ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Deuxième Chambre

Audience Publique du 26 novembre 2009 

Pourvoi n° :104/2008/PC du 28 novembre 2008

Affaire : DAOUDA Sidibé 

                (Conseil : Maître Hamidou Koné, Avocat à la Cour)

                                 contre

                DIONKE Yaranangoré

                     (Conseils : La SCP Doumbia-Tounkara, Avocats à la Cour)

ARRET N°049/2009 du 26 novembre 2009

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 novembre 2009 où étaient présents :

 

Messieurs      Antoine Joachim OLIVEIRA,     Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,    Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK,                 Juge

 

et  Maître MONBLE Jean Bosco,  Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n° 104/2008/PC du 28 novembre 2008 et formé par Maître Hamidou Koné, avocat inscrit au Barreau du Mali, demeurant Rue 313 porte 153, quartier du fleuve à Bamako, agissant au nom et pour le compte de Monsieur DAOUDA Sidibé, guérisseur traditionnel domicilié à Lafiabougou Secteur II, Rue 280, porte 273, Bamako (Mali), dans la cause opposant  ce dernier à Monsieur DIONKE Yaranangoré, commerçant  à Bamako, ayant pour conseils la SCP Doumbia- Tounkara, Cabinet d’avocats inscrits au Barreau du Mali, immeuble Sylla Center, Rue Karamoko Diaby, porte 550, 2ème étage, BP 151 Bamako (MALI),en cassation de l’Arrêt n°516 rendu le 10 septembre 2008 par la Cour d’appel de Bamako et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en dernier ressort :

En la forme : Reçoit l’appel interjeté ;

Au fond : Le déclare mal fondé ;

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne l’appelant aux dépens » ;

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

Vu les dispositions des articles 13 et  14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que Monsieur DIONKE Yaranangoré a conclu le 12 septembre 1998 avec Messieurs Batio Demba et Cheickna Demba un contrat de vente portant sur deux titres fonciers dont celui portant le n°2325, pour un montant de 100.000.000 francs CFA ; qu’à la conclusion de la vente, Monsieur DIONKE Yaranangoré a versé aux vendeurs, en contrepartie de la remise du titre foncier susvisé, la somme de 55.000.000 francs CFA ; que cependant les vendeurs ont refusé de prendre possession du reliquat de leur créance, même par voie judiciaire ; que face à de telles difficultés, les mêmes parties ont signé un protocole d’accord comportant la résiliation du contrat de vente, avec obligation pour les vendeurs de restituer l’acompte de 55.000.000 francs CFA ; que ces derniers ont refusé d’exécuter les termes du protocole d’accord susvisé ; que de guerre lasse, Monsieur DIONKE Yaranangoré a dénoncé le protocole d’accord et demandé que la vente  soit déclarée bonne et valable ; que par acte sous seing privé du 1er novembre 1999, par un autre accord intitulé « protocole d’accord », les parties ont décidé d’accorder un délai de 3 mois aux vendeurs pour restituer l’acompte ; que cet engagement n’a pas non plus été respecté ; que le Tribunal de la Commune VI de Bamako saisi par la suite a, par Jugement n°383 du 05 juillet 2001, déclaré bonne et valable ladite vente ; que la Cour d’appel de Bamako, par Arrêt 420 du 23 octobre 2002 non attaqué par la voie de cassation, a confirmé ledit jugement ; que par la suite Monsieur DIONKE Yaranangoré a sollicité et obtenu du greffe de la Cour d’appel de Bamako un acte de non pourvoi daté du 20 novembre 2002 ; qu’aussitôt après, Monsieur DAOUDA Sidibé, créancier de Monsieur Batio Demba, a servi à Monsieur DIONKE Yaranangoré, le 10 septembre 2001, un commandement de payer sous peine d’expropriation forcée sur le titre foncier n°2325 objet de la nouvelle propriété de ce dernier ; qu’après le dépôt du cahier des charges, Monsieur DAOUDA Sidibé a sommé Monsieur DIONKE Yaranangoré d’insérer ses dires, en application des dispositions légales, pour l’audience éventuelle ; qu’à ladite audience tenue le 28 janvier 2002, le Tribunal de la Commune VI de Bamako a ordonné, par Jugement avant-dire droit n°22, l’arrêt des poursuites jusqu’au prononcé d’une décision définitive concernant le contentieux opposant les parties et portant sur le titre foncier n°2325 ; que la vente ayant été déclarée bonne et valable le 23 octobre 2002 par la Cour d’appel de Bamako et aucun recours n’ayant été fait, le Tribunal, par Jugement n°45 du 24 mars 2003, après avoir constaté que le titre foncier était la propriété de Monsieur DIONKE Yaranangoré, a ordonné la radiation du commandement inscrit le 04 octobre 2001 par Monsieur DAOUDA Sidibé au livre foncier de Kati ; que cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Bamako, par Arrêt n°286 du 31 octobre 2003 objet d’un précédent pourvoi devant la Cour de céans ; que celle-ci, par Arrêt n°008/2008 du 27 mars 2008, a cassé l’Arrêt 286 du 10 octobre 2003 mais a renvoyé la cause et les parties devant le Tribunal de première instance de Kati pour la continuation de la procédure par la fixation d’une nouvelle date d’adjudication du fonds objet du titre foncier n°2325 litigieux ; qu’en  vertu de l’Arrêt n°420 du 23 octobre 2002 et de l’acte de non  pourvoi y relatif du 20 novembre 2002, Monsieur DIONKE Yaranangoré a saisi, par requête du  03 juin 2008, le Tribunal aux fins d’annulation d’extraits du cahier de charges et de distraction de bien saisi contre Monsieur DIONKE Yaranangoré ; que par Jugement n°230 du 13 juin 2008, le Tribunal de première instance de Kati a ordonné l’annulation de la publication faite dans le journal d’annonces légales et ordonné l’attribution du titre foncier n°2325 à Monsieur DIONKE Yaranangoré ; que ce jugement a été confirmé par l’Arrêt n°516  du 10 septembre 2008 de la Cour d’appel de Bamako, objet du présent pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

Attendu qu’il est reproché à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 299 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que celle-ci a reçu l’action en distraction de Monsieur DIONKE Yaranangoré alors que, selon le moyen, l’argument  basé sur l’Arrêt n°420 du 23 octobre 2002 ne constitue  pas un fait nouveau ou un acte survenu ou renouvelé postérieurement à l’audience éventuelle au sens de l’article 299 de  l’Acte uniforme susvisé ; que toujours selon le requérant, « cet argument tiré de la qualité de propriétaire de DIONKE du titre foncier 2325, objet de la saisie, a toujours été pris en compte, tant par le Tribunal  de première instance de Kati, que par la CCJA dans son Arrêt n°008/2008 du 27 mars 2008. Dès lors, en statuant ainsi, sans prendre en considération ces éléments de procédure, la Cour d’appel a fait une fausse interprétation de l’article 299 susvisé et son arrêt mérite de ce fait cassation » ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 299 susvisé  « les contestations ou demandes incidentes doivent, à peine de déchéance, être soulevées avant l’audience éventuelle.

 

Toutefois, les demandes fondées sur un fait ou un acte survenu ou relevé postérieurement à cette audience et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle ou la radiation de la saisie,  peuvent encore être présentées après l’audience éventuelle, mais seulement, à peine de déchéance, jusqu’au huitième jour avant l’adjudication » ;

 

Attendu qu’il résulte de ce texte que dans le cadre des demandes tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, les contestations peuvent être présentées après l’audience éventuelle, jusqu’au huitième jour avant l’adjudication, à peine de déchéance ; que l’action en distraction d’objet saisi est la revendication d’un bien dont on se prétend propriétaire ; qu’en l’espèce, par Arrêt n°420 du 23 octobre 2002 de la Cour d’appel de Bamako devenu définitif ainsi que l’atteste l’acte de non pourvoi du 28 novembre 2002, Monsieur DIONKE Yaranangoré a été reconnu seul propriétaire du titre foncier n°2325, objet de la présente saisie ; que c’est fort de cette décision que par requête du 03 juin 2008, il a sollicité du Président du Tribunal de première instance de Kati, par ailleurs saisi des poursuites exercées par le demandeur au pourvoi sur le même immeuble, la distraction de celui-ci ; que dans le cadre desdites poursuites, il a été informé d’une nouvelle adjudication dudit immeuble par exploit en date du 26 mai 2008, adjudication qui interviendra en définitive le 16 juin 2008 ; qu’ayant introduit son action en distraction de saisie le 03 juin 2008 soit 08 jours avant la date de l’adjudication précitée, le défendeur au pourvoi se trouvait bien dans le délai de procédure spécifié à l’article 299 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé et n’encourait donc pas la sanction de déchéance prescrit par ledit article ; qu’il suit qu’en statuant comme il l’a fait, l’arrêt attaqué n’a en rien violé l’article 299 visé au moyen, lequel n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Sur le deuxième moyen

Attendu que le pourvoi fait grief à la Cour d’appel d’avoir refusé de tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; que selon le moyen, la Cour d’appel, en refusant la continuation de la procédure, a violé l’article 41 du Règlement de la Cour de céans qui confère aux arrêts de ladite juridiction la force obligatoire à compter du jour de leur prononcé ; que toujours selon le moyen, l’arrêt attaqué mérite d’être cassé pour ce fait ;

 

Mais attendu que la violation de l’article 41 du Règlement de procédure de la Cour de céans qui prescrit que « l’arrêt [de la CCJA] a force obligatoire à compter du jour de son prononcé » est en l’occurrence à tort excipée dès lors que l’Arrêt n°008/2008 du 27 mars 2008 de ladite Cour, bien que prononcé entre les mêmes parties, n’a pas statué sur la même cause et le même objet que l’arrêt attaqué puisqu’il s’est borné à sanctionner par la cassation l’Arrêt n° 0286 en date du 31 octobre 2003 de la Cour d’appel de Bamako qui, dans le cadre de poursuites antérieures exercées sur le même titre foncier par le demandeur au pourvoi, avait statué « extra petita » ce qu’a sanctionné l’arrêt susvisé de la Cour de céans ; que lesdites poursuites et l’arrêt subséquent de la CCJA susvisé étant distincts de l’action en distraction de saisie exercée par le défendeur au pourvoi, c’est donc vainement que le requérant fait grief à l’arrêt attaqué « d’avoir refusé de tirer les conséquences » de l’Arrêt n°008/2008 du 27 mars 2008 de la Cour de céans ; d’où il suit que ce second moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté ;

 

Attendu que Monsieur  DAOUDA Sidibé ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi ;

Condamne le requérant aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

 Le Greffier