ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

                               

Audience Publique du  jeudi 11 octobre 2001

Pourvoi  n° 001/98 /PC du 23 novembre 1998

       Affaire : Etablissements Thiam Baboye « ETB » 

                                           Contre

                      Compagnie Française Commerciale et Financière « CFCF »

ARRÊT N° 001/2001 du  11 octobre 2001

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l’Arrêt suivant en son audience  publique du 11 octobre 2001 où étaient présents :

 

 

Messieurs      Seydou BA,                                 Président

Jacques M’BOSSO,                       Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,           Second Vice-président

João Aurigemma CRUZ  PINTO,      Juge

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge

Boubacar DICKO,                                  Juge-rapporteur

 

et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en Chef ;

 

Sur le pourvoi formé par Maître Magloire BAHDJE, Avocat à la Cour à N’Djaména (République du TCHAD) agissant au nom et pour le compte des Etablissements Thiam Baboye dits « ETB » demeurant à N’Djaména, rue 3251 – concession 22,  3è arrondissement, boîte postale 319, en cassation de l’Arrêt n° 455/98 rendu le 02 novembre 1998 au profit de la Compagnie   Française   Commerciale  et  Financière   dite  « CFCF », demeurant en FRANCE, 99 rue de Mirabeau, 94853 Evry sur Seine et ayant comme conseil Maître Abdou N’Doubalo Lamian, Avocat à la Cour à N’Djaména, défenderesse à la cassation, ledit arrêt ayant en substance condamné les « ETB » sur leur appel, à payer à la « CFCF » 50.355.800 francs CFA à titre de créance principale et 5.000.000 de francs CFA à titre de dommages et intérêts dans un contentieux relatif au règlement d’une commande de farine de froment passée courant 1992 par les « ETB » à la défenderesse au pourvoi ;

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Sur les trois moyens réunis :

Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les dispositions de l’Acte Uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, notamment en ses articles 3 alinéa 2 et 4 alinéa 1, en ce que d’une part l’article 3 alinéa 2 ayant donné la possibilité  aux parties de déroger aux règles de compétence au moyen d’une élection de domicile prévue au contrat, il s’ensuit selon le requérant, que sa commande de farine de froment aux Grands Moulins de Paris ayant fait l’objet d’une facture en date du 19 juin 1992 mentionnant qu’ «en cas de contestation le Tribunal de commerce de Paris sera seul compétent, de convention expresse, même en cas de demande incidente ou en garantie », seul le Tribunal de commerce de Paris était compétent pour connaître d’un litige relatif à cette vente ; qu’en  conséquence, en se déclarant à tort compétente, la Cour d’Appel de N’Djaména a violé la disposition sus-mentionnée ;  que d’autre  part, l’article 4 alinéa 1 de l’Acte Uniforme précité ayant énoncé que « la requête  doit être déposée ou adressée par le demandeur ou son mandataire autorisé par la loi de chaque Etat-partie à le représenter en justice, au greffe de la juridiction compétente », dès lors, selon le requérant, la Cour d’Appel  de N’Djaména, en affirmant que le Sieur TCHORI avait qualité pour représenter la CFCF devant les juridictions tchadiennes, a violé et la disposition susvisée et la loi nationale, le Code de Procédure Civile tchadien ayant limitativement déterminé   en   son   article  32,   par  rapport  à   la  représentation  des  parties,   que « les Sociétés de toute nature » ne pouvaient être représentées que « par un de leurs agents » ;

Attendu, par ailleurs, que le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué une omission de statuer et un défaut de base légale en ce que d’une part, en cause d’appel, le requérant ayant soulevé “in limine litis” la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité de la CFCF, la Cour d’Appel  de N’Djaména sans y répondre, n’a argumenté que sur le défaut de qualité du Sieur Abderamane Hissein TCHORI et alors même, selon le requérant, que toutes les pièces versées au dossier relatives à la vente de farine de froment conclue entre les Etablissements Thiam Baboye et les Grands Moulins de Paris ne font aucune référence à la CFCF qui n’était ni signataire audit contrat de vente ni fournisseur des « ETB » et n’a aucun lien de droit avec eux ; que d’autre  part, pour rejeter la demande en dommages–intérêts du requérant, la Cour s’est bornée à entériner la décision du Tribunal sans en vérifier les éléments et sans pouvoir préciser la raison pour laquelle elle a retenu la somme de 50.355.800 francs CFA réclamée par la CFCF et son représentant à titre de créance ;

Mais attendu que l’article 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA)  assure dans les Etats Parties l’interprétation et l’application commune des Actes Uniformes et, saisie par voie de recours en cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales, ainsi que dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux ;

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, entré en vigueur le 10 juillet 1998, n’avait pas intégré l’ordre juridique interne de la République du TCHAD au moment où les Juges du fond étaient saisis du contentieux et qu’il ne pouvait de ce fait être applicable ;  que dans ce contexte spécifique, aucun grief ni moyen relatif à l’application de l’Acte Uniforme invoqué n’avait pu être formulé et présenté devant les juges de fond par le requérant ;  que dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en matière contentieuse, telles que précisées à l’article 14 susvisé, n’étant pas réunies, il échet de se déclarer incompétent et renvoyer en conséquence le requérant à mieux se pourvoir ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

  • se déclare incompétente ;
  • renvoie le requérant à mieux se pourvoir ;
  • le condamne aux dépens.
Ainsi fait,  jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président                                                

Le Greffier en Chef