ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 08 décembre 2016
Pourvoi : n° 040/2014/PC du 11/03/2014
Affaire : ALLOU Monique
(Conseil : Maître YAO Koffi, Avocat à la Cour)
contre
Fonds de Prévoyance Militaire
(Conseils : SCPA DOGUE-Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 182/2016 du 08 décembre 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 décembre 2016 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président, Rapporteur
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge,
Djimasna N’DONINGAR, Juge,
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré le 11 mars 2014 au greffe de la Cour de céans sous le n°040/2014/PC et formé par Maître YAO Koffi, Avocat à la Cour demeurant Boulevard Latrille, Immeuble « les pierres claires » 04 BP 2825 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de Maître ALLOU Monique Akoua, Notaire, domiciliée 3, route du Lycée Technique, Résidence Baie de Cocody, 20 BP 500 Abidjan 20 dans la cause qui l’oppose au Fonds de Prévoyance Militaire dit FPM, Société de secours mutuel ayant son siège au Ministère de la Défense, BP V 327 à Abidjan, et pour Conseils la SCPA DOGUE, Abbé-YAO & Associés 29, Boulevard Clozel, 01 BP 174 à Abidjan,en cassation de l’Arrêt n°1303 CCIALE-3 rendu le 17 décembre 2013 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En forme :
Déclare recevable l’appel interjeté par le Fonds de Prévoyance Militaire de l’ordonnance de référé n° 4063/2013, rendue le 10 septembre 2013 par le juge de l’exécution du Tribunal d’Abidjan ;
Au fond :
Dit cet appel bien fondé et annule en conséquence l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Evoquant
Rejette l’exception d’incompétence du juge des référés soulevée par Maître ALLOU Monique ;
Déclare le Fonds de Prévoyance Militaire recevable et bien fondé en son action ;
Ordonne à Maître ALLOU Monique de restituer au Fonds de Prévoyance Militaire l’original du certificat de propriété n° 04000042 de son terrain sis à Cocody, Boulevard Latrille, destiné à l’opération immobilière « Fonds de Prévoyance Militaire, Latrille » retenu par elle sous astreinte comminatoire de cent mille (100.000) F CFA par jour de retard à compter de la signification de la décision.
Condamne ALLOU Monique aux dépens. »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi un moyen unique de cassation en deux branches tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que courant 2007, Maître ALLOU Monique, Notaire à d’Abidjan, était choisie par le Fonds de Prévoyance Militaire en vue de l’accompagner dans l’accomplissement des formalités d’un projet immobilier ; que Maître ALLOU Monique a exécuté ce mandat jusqu’à l’obtention du certificat de propriété du terrain ; qu’en 2012, suite à un changement de direction, le Fonds décidait d’écarter cette notaire tout en lui réclamant la restitution de l’original du certificat ; que s’étant opposée à cette restitution jusqu’au paiement de ses rémunérations, elle sera assignée en référé à cette fin ; que par ordonnance n° 4063 en date du 10 septembre 2013, le juge des référés s’est déclaré incompétent pour contestation sérieuse ; que sur appel, cette ordonnance sera annulée et Maître ALLOU Monique condamnée à restituer le certificat sous astreinte par l’arrêt, objet du présent pourvoi ;
Sur la recevabilité du recours.
Attendu que le Fonds de Prévoyance Militaire, dans son mémoire en réponse en date du 14 juin 2014, soulève l’irrecevabilité du recours au motif qu’aucun cas d’ouverture à cassation n’est invoqué par la demanderesse ;
Mais attendu que dans le chapitre B du mémoire, il appert que le recours est basé sur la violation de la loi et notamment de l’article 143 du décret 2013-279 du 24 avril 2013 portant tarification des émoluments et frais de justice ainsi que de l’article 68 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ; qu’il échet donc dire que le recours est recevable ;
Sur la violation de l’article 68 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir retenu que la créance en vertu de laquelle la rétention est exercée n’est ni certaine, ni liquide et exigible du fait de l’opposition dont l’ordonnance de taxe, son support, est frappée ; alors, selon le moyen, que la rétention remplit toutes les conditions de l’article visé au moyen ;
Attendu que l’article 68 dont la violation est arguée est ainsi libellé : « le droit de rétention ne peut s’exercer que :
– si la créance du rétenteur est certaine, liquide et exigible,
– s’il existe un bien de connexité entre la naissance de la créance et la détention de la chose retenue ;
– et si le bien n’a pas été saisi avant d’être détenu par le rétenteur ».
Attendu qu’en l’espèce la créance est matérialisée par une ordonnance de taxe n° 249 du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan dont la grosse a été levée, que le certificat de propriété est la source de la réclamation et qu’enfin aucune saisie n’a précédé la rétention ; que donc toutes les conditions de l’article 68 étant remplies, c’est à tort que l’arrêt déféré a refusé d’en faire application ; qu’il échet de casser l’arrêt n°1303 CCIALE-3 en date du 17 décembre 2013 et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que, par exploit du 06 novembre 2013, le Fonds de Prévoyance Militaire dit FPM a déclaré relever appel de l’ordonnance n°6063 rendue le 10 septembre 2013 par laquelle le juge des référés s’est déclaré incompétent ;
Attendu qu’au soutien de l’appel le FPM a exposé qu’à la suite de la rupture de leur collaboration, Maître ALLOU Monique retient illégalement son certificat de propriété ; que cette résistance injustifiée entraîne un retard dans la réalisation de son projet ; que la médiation de la chambre des notaires est demeurée vaine ; qu’il conclut à la restitution sous restreinte ;
Attendu qu’en réplique, Maître ALLOU Monique a soulevé in limine litis, l’incompétence du juge des référés pour cause de contestation sérieuse ; que subsidiairement elle conclut au rejet de la demande en raison de la régularité de la rétention ; que son droit de rétention est reconnu par l’article 144 de la loi portant tarification et recouvrement des émoluments des notaires ;
Attendu qu’il appert de différentes pièces du dossier que l’objet du litige est relatif à la validité de la rétention qui est une sûreté ; que l’appréciation d’une telle cause échappe à la procédure d’urgence ; que c’est donc par une bonne appréciation des faits et d’une saine application de la loi, que le juge des référés s’est déclaré incompétent ; qu’il échet de confirmer l’ordonnance entreprise ;
Attendu que le Fonds de Prévoyance Militaire succombant sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare recevable le pourvoi ;
Casse l’arrêt n°1303 CCIALE-3 rendu le 17 décembre 2013 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Confirme l’ordonnance n°4063 rendue le 10 septembre 2013 par le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Condamne le Fonds de Prévoyance Militaire aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier