ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 30 mars 2017
Pourvoi : n° 091/2014/PC du 20/05/2014
Affaire : – AGENCE INDEPENDANCE IMMOBILIERE
- Marcel MAL
(Conseils : Maîtres Sadel NDIAYE et Pape Seyni MBODJ, avocats à la Cour)
contre
Madame Rita KHOURY
(Conseils : Maitre Baboucar CISSE, avocat à la Cour)
ARRET N° 074/2017 du 30 mars 2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 mars 2017 où étaient présents :
Messieurs Mamadou DEME, Président
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge, rapporteur
Fodé KANTE, Juge
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 20 mai 2014 sous le n°091/2014/PC et formé par Maitres Sadel NDIAYE et Pape Seyni MBODJ, Avocats à la Cour, 47, Boulevard de la République, Immeuble SORANO 10ème étage, agissant au nom et pour le compte de monsieur Marcel MAL, dans la cause l’opposant à Mme Rita KHOURY demeurant au 180, Avenue Lamine Gueye à Dakar, ayant pour conseil Maitre Baboucar Cissé, Avocat à la cour, Corniche Ouest X Rue 15 Médina, Immeuble Adja Khady Sylla à Dakar, en cassation de l’arrêt n°39 rendu par la cour d’appel de Dakar le 02 octobre 2013 et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme
Reçoit l’appel de Rita KHOURY ;
Au fond
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Et Statuant à nouveau :
Déboute Marcel MAL en toutes ses demandes comme mal fondées ;
Le condamne en outre aux entiers dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation, tel qu’il figure à sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Birika Jean Claude BONZI, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 1er mars 1992, Monsieur Marcel MAL donne bail à Madame Rita KHOURY des locaux à usage commercial situé n°180, Avenue Lamine GUEYE, pour une durée de 03 ans, renouvelable pour une période de 06 et 09 ans ; que le 1er mars 2007, les parties apportent un avenant au contrat en fixant le montant du loyer à 486 000 F CFA, et la durée du bail à 03 ans renouvelable ; Que le 09 avril 2010, elles signaient un 2e avenant pour porter le taux du loyer à la somme de 547 200 FCFA avec effet le 1er mai 2010 et pour expirer le 30 avril 2013 ; qu’à l’expiration du bail, monsieur Marcel MAL estimant que dame Rita KHOURY n’a pas demandé le renouvellement du bail, a obtenu son expulsion des lieux loués, suivant ordonnance de référé N° 2883 rendue le 19 juin 2013 ; qu’en appel, la Cour, par Arrêt n° 39 du 02 octobre 2013, infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; c’est contre cet arrêt que le présent pourvoi est dirigé ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans son mémoire en duplique, la défenderesse au pourvoi soulève l’irrecevabilité du pourvoi fondée sur les articles 28-1 et 5 d’une part et article 27-3, d’autre part ; que sur l’irrecevabilité du pourvoi tirée de la violation de l’article 28-1 et 5, elle soutient que la requête aux fins de pourvoi ne donne pas l’indication des éléments d’identification de la personne morale, représentant le demandeur en ce que la requête aux fins de pourvoi ne mentionne ni la dénomination sociale, ni la forme de la personne morale, le montant du capital social ou la mention de l’immatriculation au registre de commerce et du crédit mobilier ; que l’article 28-5 exige de la personne morale de joindre un extrait récent du registre du commerce et du crédit mobilier, la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet, alors que l’existence d’un quelconque contrat de mandat de gestion locative ne confère à l’agence indépendance immobilière une légitimité juridique, rendant le pourvoi irrecevable ;
Mais attendu qu’il résulte des pièces produites que Monsieur MAL, au nom duquel agissait l’agence, a signé le mandat spécial autorisant ses avocats Maîtres NDIAYE et MBODJ à le représenter, rendant sans effets une représentation par l’Agence Indépendance Immobilière dont le défaut de précision de son identité dans les actes de procédure n’affecte en rien la régularité du pourvoi introduit au nom et pour le compte de Marcel MAL ; que l’exception d’irrecevabilité est à rejeter ;
Que sur l’irrecevabilité du pourvoi fondée sur les dispositions de l’article 27-3 du Règlement de procédure de la CCJA, la défenderesse soutient qu’à tout acte de procédure est annexé un dossier, contenant les pièces et documents invoqués à l’appui et accompagné d’un bordereau de ces pièces et documents, alors qu’aucun bordereau n’a été joint au recours ; que le pourvoi diligenté en violation desdites formalités doit être déclaré irrecevable ; mais attendu que l’absence d’un bordereau ne fait l’objet d’aucune sanction par la loi ; que cette exception est également à rejeter ;
Sur le premier moyen
Attendu, qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir écarté l’application des dispositions de l’Acte uniforme sur le droit commercial général relatives au bail commercial, en retenant que l’Acte uniforme entré postérieurement en vigueur ne peut remettre en cause le bail à durée indéterminée conclu sous l’empire du code des obligations du Sénégal, alors que l’article 10 du Traité de l’OHADA dispose que les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ; que la Cour d’appel, en écartant l’application des dispositions de l’Acte uniforme relatives au bail commercial, a violé l’article 10 du Traité visé et son arrêt encourt cassation ;
Attendu que le demandeur produit aux débats l’avenant en date du 1er mai 2007, par lequel les parties au contrat litigieux ont, entre autres, soumis la procédure de renouvellement du bail aux dispositions de l’article 91 de ce texte; que le juge d’appel a écarté cet avenant sur le fondement des dispositions de l’article 22 du code des obligations civiles et commerciales du Sénégal, aux motifs qu’il n’a pas été rédigé de la main de dame KHOURY, mais dactylographié sur un papier à en-tête du bailleur, et qu’en outre, il n’a pas fait l’objet de la formalité d’enregistrement et de timbre comme le contrat initial ;
Mais attendu que dame KHOURY ne conteste pas sa signature portée sur l’avenant ; qu’elle soutient simplement que sous prétexte de procéder à une modification des locaux loués pour une augmentation de loyer, le bailleur a fait glisser dans ledit avenant à son insu une rubrique contenant la modification de la durée du bail ; que la preuve de cette allégation, qu’il lui appartient de rapporter, ne résulte d’aucun élément du dossier ; que par ailleurs, le défaut d’enregistrement d’un acte sous-seing privé n’a d’effet que sur sa date certaine, laquelle n’a pas été contestée en l’espèce ; que la Cour d’appel, en écartant l’application des dispositions de l’Acte uniforme sur le droit commercial général a violé l’article 10 du Traité de l’OHADA, exposant son arrêt à la cassation, sans qu’il soit besoin d’examiner le deuxième moyen de pourvoi ;
Sur évocation
Attendu que par exploit d’huissier de justice, Marcel MAL, a assigné en expulsion dame Rita KHOURY des lieux loués ; que par Ordonnance n° 2883 du 19 juin 2013, la juridiction saisie a statué ainsi qu’il suit :
« Statuant publiquement, en référé et en premier ressort ;
En la forme :
Recevons l’action
Au fond :
Constatons la déchéance de Rita KHOURY, de son droit au renouvellement du bail à usage commercial la liant à Marcel MAL, représenté par l’Agence Indépendance Immobilière ;
Ordonnons son expulsion des lieux loués situés dans l’immeuble n°180 sis l’Avenu Lamine GUEYE, tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef ;
Disons n’y avoir lieu à ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement ;
Mettons les dépens à la charge de la défenderesse » ;
Que par exploits aux fins d’appel des 28 juin et 03 juillet 2013, Dame Rita KHOURY a interjeté appel contre l’ordonnance entreprise ; Que l’appel introduit dans les délais, conditions et formes prévus par la loi est recevable ;
Sur l’action en expulsion
Attendu que Marcel MAL invoque les dispositions de l’article 124 de l’AUDC pour demander l’expulsion de Dame Rita KHOURY des lieux loués ; il précise que le contrat de bail conclu est venu à expiration sans que la locatrice ne demande son renouvellement dans les formes prescrites à peine de déchéance ; Que la défenderesse n’ayant pas agi conformément à la loi se trouve déchue de son droit au renouvellement du bail à durée déterminée ;
Qu’en réplique, Dame Rita KHOURY soutient que le renouvellement au bail lui est acquis en vertu de l’article 123 AUDC ; que par ailleurs, en application de l’article 125 du même Acte uniforme, le paiement d’une indemnité d’éviction estimée à la somme de 190 649 000 F CFA, et ce, non compris les investissements d’une valeur de 204 298 732 F FCA est un préalable à toute expulsion ;
Attendu que l’article 124 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général dispose que le preneur qui a droit au renouvellement du bail peut demander le renouvellement de celui-ci au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail à peine d’être déchu de ce droit.
Que Madame Rita KHOURY jusqu’à l’expiration du bail ne s’est pas conformée aux prescriptions de l’article 124 visé entrainant sa déchéance de son droit au renouvellement du bail ; qu’il y a lieu de faire droit à la demande de Marcel MAL ;
Que Madame Rita KHOURY ayant succombée est condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
En la forme,
Rejette les exceptions soulevées par Madame Rita KHOURY
Déclare recevable le pourvoi introduit par Marcel MAL ;
Au fond,
Casse l’arrêt n°39 du 02 octobre 2013, rendu par la cour d’appel de DAKAR ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Reçoit Marcel MAL en sa demande en expulsion de Madame Rita KHOURY l’y dit bien fondé ;
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Ordonne l’expulsion de Madame Rita KHOURY des lieux loués ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier