ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 15 décembre 2005
POURVOI n° : 015/2004/PC du 16 février 2004
AFFAIRE : Rassemblement Des Républicains dit RDR
(Conseils : SCPA ADJE – ASSI –METAN, Avocats à la Cour)
contre
Fonds de Développement et de Promotion des Activités
des Producteurs de Café et de Cacao dit F.D.P.C.C
(Conseils : SCPA BOA, ACKRE-TCHAKRE & Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N°056/2005 du 15 décembre 2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 décembre 2005 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Rassemblement Des Républicains dit RDR contre Fonds de Développement et de Promotion des Activités des Producteurs de Café et de Cacao dit F.D.P.C.C, par Arrêt n° 500/03 du 16 octobre 2003 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre judicaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié par exploit en date du 23 janvier 2002 du RDR dont le siège est à Abidjan Cocody, rue Lepic, route du Lycée Technique, 06 BP 1440 Abidjan 06, ayant pour conseils la SCPA ADJE-ASSI-METAN, Avocats à la Cour, demeurant 59, rue des Sambas, Indénié-Plateau, Résidence « Le Trefle », 01 BP 6568 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n°1221 rendu le 13 décembre 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme : déclare le F.D.P.C.C recevable en son appel régulier ;
Au fond : L’y dit bien fondé ;
Infirme l’ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau :
Valide le congé ;
Ordonne par conséquent l’expulsion du RDR des lieux occupés tant de sa personne de ses biens et de tous occupants de son chef ;
Met les dépens à sa charge. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 1er octobre 1994, le Rassemblement Des Républicains dit RDR a conclu un contrat de bail sur un immeuble avec la Société Civile Immobilière LEPIC pour une durée d’une année renouvelable par tacite reconduction pour y abriter son siège ; que le 14 mai 2002, le locataire fut informé de ce que les locaux, objet du bail, ont été cédés au Fonds de Développement et de Promotion des Activités des Producteurs de Café et de Cacao dit F.D.P.C.C ; que le 16 du même mois, le bailleur adressait une lettre au locataire à l’effet de lui notifier que le bail ne sera pas renouvelé pour cause de vente de l’immeuble et qu’il devra par suite prendre ses dispositions pour libérer les lieux à cette date ; que le 30 mai 2002, le F.D.P.C.C, nouvel acquéreur, notifiait au RDR un congé « aux fins de reprise des locaux pour y installer son nouveau siège » ; qu’en réponse, le requérant rappelait au F.D.P.C.C les dispositions de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, en particulier, les articles 78, 91 et 92 de celui-ci et sollicitait le renouvellement du bail ; que, par acte d’huissier en date du 26 juillet 2002, le F.D.P.C.C refusait le renouvellement dudit bail en précisant que si le requérant « estime avoir droit à une indemnité d’éviction, qu’il en fasse la demande en joignant tous les éléments justifiant la somme réclamée. » et « qu’à la réception d’une telle demande, il avisera, étant entendu qu’à défaut d’accord, la juridiction compétente sera saisie. » ; que, par acte d’huissier en date du 18 septembre 2002, le requérant notifiait sa demande d’indemnité d’éviction au F.D.P.C.C, lequel, après lui avoir opposé un refus, l’assignait devant le juge des référés en validation de congé et, conséquemment, en expulsion ; que, par Ordonnance n°4851 en date du 18 octobre 2002, le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan s’étant déclaré incompétent, par exploit en date du 11 novembre 2002, le F.D.P.C.C relevait appel de ladite ordonnance devant la Cour d’appel d’Abidjan et celle-ci rendait l’Arrêt infirmatif n°1221 du 13 décembre 2002, objet du présent pourvoi en cassation formé par le RDR ;
Sur la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA
Attendu qu’il est notamment reproché à l’arrêt attaqué d’avoir qualifié le bail du requérant de bail non commercial dans le but évident de lui refuser le bénéfice des dispositions relatives aux baux commerciaux et qui ressort des articles 69 et 71 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; que ce faisant, ledit arrêt a violé ces articles qui définissent expressément le bail commercial comme toute convention existant entre le propriétaire d’un immeuble ou d’une partie d’un immeuble compris dans le champ d’application de l’article 69 précité, lequel inclut les locaux à usage professionnel ; que c’est le cas des locaux occupés par le requérant qui sont à usage professionnel ; que dès lors, l’arrêt attaqué doit être cassé ;
Attendu que par Arrêt n°500/03 du 16 octobre 2003, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE s’est dessaisie du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans au motif que « l’affaire soulève des questions relatives à l’application du Traité de l’OHADA relatif au droit commercial général notamment les articles 69 et 71 de l’Acte uniforme… » ;
Attendu que lesdits articles prescrivent respectivement que : « Les dispositions du présent titre sont applicables dans les villes de plus de cinq mille habitants, à tous les baux portant sur des immeubles rentrant dans les catégories suivantes :
1°) locaux ou immeuble à usage commercial, industriel, artisanal ou professionnel ; (…) » et « Est réputée bail commercial toute convention, même non écrite, existant entre le propriétaire d’un immeuble ou d’une partie d’un immeuble compris dans le champ d’application de l’article 69, et toute personne physique ou morale, permettant à cette dernière, d’exploiter dans les lieux avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle. » ;
Attendu en l’espèce que la personne morale ayant souscrit le présent bail portant sur des locaux à usage de bureaux pour les besoins de son activité est un parti politique, en l’occurrence, le Rassemblement Des Républicains qui n’a vocation à exercer aucune activité lucrative à caractère commercial, industriel, artisanal ou professionnel dès lors au demeurant qu’aux termes, d’une part, de l’article 1er , alinéa 1, de la loi n°93-668 du 09 août 1993 relative aux Partis et Groupements politiques en COTE D’IVOIRE, « le Parti politique est une association de personnes physiques qui adhèrent aux mêmes idéaux politiques, s’engagent à les faire triompher par la mise en œuvre d’un programme, en vue de conquérir et d’exercer le pouvoir selon les principes démocratiques définis dans la Constitution. » ; que, d’autre part, aux termes de l’article 1er de la Loi n°60-315 du 21 septembre 1960, relative aux associations, « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que lucratif. (.. .) » ; que dans ces circonstances, le bail relatif aux locaux occupés par le RDR ne saurait être régi par les dispositions des articles 69 et 71 susénoncées de l’Acte uniforme précité ;
Attendu que l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application commune des Actes uniformes et, saisie par la voie du recours en cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales, ainsi que dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux ;
Attendu que les dispositions susénoncées de l’Acte uniforme précité étant inapplicables au présent contentieux, dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne sont pas réunies ; qu’il y a lieu en conséquence de se déclarer incompétent et renvoyer l’affaire devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ;
Attendu qu’il y a lieu de réserver les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente ;
Renvoie l’affaire devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ;
Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier