d’Abidjan compétent pour connaître de la requête de la BIAO-CI ;
Infirme le Jugement n°215 rendu le 13 décembre 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan en ce qu’il a déclaré recevable la requête aux fins d’injonction de payer introduite par la BIAO-CI ;
Annule en conséquence l’Ordonnance d’injonction de payer n°3494 rendue le 21 avril 2001 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Condamne la BIAO –CI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier