ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 31 mai 2007
Pourvoi : n° 040/2005/PC du 22 août 2005
Affaire : HOTEL LES BOUKAROUS
(Conseil : Maître NOMO BELLA Joachim, Avocat à la Cour)
contre
Succession HAPPY TINA Gabriel
(Conseil : Maître TCHATCHOUA Gustave, Avocat à la Cour)
ARRET N° 025/2007 du 31 mai 2007
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 31 mai 2007 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°040/2005/PC du 22 août 2005 et formé par Maître NOMO BELLA Joachim, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 5792 Yaoundé-Nlongkak, agissant au nom et pour le compte de Hôtel les Boukarous, dans une cause l’opposant à la Succession HAPPY TINA Gabriel, ayant pour conseil Maître TCHATCHOUA Gustave, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 7831 Yaoundé,
en cassation de l’Arrêt n° 376/Civ rendu le 19 juillet 2000 par la Cour d’appel du Centre à Yaundé au Cameroun et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale en appel et en dernier ressort ;
EN LA FORME
Reçoit la succession HAPPY TINA Gabriel en son appel ;
AU FOND
L’y fondée ;
Infirme en conséquence le jugement entrepris ;
Evoquant et statuant à nouveau ;
Déclare Hôtel les Boukarous non fondé en sa demande ;
Le condamne aux entiers dépens.» ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête de pourvoi en cassation annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’au courant de l’année 1983, dame KHOURY Violette avait été approchée par sieur HAPPY TINA Gabriel aux fins de rachat de son fonds de commerce dénommé Hôtel les Boukarous ; que les parties avaient abouti à un accord sur le prix de vente d’un montant de 400.000.000 de FCA, avec versement spontané par l’acquéreur de la somme de 50.000.000 FCFA ; que les difficultés qu’aurait rencontrées Monsieur HAPPY TINA à payer le solde de prix convenu avaient conduit les parties à mettre plutôt en place une S.A.R.L dénommée Hôtel les Boukarous ; qu’estimant que les statuts de ladite société avait été finalisés en violation de l’article 7 du décret du 14 mai 1930 instituant les sociétés à responsabilité au Cameroun, dame KHOURY Violette avait engagé, en date du 27 novembre 1995, une procédure de nullité desdits statuts au motif que l’apport en nature de son immeuble à la constitution du capital de Hôtel les Boukarous n’avait pas été muté à son profit ; que par Jugement n°504/Civ du 03 septembre 1998, le Tribunal de première instance de Yaoundé avait déclaré nuls et de nul effet les statuts de Hôtel les Boukarous ; que sur appel de TINA HAPPY, la Cour d’appel de Yaoundé avait, par Arrêt n°376/Civ du 19 juillet 2000 dont pourvoi, infirmé le jugement entrepris au double motif que dame KHOURY était de mauvaise foi parce qu’elle aurait dû accomplir cet acte translatif de propriété et que l’hypothèque qui couvrait ledit immeuble avait été purgée par cette dernière ;
Sur la compétence de la Cour
Vu l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé ;
Attendu que la succession HAPPY TINA Gabriel a soulevé, in limine litis, l’incompétence de la Cour de céans à connaître du présent pourvoi aux motifs que la société Hôtel les Boukarous a été créée en 1983 et le Tribunal de première instance de Yaoundé a été saisi en annulation des statuts en date du 27 novembre 1995, c’est-à-dire avant l’adoption de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; que tant en instance qu’en appel, il n’a nullement été invoqué l’application des Actes uniformes au soutien des prétentions de la société Hôtel les Boukarous ; qu’il s’ensuit que les dispositions de l’Acte uniforme susvisé aujourd’hui invoquées par la demanderesse dans son recours en cassation n’avaient pas intégré l’arsenal juridique camerounais au moment de l’acte introductif d’instance ; qu’en conséquence, les conditions de compétence de la Cour de céans telles que définies à l’article 14 du Traité OHADA ne sont pas réunies ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux » ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, entré en vigueur le 1er janvier 1998, n’avait pas intégré l’ordre juridique interne de la République du Cameroun le 27 novembre 1995, date à laquelle les juges du fond étaient saisis du contentieux et qu’il ne pouvait de ce fait être applicable ; que dans ce contexte spécifique, aucun grief ni moyen relatif à l’application de l’Acte uniforme invoqué n’avait pu être formulé et présenté devant lesdits juges de fond par le requérant ; que dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en matière contentieuse telles que précisées à l’article 14 susvisé n’étant pas réunies, il échet de se déclarer incompétent ;
Attendu que Hôtel les Boukarous ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente
Condamne Hôtel les Boukarous aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier