ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre                             

Audience publique du 08 mars 2012

Pourvoi : n° 027/2008/PC du 06 Mai 2008

Affaire : BANQUE INTERNATIONALE POUR L’AFRIQUE

      AU NIGER dite BIA-NIGER

       (Conseil : Maître BOULAMA Yacouba, Avocat à la Cour)

 Contre

                 Abdoulaye Baby BOUYA

                  (Conseil : Maître MOUNKAILA YAYE, Avocat à la Cour)

ARRET N°010/2012 du 08 mars 2012

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA), Première Chambre,  de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 mars 2012 où étaient présents :

 

Messieurs  Antoine Joachim OLIVEIRA,                            Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,                                          Juge

Marcel SEREKOÏSSE SAMBA,  Juge, rapporteur

et  Maître MONBLE Jean Bosco,                                      Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 06 mai 2008 sous le n° 027/2008/PC et formé par Maître Yacouba BOULAMA, Avocat au Barreau de Niamey, Avenue Maurice DELENS BP 641Tél  20 75 23 30 Niamey (NIGER), agissant au nom et pour le compte de la La Banque Internationale pour l’Afrique au Niger dite BIA-NIGER  S.A  RCCM-NI-NIM-2003-B0030 ayant son siège social à Niamey, Avenue de la Mairie BP 10350 tél 20 75 31 01, représentée par son Directeur Général Monsieur Daniel HASSER, dans la cause l’opposant à Monsieur  Abdoulaye Baby Bouya, commerçant demeurant à Niamey, BP 11401, ayant pour conseil Maître Mounkaïla YAYE, Avocat à la Cour, BP 114 Niamey,en cassation contre l’Arrêt n° 108 rendu le 05 novembre  2007 par la Cour d’appel du Niamey  dont le dispositif est ainsi énoncé :

«-  Reçoit Abdoulaye Baby BOUYA en son appel régulier en la forme ;

  • Au fond infirme le Jugement attaqué ;
  • Déclare irrégulière la vente de l’immeuble, objet de l’acte de cession n°29676 îlot 3679 parcelle C Route de l’Ouallam, intervenue entre BIA-Niger et Ousseini MAHAMANE ;
  • Dit en conséquence qu’elle n’est pas opposable à Abdoulaye Baby BOUYA ;
  • Condamne BIA aux dépens ».

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le  moyen unique de cassation tel qu’il figure à la « requête afin de pourvoi en cassation » annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA,  Juge ;

Vu les articles  13 et 14  du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu que le présent recours, introduit dans les formes et délais légaux, est en la forme recevable ;

 

Attendu que la Banque Internationale pour l’Afrique au Niger dite BIA-NIGER avait consenti en 1997  à Monsieur BOUYA Abdoulaye Baby un prêt de la somme de soixante deux millions sept cent quatre vingt dix mille deux cent huit (62.790.208) FCFA ; que pour garantir le remboursement de ce prêt , Abdoulaye BABY BOUYA avait signé le 30 novembre 1999  devant notaire en faveur de la BIA-Niger un pouvoir spécial de vente de gré à gré de l’immeuble lui appartenant et faisant l’objet de l’acte de cession n° 29676, îlot 3679, parcelle C, lotissement Route Ouallam ; qu’Abdoulaye Baby BOUYA connaissant des difficultés de remboursement de ce prêt à la BIA-NIGER, celle-ci avait décidé d’exécuter le mandat à lui donné par Abdoulaye Baby BOUYA en procédant à la vente de son immeuble ; que contestant cette décision de vente de son immeuble, Abdoulaye Baby BOUYA, qui considérait que la somme d’argent restant due était bien inférieure à celle alléguée par BIA-NIGER, était allé occuper les lieux ; que suite à cette occupation, la BIA-NIGER avait  saisi en référé le Président du Tribunal Régional de Niamey d’une requête en expulsion de Abdoulaye Baby BOUYA ; que par Ordonnance n° 076/TR/NY/2001 du 04 mai 2001, le Président avait prononcé l’expulsion de Abdoulaye Baby BOUYA ; que  sur appel relevé le 07 mai 2001 devant la Cour d’appel de Niamey par Abdoulaye Baby BOUYA  qui soutenait devant ladite Cour entre autres, « qu’il y a contestation sérieuse sur le montant même de la créance restant due et que seul le juge du fond peut apprécier », la Cour d’appel de Niamey, siégeant en matière de référé, avait rendu l’Arrêt n° 76 du 23 mai 2001 par  lequel elle a confirmé l’ordonnance d’expulsion précitée ;

 

Attendu que le 11 mars 2002,  Abdoulaye Baby BOUYA avait formé un pourvoi en cassation de l’Arrêt confirmatif sus-indiqué devant la Cour Suprême du Niger ;  que celle-ci, par Arrêt n° 02-185/C du 26 décembre 2002, s’est déclarée incompétente quant au fond et a renvoyé l’affaire devant la Cour de céans, estimant au vu des pièces de la procédure qu’il y avait bien contestation sérieuse sur le montant même de la créance restant due et que seul le juge du fond pouvait  apprécier, mais pas le juge des référés ;

 

Attendu que la Cour de céans ainsi saisie, et statuant le 27 janvier 2005 par Arrêt n°002/2005  sur l’Arrêt n° 76 rendu en matière de référé le 23 mai 2001 par la Cour d’appel de Niamey, a cassé ledit arrêt et a «  renvoyé la cause et les parties devant le premier juge pour que soient débattues au préalable les questions relatives à la créance de la BIA-NIGER dont le montant est contesté par le demandeur au pourvoi depuis l’audience des référés du 04 mai 2001 »,  motifs pris de la violation de la règle, reprise par l’article 809 du Code nigérien de procédure civile, selon laquelle les Ordonnances du Juge des référés ne doivent en aucune manière préjudicier au principal ;

 

Attendu que fort de ce renvoi devant le Juge du fond, Abdoulaye Baby BOUYA a assigné le 17 Juillet 2005 BIA-Niger devant le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey qui, par jugement n°109 du 22 mars 2006 :

« dit  que la vente de l’immeuble objet de l’acte de cession n°29676 parcelle C lotissement Route de l’Ouallam appartenant à Abdoulaye Baby BOUBA opérée par la BIA-Niger est valable ;

Déboute Abdoulaye Baby BOUYA de ses demandes ;

Condamne Abdoulaye Baby BOUYA aux dépens. » ;

Que le 27 mars 2006, Abdoulaye Baby BOUYA a interjeté appel de ce jugement ; que la Cour d’appel de Niamey a rendu le 05 novembre 2007 l’Arrêt n° 108 sus énoncé qui fait l’objet du présent pourvoi devant la Cour de céans ;

 

Sur le moyen unique

Attendu que la BIA-Niger, demanderesse au pourvoi, invoque un moyen unique à l’appui de son recours, tiré de la violation de la loi par fausse interprétation des articles 246 et 247 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) ; qu’elle fait ainsi grief à l’arrêt attaqué d’avoir disposé « qu’aucune convention entre les parties ne peut autoriser le créancier à déroger aux dispositions de l’article 246 de l’AUPSRVE qui sont d’ordre public », alors que « la clause est licite lorsqu’elle est convenue après la constitution de la sûreté, après la remise des fonds ou au moment de l’échéance à un moment, pense-t-on, où le débiteur ne peut plus subir la pression du créancier. La prohibition n’aurait plus sa raison d’être » ;

 

Attendu que la question que soulève la prétention du demandeur au présent litige est celle de la validité du mandat, donné par le débiteur à son créancier postérieurement à l’octroi du crédit, par lequel  le premier autorise le second à vendre de gré à gré son immeuble sans respecter les formalités de saisie immobilière prescrites notamment par l’AUPSRVE ;

 

Attendu que l’article 246 de l’AUPSRVE stipule : «Le créancier ne peut vendre les immeubles appartenant à son débiteur qu’en respectant les formalités prescrites par les dispositions qui suivent. Toute convention contraire est nulle » ;

 

Attendu que ces formalités prescrites sont celles notamment des articles 247, 253 et 254  du même Acte uniforme et l’article 23 de la loi nigérienne n° 98-06 du 29 avril 1998 ; que l’examen simultané de ces dispositions rend impossible toute interprétation contraire à leur caractère d’ordre public, tant leur clarté et leur précision sont évidentes ; qu’en effet, autoriser le créancier à vendre de gré à gré l’immeuble de son débiteur au mépris des conditions obligatoires prescrites par l’AUPSRVE et les lois nationales, reviendrait non seulement à mettre à néant la portée de ces dispositions d’ordre public et la protection légale du débiteur, mais aussi à légitimer la voie de la fraude aux droits des autres créanciers, surtout ceux titulaires de privilèges de rang supérieur à celui du créancier-vendeur ;  que partant, le mandat spécial délivré par le débiteur à son créancier hors les formalités prescrites ne revêt aucune valeur juridique ;

 

Attendu qu’aussi  le pouvoir de vendre de gré à gré conféré par le débiteur Abdoulaye Baby BOUYA à son créancier  BIA-Niger  n’étant pas « un titre définitivement exécutoire » au sens des article 33 et  247 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité, la vente opérée par la BIA-Niger en vertu de cette convention doit être déclarée nulle et de nul et effet,  et  le pourvoi de la BIA-Niger doit en conséquence  être rejeté comme non fondé ;

 

Attendu que la BIA-Niger ayant succombé,  elle doit être condamnée aux entiers dépens de la procédure ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

En la forme, déclare recevable le pourvoi de la BIA-Niger ;

Au fond : le rejette ;

Condamne la BIA-NIGER aux entiers  dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier