ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre                         

Audience publique du 16 avril 2009

Pourvoi : n° 044/2007/PC du 30 mai 2007

Affaire : ETAT DE COTE D’IVOIRE

               (Conseil : Maître  BLAY Charles, Avocat à la Cour)

                        contre

              Ayants droit de BAMBA FETIGUE

              & AKOUANY Paul

                 (Conseil : Maître Jour-Venance SERY, Avocat à la Cour)                 

ARRET N° 023/2009 du 16 avril 2009

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 16 avril 2009 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO, Président

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur

et Maître  ASSIEHUE Acka,  Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Etat de Côte d’Ivoire contre Ayants droit de BAMBA FETIGUE & AKOUANY Paul par Arrêt n °13 du 16 février 2005 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, saisie d’un pourvoi formé le 21 octobre 2003 par Maître BLAY Charles, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, Avenue Jean-Paul II, immeuble CCIA, 8ème étage, Porte n° 08, BP 2511 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de l’Etat de Côte d’Ivoire, aux poursuites et diligences de Monsieur Antoine BOHOUN BOUABRE, Ministre d’Etat chargé de l’Economie et des Finances, demeurant au 16ème étage de l’immeuble SCIAM (Plateau), représenté par Monsieur l’Agent Judiciaire du Trésor, demeurant en cette qualité à l’immeuble ex-BCEAO (Plateau), BP V 98 Abidjan, dans une cause l’opposant aux ayant droit de BAMBA FETIGUE et Monsieur AKOUANY Paul, demeurant à Blokhauss-village, 25 BP 879 Abidjan 25, ayant pour conseil Maître Jour-Venance SERY, Avocat à la Cour, demeurant à Cocody-Mermoz, rue C.20, angle C17, derrière le collège Jean-Mermoz, 1er étage, porte n°3, BP 1927 Abidjan 04,en cassation de l’Arrêt n° 1145 rendu le 05 septembre 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« EN LA FORME : Déclare l’ETAT DE COTE D’IVOIRE d’une part,  AKOUANY Paul et autres d’autre part, recevables en leurs appels principal et incident relevés de l’ordonnance de référé n°3830 rendue le 06 AOUT 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan ;

 

AU FOND : Les y dit mal fondés ;

Les en déboute ;

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée ;

Condamne l’ETAT DE COTE D’IVOIRE aux dépens. » ;

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution du Jugement social n°1146 rendu le 20 décembre 2002 par le Tribunal du travail d’Abidjan, Monsieur AKOUANY Paul a fait pratiquer saisie-attribution des créances entre les mains de l’Etat de Côte d’Ivoire, débiteur de la société EGBVCI ; que ladite saisie a été pratiquée pour avoir paiement de la somme en principal de 18.361.300 FCFA ; que parallèlement les ayants droit de BAMBA FETIGUE faisaient pratiquer saisie conservatoire de créances sur les mêmes sommes pour avoir paiement de la somme en principal de 85.029.531 FCFA ; que suite à ces saisies, l’Etat de Côte d’Ivoire avait déclaré détenir la somme de 139.060.256 FCFA pour le compte de la société EGBVCI  ; que la juridiction des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan ayant, par ordonnances n°s 1496 et 1497 rendues le 1er avril 2003, prononcé la mainlevée des saisies conservatoires et attribution des créances, les ayants droit de BAMBA FETIGUE et Monsieur AKOUANY Paul avaient interjeté appel, et bien avant que la Cour d’Appel d’Abidjan ne se prononce, l’Etat de Côte d’Ivoire procédait au paiement de la somme de 125.154.230 FCFA à la société EGBVCI ; que suite à ce paiement, les susnommés saisissaient la juridiction des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan pour voir l’Etat de Côte d’Ivoire condamné à payer les causes des saisies entre les mains du séquestre désigné ; qu’en réplique, l’Etat de Côte d’Ivoire introduisait une procédure en rétractation de l’ordonnance de séquestre susvisée ; que sur jonction des deux procédures sus décrites, la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan, par Ordonnance de référé n°3830 du 06 août 2003, déclarait l’action initiée par l’Etat de Côte d’Ivoire mal fondée et lui faisait injonction de payer à Monsieur AKOUANY Paul et aux ayants droit de BAMBA FETIGUE les causes des saisies pratiquées ; que sur appel de l’Etat de Côte d’Ivoire, la Cour d’Appel d’Abidjan confirmait l’ordonnance querellée par Arrêt n°1145 du 05 septembre 2003 ; que sur pourvoi en cassation formé par l’Etat de Côte d’Ivoire, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, par Arrêt n°13 du 16 février 2005, s’est déclarée incompétente au profit de la Cour de céans ;

 

Sur le premier moyen pris en sa première branche

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative en ce que la cause n’a pas été communiquée au Ministère Public alors que, selon le moyen, il résulte de ce texte que sont obligatoirement communicables au Ministère Public qui doit prendre des conclusions écrites, les causes dans lesquelles l’Etat est partie ; qu’en l’espèce,  l’Etat de Côte d’Ivoire étant  partie, l’Arrêt civil n°1145 a été rendu en violation dudit article 106 du code précité et doit être annulé ;

 

Mais attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions combinées des articles 28, 336 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution que celui-ci contient aussi bien des dispositions de fond que de procédure qui ont seules vocation à s’appliquer aux procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur ; que dans la mise en œuvre de celles-ci, ledit Acte uniforme n’ayant pas prévu de procédure de communication de la cause au Ministère Public telle que fixée à l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative précité, il s’ensuit que cette disposition de droit interne contraire à la lettre et à l’esprit des dispositions de l’Acte uniforme susvisé est inapplicable au litige ayant donné lieu à la décision attaquée ; qu’il suit que cette première branche du premier moyen n’est pas fondée et doit être rejetée ;

Sur le premier moyen pris en sa seconde branche

Vu l’article 164 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des articles 38 et 49 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a condamné l’Etat de Côte d’Ivoire au paiement des causes des saisies conservatoire et attribution de créances au motif qu’il ne pouvait se dessaisir des sommes saisies entre ses mains sans ordre contraire du juge alors que, selon le moyen, le 17 avril 2003, l’Etat de Côte d’Ivoire a procédé au paiement de la somme de 125.154.230 FCFA à la société EGBVCI, cette somme saisie entre ses mains étant devenue disponible, suite à l’appel interjeté contre l’Ordonnance n°1497 du 1er avril 2003 ayant ordonné mainlevée des saisies pratiquées, l’article 49 précité prévoyant qu’un tel appel n’a pas un caractère suspensif ; que partant, en le condamnant au paiement des causes de la saisie conservatoire pratiquée alors que celle-ci a donné lieu à une mainlevée, la Cour d’appel d’Abidjan a violé les articles 38 et 49 de l’Acte uniforme susvisé et son arrêt doit être cassé ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 164 de l’Acte uniforme susvisé, « le tiers saisi procède au paiement sur présentation d’un certificat du greffe attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou sur présentation de la décision exécutoire de la juridiction rejetant la contestation » ;

 

Attendu que s’il est exact que l’article 49, alinéa 3  pose pour principe que le délai d’appel comme l’exercice de cette voie de recours n’ont pas un caractère suspensif, il reste que le paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnues devoir au débiteur saisi doit s’effectuer dans les conditions prévues par l’article 164 susénoncé ; qu’en l’espèce, l’Etat de Côte d’Ivoire ne produit pas au dossier la preuve qu’il a reçu signification des décisions exécutoires ordonnant la mainlevée des saisies pratiquées et a payé entre les mains du débiteur sans même s’assurer de l’existence d’un certificat de non appel ; qu’il suit qu’en statuant comme il l’a fait, le juge d’appel ne viole en rien les dispositions des articles 38 et 49 visés au moyen ;

 

Sur le deuxième moyen

Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué la prononciation sur chose non demandée ou attribution de choses au-delà de ce qui a été demandé en ce que le premier juge est passé outre la demande aux fins d’exécution d’une décision de justice et a plutôt fait injonction à l’Etat de Côte d’Ivoire de payer aux demandeurs les causes des saisies pratiquées alors que, selon le moyen, la saisine du juge des référés par les défendeurs au pourvoi portait clairement sur la condamnation de l’Etat de Côte d’Ivoire au paiement de la somme de 139.060.256 FCFA entre les mains du séquestre désigné par l’Ordonnance sur requête n°981 rendue le 17 septembre 2003 ; qu’en confirmant ladite ordonnance par l’arrêt attaqué, le juge d’appel a statué ultra petita et son arrêt encourt de ce fait cassation ;

Mais attendu que contrairement à l’argumentaire du demandeur, les premiers juges ont été saisis d’une action en condamnation de l’Etat de Côte d’Ivoire au paiement des causes de la saisie, sans préjudice de la requête conjointe des créanciers saisissants et du débiteur saisi aux fins de désignation du séquestre ; que le juge d’appel n’ayant en rien statué ultra petita, il échet de rejeter ce moyen comme non fondé ;

 

Sur le troisième moyen

Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est enfin reproché à l’Ordonnance de référé n°3830 du 06  août 2003 et l’Arrêt confirmatif n°1145 du 05 septembre 2003 d’être de véritables décisions de condamnation au paiement de sommes d’argent alors que, selon le moyen, la juridiction des référés ne peut rendre de telles décisions qui relèvent de la compétence du juge du fond ; que dès lors, l’arrêt attaqué doit être cassé pour incompétence de la juridiction de référé ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé, « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui » ;

 

Attendu que contrairement à l’argumentaire du demandeur au pourvoi, l’article 49 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé donne compétence exclusive au Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou au magistrat délégué par lui pour connaître de « toute demande ou de tout litige » relatifs aux mesures d’exécution et aux saisies conservatoires ; que la généralité des termes « tout litige ou toute demande » signifie que ce juge connaît à la fois des contestations de fond et de forme relatives aux saisies ; qu’il suit qu’en considérant que « cette juridiction, véritable juge du fond, est tout à fait compétente pour statuer sur le litige qui lui était soumis », la Cour d’appel d’Abidjan fait une saine application de l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé ; que ce moyen n’étant pas fondé, il doit être rejeté ;

 

Attendu que l’Etat de Côte d’Ivoire ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par l’Etat de Côte d’Ivoire ;

Le condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier