ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre

Audience publique du 23 mars 2017

Pourvoi : n° 199/2014/PC du 24/11/2014

Affaire :   COREA Thierno

               (Conseil : Maître DIARASSOUBA M. Lamine, Avocat à la Cour)

          contre

               N’DIAYE Patrick Blondin Derneville

               (Conseil : Maître EBAH Angoh, Avocat à la Cour)                 

Arrêt N° 049/2017 du 23 mars 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 23 mars 2017 où étaient présents :

 

Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE,                                    Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,                                        Juge

Djimasna N’DONINGAR,                                                    Juge, rapporteur

Diéhi Vincent KOUA                                                                Juge,

César Apollinaire ONDO MVE                                                     Juge,

et Maître Jean Bosco MONBLE,                                           Greffier,

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 24 novembre 2014 sous le n°199/2014/PC et formé par Maître DIARASSOUBA Mamadou Lamine, Avocat à la Cour, demeurant à Cocody Riviera Palmeraie, Rue Ministre, Villa n°1215, 01 BP 1559 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Monsieur COREA Thierno, demeurant à Abidjan-Treichville, 18 BP 2068 Abidjan 18, dans la cause qui l’oppose à monsieur N’DIAYE Patrick Blondin Derneville, demeurant à Abidjan Koumassi, 29 BP 45 Abidjan 29, ayant pour conseil Maître EBAH Angoh, avocat à la Cour, demeurant à Treichville, au 33 boulevard de Marseille, Immeuble le BODEGA, 1er escalier à gauche, 2ème porte, 04 BP 687 Abidjan 04 ; en cassation de l’arrêt n°552, rendu le 06 juillet 2012 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort :

En la forme :

Déclare COREA Thierno et NDIAYE Patrick Blondin Derneville recevables en leurs appels principal et incident ;

Au fond :

Déclare COREA Thierno partiellement fondé ;

Reformant le jugement entrepris ;

le condamne à payer à Monsieur NDIAYE Patrick Blondin Derneville la somme de 7.000.000 FCFA à titre d’indemnité d’éviction ;

Déboute Monsieur NDIAYE Blondin de sa demande en paiement de 11.566.905 francs représentant la valeur de son matériel ;

Confirme ledit jugement en ses autres dispositions ;

Laisse les dépens à la charge de l’appelant principal » ;

 

Attendu que le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation, tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en date du 03 septembre 2004, le sieur N’DIAYE Patrick Blondin Derneville concluait un contrat de bail d’une année renouvelable par tacite reconduction sur un immeuble à usage professionnel avec Dame DOUH DRO Madeleine, propriétaire des lieux ; que le 06 septembre 2007, celle-ci lui faisait servir une offre de vente des locaux assortie d’un congé de six (6) mois ; qu’en date du 26 octobre 2007, le nouvel acquéreur de l’immeuble, monsieur COREA Thierno, après avoir confirmé ledit congé, mettait néanmoins le locataire en demeure d’avoir à quitter les lieux sous huitaine ; que le 30 novembre 2007, sieur COREA sollicitait et obtenait du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan une ordonnance l’autorisant à pratiquer une saisie conservatoire sur les équipements du locataire pour avoir paiement de trois (03) mois de loyers ; que le 04 décembre 2007, tous les éléments corporels du fonds de commerce du locataire étaient saisis, enlevés des lieux pour être confiés à la garde d’un commissaire-priseur ;  qu’après avoir contesté le congé par exploit en date du 21 décembre 2007, et obtenu mainlevée de la saisie de son matériel par ordonnance n°38 du 09 janvier 2008, le locataire assignait son nouveau bailleur en paiement d’indemnité d’éviction et réparation des préjudices par lui subis ; que, par jugement n°665/civ4-B du 22 mars 2010, le tribunal de première instance d’Abidjan faisait droit à cette demande ; que la cour d’Abidjan, sur appel du sieur COREA, rendait l’arrêt partiellement confirmatif dont pourvoi ;

 

Sur le pourvoi de COREA Thierno

 

Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 127 alinéa 1° de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général

 

Attendu que monsieur COREA Thierno fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir  violé les dispositions de l’article visé au moyen en accordant une indemnité d’éviction au locataire alors que c’est à défaut d’avoir satisfait à son obligation de payer à échéance les loyers dus que celui -ci était expulsé des lieux ; que, selon le moyen, il résulte des dispositions précitées, qui sont d’ordre public, que le droit au renouvellement du bail peut être refusé au preneur lorsqu’il manque à une obligation essentielle comme le paiement de loyers ;

 

Mais attendu qu’en application de l’article 101 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général du 17 avril 1997, même en cas de non-paiement du loyer, la résiliation du bail commercial et l’expulsion corrélative du preneur ne peuvent être prononcées que suivant une procédure judiciaire ; qu’en l’espèce, il est établi que, sans attendre la fin du congé donné au locataire le 06 septembre 2007, le nouveau bailleur a entrepris, dès le 04 décembre 2007, de démanteler le fonds de commerce du preneur, mettant ainsi unilatéralement fin de facto au bail ; que, dès lors, c’est à bon droit que l’indemnité d’éviction a été accordée ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé et le pourvoi du sieur COREA Thierno doit être rejeté ;

 

Sur le pourvoi incident de N’DIAYE Patrick Blondin Derneville

 

Sur le moyen unique, en sa troisième branche, tiré de la violation de l’article 1315 u Code civil

 

Attendu que le défendeur forme pourvoi incident dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 10 avril 2015, à la suite de la lettre de signification du recours en cassation du Greffier en chef en date du 09 décembre 2014, lui impartissant un délai de trois mois à compter de la réception de l’acte pour présenter ledit mémoire en réponse ;

 

Attendu que, par la 3ème branche du moyen unique à l’appui de son pourvoi, il fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par application erronée, violé l’article 1315 du code civil en ce que, pour  infirmer  partiellement le jugement déféré, la Cour d’appel d’Abidjan a estimé que « monsieur NDIAYE ne rapporte pas la preuve de ce que depuis la mainlevée de la saisie conservatoire, ses biens ne se trouvent plus chez Me ABOUGNAN qui avait été désigné en qualité de gardien » alors, selon le moyen, que la saisie ayant été déclarée nulle, il revenait à son auteur, qui avait procédé à l’enlèvement des équipements et matériels, de les remettre au propriétaire, par l’effet de la mainlevée ;

 

Attendu en effet qu’aux termes de l’article 1315 du code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » ; qu’il s’ensuit qu’en exécution de la mainlevée de la saisie conservatoire, il appartient au saisissant de réintégrer à leur emplacement les équipements enlevés et d’en rapporter la preuve ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a procédé à un renversement de la charge de la preuve et expose sa décision à la cassation ; qu’il échet d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par exploit en date du 22 décembre 2010, le sieur COREA Thierno relevait appel contre le jugement n°665/civ4-B rendu le 22 mars 2010 par le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau dans l’affaire l’opposant à monsieur N’DIAYE Patrick Blondin Derneville dont le dispositif est ainsi conçu :

« Statuant en audience publique, par défaut à l’égard de Madame DOUH DRO Madeleine, et contradictoirement en ce qui concerne les autres parties, en matière commerciale et en premier ressort ;

 

  • Reçoit Monsieur N’DIAYE Patrick Blondin Derneville en son action ;
  • L’y dit partiellement fondé ;
  • Condamne monsieur COREA THIERNO à lui payer la somme totale de 32.566.905 FCFA pour toutes causes de préjudice confondues ;
  • Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
  • Mets les dépens à la charge de COREA THIERNO » ;

 

Qu’au soutien de son appel, il demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; qu’il expose qu’étant acquéreur de l’immeuble, il avait notifié au locataire NDIAYE qu’il devait quitter les lieux à l’expiration du congé donné par l’ancien bailleur ; qu’ayant constaté que celui-ci ne payait plus ses loyers et restait devoir trois mois d’arriérés, il lui a servi une mise en demeure de payer le 29 novembre 2007 ; que face à l’inertie de son débiteur, il a obtenu du tribunal une autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur ses biens meubles ; qu’au lieu de récupérer ses biens suite à la mainlevée ordonnée par le juge, le locataire a préféré l’attraire devant le tribunal qui l’a condamné à payer à monsieur NDIAYE des sommes au titre d’indemnité d’éviction, de la réparation du fonds de commerce détruit et au prix du matériel enlevé et non restitué ; qu’il soutient que c’est à tort que les premiers juges l’ont ainsi condamné ; qu’il conclut à l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions ;

 

Attendu que par conclusions valant appel incident, le sieur N’DIAYE Patrick Blondin Derneville conclut au rejet des prétentions de monsieur COREA Thierno et à la confirmation du jugement attaqué ;

 

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen des moyens de cassation, tirés de la méconnaissance de l’article 101 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général du 17 avril 1997 et de celle de l’article 1315 du code civil, il y a lieu de confirmer le jugement n°665/civ4-B rendu le 22 mars 2010 par le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau en toutes ses dispositions ;

 

Attendu que le sieur COREA Thierno succombant, sera condamné aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°552 rendu le 06 juillet 2012 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement n°665/civ4-B rendu le 22 mars 2010 par le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau ;

Condamne COREA Thierno aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier