ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 08 avril 2010
Pourvoi n° : 04/2007/PC du 24/01/2007
Affaire : 1- Dame SARR née KOUASSI AMELAN Adèle
2 – La Société VETIVERT
(Conseils : Cabinet Abel KASSI et Associés, Avocats à la Cour)
contre
Banque Internationale pour l’Afrique Occidentale dite BIAO-CI
(Conseil : Maître MOULARE Thomas, Avocat à la Cour)
ARRET N° 026/2010 du 08 avril 2010
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 avril 2010 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier
Sur le pourvoi reçu à la Cour de céans le 24 janvier 2007, enregistré sous le n°004/2007/PC et formé par le Cabinet Abel Kassi et Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant Cocody les II Plateaux, Boulevard Latrille, Résidence « SICOGI Latrille », Bâtiment L, 1er étage, porte 136, 06 BP 1774 Abidjan 06, agissant au nom et pour le compte de Madame SARR née KOUASSI Amelan Adèle, administrateur de société demeurant à Abidjan, Cocody Angré, 06 BP 587 Abidjan 06, et de la Société VETIVERT, entreprise individuelle, sise à Abidjan, 2 plateaux, rue des jardins, immeuble Palmeraie, 06 BP 587 Cidex 1 Abidjan 06, dans la cause les opposant à la Banque Internationale pour l’Afrique Occidentale dite BIAO-CI, société anomyme dont le siège social est à Abidjan Plateau, Avenue Joseph Anoma, 01 BP 1274 Abidjan 01, laquelle a élu domicile au Cabinet de Maître MOULARE Thomas, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan Plateau, Avenue Marchand, 22 BP 772 Abidjan 22, Immeuble Longchamp, entrée B, 3ème étage, en cassation de l’Arrêt n°659 rendu le 02 juin 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
- Déclare recevable l’appel interjeté par la BIAO-CI contre le jugement civil contradictoire n°1038 rendu le 03 décembre 2003 par le tribunal de première instance d’Abidjan ;
- L’y dit bien fondé ;
- Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau
Condamne dame SARR née KOUASSI Amelan Adèle et la Société VETIVERT à payer à la BIAO-CI, la somme principale de 59.008.834 F CFA ;
Condamne dame SARR née KOUASSI Amelan Adèle et la Société VETIVERT aux entiers dépens. » ;
Les requérantes invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par requête en date du 21 octobre 2002 adressée au Président du Tribunal de première instance d’Abidjan, la Banque Internationale pour l’Afrique Occidentale de COTE D’IVOIRE dite BIAO-CI obtenait l’Ordonnance d’injonction n°6623/02 en date du 30 octobre 2002 condamnant Madame SARR née KOUASSI Amelan Adèle et la Société VETIVERT à lui payer la somme de 59.008.834 francs F CFA augmentée des intérêts de droit et des frais y afférents, représentant le montant de plusieurs concours financiers que ladite banque leur a octroyés courant juin 1996 ; que l’ordonnance susvisée ayant été signifiée aux susnommées le 19 novembre 2002, celles-ci formaient opposition devant le Tribunal de première instance d’Abidjan qui, par Jugement n°1038/CIV-3 du 03 décembre 2003, « déboutait la BIAO-CI de sa demande de recouvrement » ; que cette dernière ayant interjeté appel contre ledit jugement, la 3ème chambre civile et commerciale de la Cour d’appel d’Abidjan a rendu l’Arrêt infirmatif n°659 en date du 02 juin 2006, objet du présent pourvoi en cassation initié par Madame SARR née KOUASSI Amelan Adèle et la Société VETIVERT ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou commis une erreur dans l’application de la loi, notamment l’article 8 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que les prescriptions dudit article imposent que dans l’acte de signification de la décision portant injonction de payer, doivent figurer le principal de la somme fixée par la décision, les intérêts et les différents frais ; que ces montants doivent être les montants exacts et non des montants inventés ; que le défaut de leur mention dans l’acte ou leur inexactitude équivaut à leur absence et entraine par conséquent la nullité de l’acte de signification ; qu’en l’espèce, l’acte de signification de l’Ordonnance d’injonction de payer qui a condamné les requérantes d’avoir à payer la somme de 59.008.834 francs CFA à la BIAO-CI, mentionne comme intérêts de droit (intérêts moratoires), la somme de 5.820.048 francs CFA pour la période du 16 juillet 2001 au 18 novembre 2002 ; qu’aux termes de l’article 1er de la loi ivoirienne n°77-523 du 30 juillet 1977 portant fixation du taux d’intérêt légal, limitation du taux d’intérêt conventionnel et répression des opérations usuraires, selon lequel « le taux d’intérêt légal est en toute matière, fixé pour la durée de l’année civile. Il est pour l’année considérée égal au taux d’escompte normal pratiqué par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, le 1er janvier de l’année précédente », ce taux en 2007 était de 6,5% ; qu’ainsi résulte –t-il que pour une ordonnance d’injonction de payer rendue le 30 octobre 2002 et signifiée le 19 novembre 2002, les intérêts de droit sont de 223.741 francs CFA, et non 5.820.048 francs CFA comme mentionnés dans l’exploit de signification ; que l’inexactitude de cette mention dans cet acte est considérée comme une absence de cette mention avec comme conséquence la nullité de l’exploit de signification ; que cet exploit étant nul, l’ordonnance d’injonction de payer n°6623/2002 du 30 octobre 2002 n’ayant pas été signifiée dans les trois (3) jours de sa date comme l’exige l’article 7, alinéa 2, de l’Acte uniforme précité, est devenue caduque ; que la Cour d’appel d’Abidjan, saisie de l’appel du Jugement n°1038 du 03 décembre 2003 du Tribunal de première instance d’Abidjan, qui a infirmé ce jugement et condamné les requérantes à payer à la BIAO-CI la somme de 59.008.834 francs CFA a violé l’article 8 de l’Acte uniforme précité ; qu’elle aurait dû constater par évocation la nullité de l’exploit de signification de l’Ordonnance d’injonction de payer et la déclarer caduque, que ne [l’ayant pas fait] l’Arrêt 659 du 02 juin 2006 rendu par ladite Cour mérite d’être cassé et annulé pour ce motif ;
Mais attendu que ce moyen, qui se fonde essentiellement en l’occurrence sur l’inexactitude du calcul des intérêts de droit mentionnés dans l’acte de signification de l’Ordonnance d’injonction de payer n°6623/02 du 30 octobre 2002 ainsi que la prétendue nullité pour ce seul motif dudit acte à la suite duquel a été ouverte l’instance d’opposition ayant abouti au Jugement éponyme n°1038/CIV-3/B du 03 décembre 2003, d’ailleurs rendu en faveur des requérantes, est un moyen nouveau en ce qu’il est présenté pour la première fois en cassation ; qu’à ce titre, il ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’il est constant en l’espèce que dans la requête aux fins d’injonction de payer présentée par la BIAO-CI, celle-ci s’est contentée de dire « qu’elle est créancière de Madame SARR née KOUASSI Amelan Adèle, (société VETIVERT), gérante et copropriétaire de l’école maternelle et primaire les Pitchounes, sise au II Plateaux, Bd latrille, face au collège la Farandole, Tél : 22 41 45 87, 06 BP 587 CIDEX 010, de nationalité ivoirienne, domiciliée à Abidjan-Cocody, de la somme de cinquante neuf millions huit mille cent trente quatre (59.008.834) francs CFA que cette somme résulte de plusieurs concours dont elle a bénéficié de la part de la BIAO-CI en juin 1996 » ; que cette requête ne contient pas la forme de la personne morale (Société VETIVERT), encore moins son siège social et le décompte des différents éléments de la créance ; qu’au lieu de déclarer cette requête irrecevable, le premier juge a cru bon de condamner la Société VETIVERT à payer diverses sommes d’argent conjointement avec Madame SARR ; que cette requête tombait sous le coup de l’irrecevabilité et la Cour d’appel d’Abidjan, en statuant comme elle l’a fait, a méconnu le texte visé au moyen ; qu’il échet par conséquent « d’annuler purement et simplement » l’arrêt attaqué ;
Mais attendu que le pourvoi étant dirigé contre l’Arrêt n°659 rendu le 02 juin 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan et non contre l’Ordonnance d’injonction de payer n°6623/02 du 30 octobre 2002 du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan, il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en instance d’appel, les requérantes avaient seulement conclu au défaut de certitude, de liquidité, d’exigibilité et à la prescription de la créance réclamée par la BIAO-CI ; qu’en excipant pour la première fois, en cassation, de la violation de l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, lequel régit et sanctionne les irrégularités que pourrait receler la requête d’injonction de payer, il échet également de relever que ledit moyen est nouveau en tant qu’il est présenté pour la première fois en cassation et ne peut être accueilli ;
Attendu que Madame SARR née KOUASSI Amelan Adèle et la Société VETIVERT ayant succombé, doivent être condamnées aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne Madame SARR née Kouassi Amenan Adèle et la Société VETIVERT aux dépens.
Ainsi fait jugé et prononcé les jour mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier