ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième chambre
Audience Publique du 29 décembre 2016
Pourvoi : n° 207/2014/PC du 01/12/2014
Affaire : Pascal KIPRET
(Conseil : SCPA DIOP-DIALLO, avocats à la Cour)
contre
Héritiers feu Moussa Badoulaye TRAORE
(Conseil : Maître Mohamed Ali BATHILY, avocat à la Cour)
ARRET N°200/2016 du 29 décembre 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 décembre 2016 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente
Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge, rapporteur
Idrissa YAYE, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Fodé KANTE, Juge
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier,
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans de l’affaire Pascal KIPRET contre des Héritiers de feu Moussa Badoulaye TRAORE, par Arrêt n°15 du 16 avril 2013 de la Cour suprême du Mali, saisie d’un pourvoi formé par Pascal KIPRET, Directeur General de la société Grafic Mural SA, ayant pour conseil la SCPA DIOP-DIALLO, Avocats à la cour, dont l’étude est sise à Bamako, immeuble Assurances LAFIA, ACI 2000 Hamdallay BP 1823, dans la cause l’opposant aux Héritiers de feu Moussa Badoulaye TRAORE, ayant pour conseil Maître Mohamed Ali BATHILY, Avocat à la Cour, Cabinet SEYE ACI 2000 Hamdallaye Cité villa ACI n°12 BP605 Bamako-Mali, renvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°207/2014/PC du 1er décembre 2014,en cassation de l’Arrêt n°82 du 18 novembre 2009 rendu par la Cour d’appel de Bamako, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit l’appel interjeté.
Au fond : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Déclare irrecevables les demandes de dommages intérêts des parties.
Met les dépens à la charge des deux parties » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Victoriano OBIANG ABOGO, Juge ;
Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que par acte en date du 06 mars 2006, Moussa Badoulaye TRAORE et Pascal KIPRET signaient un bail à usage commercial d’une durée de douze (12) ans renouvelable sur une parcelle objet du titre foncier n° 16281 sis à Badalabougou appartenant à Moussa B. Traore ; que le loyer mensuel de ce bail était fixé à 400 000 FCFA pour les cinq premières années et à 600 000 FCFA pour les sept dernières années ; que par acte sous seing privé en date du 1er mars 2006, Pascal KIPRET en contrepartie de ce bail à long terme cédait à Moussa B. TRAORE dix (10)% du capital de sa société Grafic Mural Afrique SA ; que le 06 juin 2007 Moussa B. TRAORE décédait ; que le 10 janvier 2008, à la requête de Madame TRAORE Fatou représentante de feu Moussa B. TRAORE, Pascal KIPRET recevait une sommation de payer la somme de 10.073.875 FCFA au titre des arriérés de loyers ; que le 16 mai 2008, Dame TRAORE Kadiatou DIAKITE agissant pour le compte des héritiers, saisissait le tribunal de commerce de Bamako aux fins de résiliation du contrat de bail et d’expulsion de Pascal KIPRET ; que par jugement n°128 du 11 février 2009, le tribunal faisait droit aux prétentions des héritiers de feu Badoulaye TRAORE ; que sur appel de Pascal KIPRET, la cour d’appel de Bamako confirmait le jugement par arrêt n°82 du 18 novembre 2009; que le 03 septembre 2010, Pascal KIPRET se pourvoyait en cassation devant la cour suprême du Mali laquelle renvoyait la cause et les parties devant la Cour de céans par arrêt n°15 du 16 avril 2013;
Sur le deuxième moyen
Vu les articles 101 et 102 de l’Acte uniforme non révisé relatif au droit commercial général
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 101 et 102 de l’Acte uniforme non révisé relatif au droit commercial général en ce que pour prononcer la résiliation du bail et son expulsion du local, les juges d’appel se sont fondés sur le non-respect par Pascal KIPRET de ses obligations contractuelles indiquées dans la mise en demeure du 10 janvier 2008 qui ne reproduit pas intégralement les termes de l’article 101 alors , selon le moyen, que la mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes de l’article 101 de l’Acte uniforme sus indiqué ;
Attendu que l’article 101 de l’Acte uniforme précité impose la reproduction de son contenu dans une mise en demeure sous peine de nullité de celle-ci ; qu’en l’espèce, la mise en demeure servie le 10 janvier 2008 à pascal KIPRET a partiellement reproduit les dispositions de l’article 101 en omettant l’avant dernier et le dernier alinéas dudit article ; que faute de reproduction intégrale dudit article, cette mise en demeure est nulle ; que dès lors, en prononçant la résiliation et l’expulsion du susnommé sur la base d’une mise en demeure nulle, la Cour d’appel a erré, exposant ainsi son arrêt à la cassation sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que par acte au greffe, Pascal KIPRET a relevé appel du jugement n°128 rendu le 11 février 2009 par le tribunal de commerce de Bamako et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement contradictoirement en matière commerciale et en 1er ressort ;
En la forme : Reçoit la demande de la dame Kadiatou DIAKITE représentant les héritiers de feu Badoulaye TRAORE ;
Au fond : Y faisant droit
Prononce la résiliation du contrat de bail liant les parties ;
Ordonne par conséquent l’expulsion de Pascal KIPRET et de tous occupants de son chef de la parcelle de 1142 m2 distraite du T.F. 16281 de Bamako sis à Badalabougou appartenant aux héritiers de feu Moussa Badoulaye TRAORE.
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant l’exercice des voies de recours ;
Met les dépens à la charge du défendeur » ;
Sur l’évocation
Attendu qu’à l’appui de son appel, Pascal KIPRET conclut à l’infirmation du jugement entrepris ; qu’il excipe qu’il a été dispensé de payer des loyers pendant plusieurs mois au vu de l’accord qui a été passé entre feu Moussa TRAORE et lui ; qu’il soutient que la mise en demeure qui lui a été servi le 10 janvier 2008 ne contenait pas la reproduction de l’article 101 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ; qu’elle doit de ce fait être déclarée nulle et que c’est à tort qu’il a été expulsé ; qu’il sollicite que les héritiers de feu Moussa Badoulaye TRAORE soient déboutés de leur demande en résiliation et expulsion et qu’ils soient condamnés à lui payer la somme de 150 millions FCFA à titre de dommages intérêts au motif que son expulsion a entrainé le démantèlement de son unité de production mettant ainsi plus de la moitié du personnel en chômage ;
Attendu qu’en réplique, les héritiers de feu Moussa Badoulaye TRAORE concluent à la confirmation du jugement ; qu’ils relèvent que le matériel de l’unité de production de KIPRET était facilement déplaçable puisque n’étant pas fixé au sol ; qu’il a délibérément refusé d’honorer ses loyers qui étaient destinés au remboursement d’un prêt bancaire à la BMS-SA qui s’est vue obligé de pratiquer des saisies sur leur bien leur causant ainsi un préjudice dont il demande réparation à hauteur de 200 millions FCFA par KIPRET Pascal ;
Sur la nullité de la mise en demeure
Attendu qu’aux termes de l’article 101 l’Acte uniforme non révisé relatif au droit commercial général, la résiliation d’un bail et l’expulsion du preneur et de tous ses occupants doivent être précédées au préalable d’une mise en demeure sous peine de nullité si celle-ci ne reproduit pas en intégralité les dispositions de l’article susmentionné ; qu’il ressort de la mise en demeure servie le 10 janvier 2008 à pascal KIPRET que l’article 101 sus indiqué a été partiellement reproduit ; que pour les mêmes motifs que ceux ayant prévalu à la cassation de l’arrêt, il y a lieu d’infirmer le jugement n°128 rendu le 11 février 2009 par le tribunal de commerce de Bamako ;
Sur les demandes des ayants droit de feu Moussa Badoulaye TRAORE
Attendu que les ayants droit de feu Moussa Badoulaye TRAORE concluent à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Pascal KIPRET au paiement de la somme de 200 millions FCFA en réparation du préjudice subi suite à la saisie pratiquée sur leurs biens ;
Mais attendu que le jugement ayant été infirmé pour des motifs évoqués ci haut, les ayants droit de feu Moussa Badoulaye TRAORE doivent être déboutés de toutes leurs demandes comme non fondées ;
Sur la demande de Pascal KIPRET relative au paiement de 150 millions FCFA
Attendu que Pascal KIPRET sollicite la condamnation des ayants droit de feu Moussa Badoulaye TRAORE au paiement de la somme de 150 millions FCFA à titre de dommages intérêts pour démantèlement de son unité de production et la mise en chômage de ses employés ;
Mais attendu qu’aucune preuve soutenant cette demande n’a été versée au dossier, qu’il y a lieu de la rejeter comme non fondée ;
Attendu qu’ayant succombé, les ayants droit de feu Moussa Badoulaye TRAORE doivent être condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare recevable le recours ;
Casse l’arrêt n°82/2009 rendu le 18 novembre 2009 par la cour d’appel de Bamako ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Infirme le jugement n°128 rendu le 11 février 2009 par le tribunal de commerce de Bamako ;
Déboute les ayants droit de feu Moussa Badoulaye Traoré de toutes leurs demandes ;
Rejette la demande de Pascal KIPRET comme non fondée ;
Condamne les ayants droit de feu Moussa Badoulaye TRAORÉ aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le greffier